Le marché immobilier peut-il échapper à un krach?

Frédéric Vivien, Atlantic Financial Group

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Habituellement, lors d’une crise immobilière, le creux du marché se trouve 3 ans plus tard, quelque -20% plus bas.

La crise économique et la stratégie de confinement qui lui est associée auront un impact négatif sur le marché immobilier européen, qui n’a pas connu de contraction des prix depuis le début des années 1990 dans certains pays. Habituellement, lors d’une crise immobilière, le creux du marché se trouve 3 ans plus tard, quelque -20% plus bas. L'immobilier commercial et de tourisme sont les segments les plus à risque, donnant un attrait relatif aux terres agricoles, aux friches industrielles, mais aussi aux baux résidentiels de long terme en Suisse.

CINQ RAISONS DE CRAINDRE UNE CHUTE DES PRIX IMMOBILIERS

En Europe, les entreprises ont bénéficié de reports de charges et de dettes, mais ces dépenses n’ont pas disparu. Elles devront être payées plus tard, tandis que les chiffres d’affaires ne retrouveront pas les niveaux d’avant crise. Ce déséquilibre comptable incitera les entreprises à différer leurs investissements immobiliers, voire à céder une partie des biens qu’elles possèdent ou qu'elles louent pour exercer leur activité. La valeur des surfaces commerciales de détail risque rapidement d'être mise sous pression. Elles pourraient subir une dévaluation de plus de 10% cette année.

Les ménages ont aussi été aidés puisque, grâce au chômage partiel,
ils ont pu conserver leur emploi et une grande partie de leur salaire.

Tout comme les entreprises, les ménages ont aussi été aidés puisque, grâce au chômage partiel, ils ont pu conserver leur emploi et une grande partie de leur salaire. Toutefois, ils cherchent à constituer une épargne de précaution pour pallier les hausses d’impôts et licenciements à venir. Ils reportent ainsi leurs actes d’achat de biens durables et favorisent la contraction des prix immobiliers résidentiels.

Ce phénomène est accentué par les politiques monétaires de taux durablement bas. Les agents économiques pourront s’endetter plus tard pour le développement d’une boutique ou l’achat d’un appartement dans les mêmes conditions d’emprunts qu’aujourd’hui. Ils le feront donc lorsque l’horizon se sera éclairci, voire que les prix se seront ajustés à la baisse. Malheureusement, en agissant ainsi, ils accentuent le risque de perte contre lequel ils essaient de se prémunir, engendrant un cercle vicieux.

Pourtant, les taux hypothécaires grimpent légèrement. Les banques commerciales n’ont d’autre choix que d’accroitre leurs marges de sécurité en augmentant la prime de risque qu’elles utilisent dans leurs modèles de prêts hypothécaires. Pour mémoire, le taux d’emprunt immobilier est égal au taux sans risque auquel vient s’ajouter une prime calculée en fonction du risque de défaut de l’emprunteur. Ainsi, bien que les taux d’intérêt auxquels se financent les banques diminuent, le taux moyen des prêts hypothécaires augmente. Ce phénomène n’est clairement pas porteur pour le marché immobilier.

Les chiffres ne sont pas encore publics car les agents immobiliers
ont temporairement stoppé leur activité.

Ce n’est pas encore visible, mais le mimétisme des investisseurs aura un impact négatif. En effet, s’ils anticipent une crise durable, les détenteurs d'actifs immobiliers accentueront la tendance en vendant une partie de leurs investissements, malgré le fait que les rendements locatifs soient toujours intéressants, de l’ordre de 3% à 4% par an net de crédit.

L’EFFET BOOMERANG DES LOCATIONS AIRBNB

Enfin, l’immobilier de tourisme risque de souffrir d’un phénomène tout à fait nouveau, lié au développement récent des plateformes de location telles que Airbnb. Initialement conçues pour offrir un hébergement chez l'habitant, les locations de particuliers à particuliers offraient un retour sur investissement tellement généreux qu’elles ont connu un essor historique. Dans les grandes villes et zones touristiques, les investisseurs ont acheté des biens immobiliers pour les louer sur de courtes périodes à des personnes de passage. Depuis la décision de confiner les Européens chez eux et tant que les voyages seront découragés, ces appartements ou maisons de vacances resteront vides, engendrant un manque à gagner colossal pour leurs propriétaires. Ces derniers ont donc deux alternatives : louer ces résidences à l’année avec des baux classiques ou les revendre au plus vite pour stopper les pertes. Les chiffres ne sont pas encore publics car les agents immobiliers ont temporairement stoppé leur activité mais l’offre de biens résidentiels est déjà en train d’augmenter sur le marché.

EN SUISSE, L’IMMOBILIER RÉSIDENTIEL POURRAIT RÉSISTER

Les investisseurs locaux, en quête d’alternative aux obligations à taux négatifs, sont souvent exposés à l’immobilier via des fonds. Ils peuvent ainsi percevoir un rendement récurrent, parfois même net d’impôt sur le revenu et sur la fortune. Les investisseurs étrangers cherchent pour leur part à sécuriser une partie de leur fortune dans une devise forte. La correction actuelle des fonds immobiliers suisses semble logique, notamment après une période où les valorisations (agios) étaient devenues excessives. La récession pourrait laisser des traces profondes pour les fonds immobiliers constitués d’immeubles commerciaux mais moindre pour ceux qui détiennent des baux résidentiels.

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