Le coronavirus préfère les pays riches

Nicolas Marmagne, XO Investments

2 minutes de lecture

La corona-crise frappe durement les pays occidentaux. L’âge moyen des populations et le niveau de richesse semblent influer sur le nombre de morts.

Une situation en passe d’être maîtrisée

Le coronavirus met sous pression l’ensemble des systèmes hospitaliers dans le monde. Après la Chine et la province du Hubei, l’épicentre de l’épidémie s’est déplacé en Europe avant de migrer aux Etats-Unis. Ce sont donc les principales économies mondiales qui sont touchées. Les économies les plus solides avec normalement les capacités médicales les plus étendues. 

Nombre de cas de coronavirus dans le monde

Source: Bloomberg, XO Investments SA

 

Taux de croissance moyen sur 10 jours des nouveaux morts

Source: Bloomberg, XO Investments SA

 

Les statistiques montrent une baisse du taux de croissance de nouveaux décès dus au coronavirus. Alors que la Chine a réussi (selon les statistiques officielles…) à maîtriser la situation début mars, c’est avec deux mois de retard que l’Italie ou la Suisse arrivent désormais à cette situation. Les Etats-Unis ont quant à eux entre 10 et 15 jours de décalage par rapport à l’Europe.

Tant le PIB/tête que le pourcentage de plus de 65 ans
influencent positivement le nombre de morts par millions d’habitants.
Une crise qui pose des questions

La crise actuelle met en évidence les carences de nombreux pays et laisse ouvertes de nombreuses questions:

  • La Chine a-t-elle menti?
  • Les gouvernements européens et américains ont-ils tardé à agir?
  • Dans le cas d’un virus faut-il tester des traitements pragmatiquement ou procéder à une recherche méthodique et scientifique d’un vaccin?
  • Les gouvernements ont-ils été prévoyants? 

Une des constatations qui s’impose progressivement est le fait que ce sont les pays développés et donc riches qui semblent les plus impactés. Cette constatation doit être mesurée d’un point de vue statistique. Nