Le dragon reprend son souffle

Salima Barragan

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Les mesures protectionnistes américaines éclipsent le 40e anniversaire de l’ouverture de la Chine. Le point avec Mike Shiao d'Invesco.

 

Depuis 2012, le gouvernement chinois redirige l’économie vers la consommation domestique. En 2017, les exportations ne représentaient plus que 0,6% des 6,9% de produit intérieur brut (PIB). Une force pour ce pays qui pourra naviguer avec tranquillité malgré des hausses de tarifs de 25% sur plus de 60 milliards de dollars de production chinoise. «Une baisse des exportations ne va pas impacter significativement les revenus des entreprises chinoises», commente Mike Shiao, CFO pour l’Asie ex Japon chez Invesco.

Cette guerre commerciale n’ira nulle part. «Comment substituer une chaine de valeur aussi compétitive?» s’interroge Mike Shiao. Foxconn, une société chinoise qui assemble des composants pour IPhone, emploi un million de personnes. Où donc  Apple va trouver un tel réservoir de main d’œuvre? Si la Chine représente toujours 50% du déficit américain malgré la vigueur du Yuan, c’est pour une simple raison: le manque de substitut à la sous-traitance chinoise.

«La Chine s’est tournée vers une économie de services
qui atteint aujourd’hui 52% du PIB.»

La Chine c’est aussi le plus gros créancier des États-Unis. Elle place les dollars américains issus de sa balance commerciale excédentaire en bons de trésors américain. Une arme redoutable pour faire pression bien que cette option ne semble pas être à l’ordre du jour.

PIB tiré à la hausse par les services internet et le e-commerce

En ligne avec les attentes, le PIB en glissement annualisé est sorti ce mois-ci à 6,8% dont 2,2% proviennent de la consommation domestique qui en est devenue la composante la plus importante. Tant que cette consommation reste stable, le PIB ne va pas fléchir. D’une économie manufacturière, la Chine s’est tournée vers une économie de services qui atteint aujourd’hui 52% du PIB. «Les secteurs visés par les hausses de tarifs n’ont qu’une contribution marginale sur le PIB» explique Mike Shiao.

Le e-commerce pèse 30% des ventes de détails,  un taux bien plus élevé qu’aux États-Unis. «Un détaillant doit profiter des synergies créées par les canaux de distribution traditionnels et en ligne. Pour ce faire,  Alibaba a racheté 30% de la plus grande chaine de supermarché» commente Mike Shiao. La dynamique de secteur «  IT et Software» a fortement contribué à l’accroissement du PIB. Le gérant est positif sur les médias sociaux tel que WeChat. En revanche,  il se méfie des entreprises qui monétisent les données des utilisateurs. Ainsi, Tencent pourrait voir son image ternir  malgré une impressionnante croissance du résultat net de 74%.

«Tout est question de perspective:
serait-ce le Yuan qui s’apprécie ou le dollar qui se déprécie?»
L’effet «Connect»

L’ouverture graduelle des marchés financiers chinois va leurs apporter un second souffle. Dès à présent, les investisseurs étrangers ont la possibilité d’investir directement sur les actions chinoises A cotées sur les bourses de Shanghai et Shenzhen via le «Connect». De même, les investisseurs continentaux chinois peuvent investir sur les actions cotées à Hong-Kong. Cela va amener des flux de liquidité sans précédent et augmenter de 10% le poids de la Chine dans l’indice MSCI Emerging Markets. Les investisseurs étrangers pourront aussi détenir dorénavant plus de 20% des capitaux des banques étrangère en Chine. Ces flux de capitaux étrangers ne vont pas modifier la politique de la PBOC car ils ne sont pas pris en compte dans le contrôle des capitaux. «Les flux entrants sont les bienvenus et tant que la vigueur du Yuan reflète l’excédent commercial, il n’ y a pas beaucoup de probabilité que le gouvernement dévalue sa monnaie d’autant plus que la Chine fait l’objet de beaucoup de critiques», commente Mike Shiao. D’ailleurs, tout est question de perspective: serait-ce le Yuan qui s’apprécie ou le dollar qui se déprécie?

Le désendettement garant d’une stabilité future

Les bonnes données macroéconomiques récentes offrent une marge de manœuvre supplémentaire au gouvernement chinois pour éliminer les prêts excessifs des SOE, acronyme anglais pour ces sociétés contrôlées par le gouvernement. Le gouvernement a entrepris un désendettement au détriment d’une croissance plus forte «Le ralentissement récent est dû au processus de désendettement pour maîtriser le ratio dette/PIB actuellement supérieur à 250%» souligne Mike Shiao. Le secteur de l’acier s’était fortement endetté pour soutenir sa croissance. Aujourd’hui,  le gouvernement coupe les excès de capacité du secteur ce qui va réduire le niveau de dette. Ces mesures drastiques vont provoquer une saine consolidation du secteur et engendrer un cercle vertueux de réduction des coûts, de renforcement du «pricing power» et d’augmentation des dividendes et de la valeur des actions. «A terme, l’optimisation du tissu industriel de l’acier va améliorer le ROE des entreprises et j’apprécie particulièrement le titre Baoshan Iron & Steel confie Mike Shiao.

«Les fonds de marché monétaires sont entrés
en compétition avec les banques.»

Le finance de l’ombre est le deuxième risque sur lequel les autorités chinoises doivent s’atteler car 80% des activités de crédit sont hors bilan. «Pour une banque il est très difficile d’être avantageuse dans le domaine du crédit car les taux sont fixés par le gouvernement. Des compagnies comme Alibaba vous offrent des taux plus intéressants» commente Mike Shiao. Les fonds de marché monétaires sont entrés en compétition avec les banques. Ces dernières étaient obligées de structurer des produits attrayants pour rivaliser. Le gouvernement chinois a commencé à mettre en place des régulations pour diminuer ces risques de crédit.

Des perspectives de croissance des bénéfices réjouissantes

La croissance des bénéfices continuera à être le moteur de la hausse des actions chinoises. Mike Shiao prévoit une croissance des bénéfices de 18% pour cette année. Actuellement, les valorisations restent attractives et se traitent avec une décote en comparaison avec les marchés occidentaux.

Le gérant surpondère les secteurs de la consommation, de la santé – tout particulièrement les entreprise actives dans le segment des génériques – et la technologie où la visibilité ainsi que la croissance des bénéfices est plus forte. Quant à l’énergie et les matériaux, le gérant prévoit un ralentissement. Enfin, il s’attend à une croissance à un chiffre concernant les valeurs financières dont leur ROE ne cesse de baisser depuis quelques années. Enfin, la protection de l’environnement est une autre thématique émergente en Chine. Des compagnies comme PetroChina qui utilisent des techniques plus propres devraient profiter de cette nouvelle tendance.

Selon Mike Shiao,  les récentes turbulences sur le marché chinois sont dues à des mouvements de marché internationaux car les données économiques et les données fondamentales restent bonnes. Les entreprises chinoises ont publié des chiffres solides.