Le diable est dans les détails

Axel Botte, Ostrum AM

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Les actions saluent l’accord sino-américain et l’issue des élections au Royaume-Uni.

© Keystone

Une semaine intense vient de s’achever. La BCE et la Fed se réunissaient, les britanniques étaient appelés aux urnes et les négociations sinoaméricaines s’accéléraient avant l’échéance du 15 décembre.

Finalement, peu de surprises et des marchés bien orientés saluant la levée d’un certain nombre d’incertitudes. Les indices boursiers (S&P au plus haut historique) et les dettes risquées sont en hausse sur fond de baisse du dollar. Shanghai s’adjuge 2%. Le décrochage du yen profite au Nikkei. Les indices iTraxx de crédit enfoncent leurs points bas de 2019. Les matières premières s’apprécient y compris l’or.

Toutefois, la hausse des rendements sans risque s’est interrompue en fin de semaine dans la confusion des tweets présidentiels. Le T-note américain termine la semaine à 1,82%. Son équivalent allemand s’échange à -0,30%. La forte hausse du sterling engendre une dégradation du Gilt et une compression notable des points morts d’inflation britanniques.

Le graphique de la semaine

Boris Johnson a remporté les élections parlementaires britanniques avec une majorité claire. Il a désormais un mandat pour concrétiser le Brexit avant la date butoir du 31 janvier.
Sur le marché des changes, le sterling s’est fortement apprécié rejoignant ses plus hauts depuis 2017.
Cela étant, les incertitudes persistantes notamment les risques politiques internes au Royaume-Uni and les difficultés anticipées pour déterminer la future relation du RU avec l’UE empêchent un retour vers les niveaux pré-référendum de 2016.
Un accord commercial à minima

La Chine et les Etats-Unis sont parvenus à un accord partiel la semaine passée. La menace de nouveaux tarifs douaniers américains est suspendue sine die. Certaines taxes portant sur 120 milliards de dollars de produits chinois ont été réduites de moitié à 7,5%. Cela étant, 250 milliards de dollars d’importations sont encore frappées d’une taxe de 25%. De leur côté, les autorités chinoises n’ont pas annoncé de réduction tarifaire mais s’engagent à acheter davantage de produits américains, dont 40 à 50 milliards de dollars de biens agricoles sur 2 ans, tout en rappelant leur objectif d’autonomie alimentaire. Des déclarations d’intention au sujet des transferts forcés de technologie et des conditions d’accès au marché interne chinois complètent le document. Un groupe de travail sino-américain encadrera les litiges. L’accord doit être signé début janvier à Washington et prendra effet a priori 30 jours plus tard.

Au Royaume-Uni, la victoire écrasante de Boris Johnson lui donne un mandat clair pour une sortie de l’UE effective au 31 janvier 2020. Le plus dur commence. La phase de transition permettant de définir les relations futures du pays avec l’Europe débute ainsi dès février. Le risque politique persiste. L’Ecosse, majoritairement opposée au Brexit, exige un nouveau référendum d’indépendance.

Fed: statu quo en trompe l’oeil

Les deux principales banques centrales rendaient leurs décisions en milieu de semaine. La Fed a laissé ses taux inchangés à 1,50-1,75%. Une référence à l’incertitude a été ôtée du communiqué. Le soft landing de l’économie américaine semble faire consensus au sein du FOMC. Les banquiers centraux sont davantage préoccupés par les tensions sur la liquidité à court terme. Malgré un discours optimiste, la Fed a annoncé une série d’opérations de financement au jour le jour et à terme allant jusque 150 milliards de dollars en vue du passage de fin d’année. La Fed ne semble pas comprendre la dynamique d’un système de réserves surabondantes mais mobilisées par les ratios réglementaires, qui n’empêche pas l’apparition de tensions. C’est un enjeu considérable pour l’économie américaine dont le modèle dépend étroitement des conditions d’accès au crédit.

Si cette tendance se maintient, l’euro s’appréciera
en dépit du maintien des taux négatifs.
BCE: revue stratégique dès janvier

En zone euro, Christine Lagarde faisait son baptême du feu. La Présidente de la BCE a annoncé une revue de la stratégie monétaire. Des discussions seront ouvertes sur nombre de sujets dont l’objectif de prix, la capacité de l’institution à contribuer à la lutte contre les risques climatiques ou à la hausse des inégalités. Ces ambitions outrepassent le rayon d’action possible pour une Banque Centrale. Un instrument pour un objectif (l’inflation) disait Tinbergen. On peut déjà imaginer une tolérance accrue pour une inflation supérieure à 2% et un traitement particulier des dettes liés aux investissements verts européens. Concrètement, Lagarde s’emploie à rétablir un consensus. Une baisse des taux est hypothétique à court terme. La faiblesse de la demande aux TLTRO-III de décembre (97,7 milliards d'euros) est peut-être liée au tiering des réserves qui réduit désormais la demande de financement des banques pour motif d’arbitrage du coût de portage des liquidités.

Compte tenu des remboursements du 18 décembre 2019 (146,8 milliards d'euros), l’opération se solde par un retrait net de liquidités de 50 milliards d'euros. Si cette tendance se maintient, l’euro (1,11 dollar) s’appréciera en dépit du maintien des taux négatifs.

L’actualité politique a occulté les publications économiques. L’inflation américaine est ressortie à 2,1%a en novembre et continuera de monter au 1t20. Les couts salariaux unitaires augmentent de 2,5%ta au 3t19. Par ailleurs, les ventes au détail progressaient moins vite qu’attendu. La faible hausse mensuelle des dépenses est surprenante compte tenu des données récentes d’emplois, de salaires et de crédit. La croissance américaine se situe probablement entre 1,5% et 2%ta au 4t19.

Aux Etats-Unis, les marchés d’actions poursuivent leur ascension. Le S&P 500 s’offre de nouveaux sommets avant la trêve des confiseurs. La volatilité induite par les tweets de Donald Trump a rapidement été effacée comme souvent cette année. Le positionnement acheteur des gérants sur les dérivés actions s’est accentué malgré des valorisations élevées.

La crainte d’une fin d’année sous tensions sur le marché
de repo engendre des rachats sur les Treasuries.

L’asymétrie à la baisse de la volatilité nous rappelle que le marché évolue sur des points hauts. Les marchés de taux sont plus hésitants. Le T-note s’échange à 1,82% en clôture hebdomadaire après un sommet à 1,90%.

Le mouvement de pentification s’estompe. La crainte d’une fin d’année sous tensions sur le marché de repo engendre des rachats sur les Treasuries, notamment contre swap depuis le début du mois. Cette prudence n’empêche pas un net resserrement des spreads sur les obligations risquées. La dette émergente en dollars voit sa prime plonger vers 300pb. Les marchés ont déjà oublié les tensions en Colombie (120pb), au Chili (61pb) ou au Brésil (183pb). Le CDX high yield cote à moins de 300pb. Le taux de défaut est attendu en hausse l’an prochain, en particulier dans le secteur de l’énergie (730pb vs. UST) qui s’échange environ 300pb plus large que le marché dans son ensemble.

En Europe, l’issue des élections britanniques provoque une poussée haussière du sterling (EURGBP au plus bas depuis 2017 à 0,83), des rendements obligataires et une compression des points morts d’inflation à 10 ans de 15pb sur la seule séance de vendredi. Le Bund se dégrade rapidement vers -0,22% après la double annonce d’un accord et de la nette majorité conservatrice au RU avant de revenir vers -0,30%. La BCE ayant maintenu le cap, les spreads périphériques se resserrent. L’Italie 10 ans s’échange sous 150pb. Le crédit profite de l’embellie. Le spread IG moyen s’établit sous 100pb. La surperformance du high yield (318pb) se poursuit avec un resserrement de 195p en 2109.

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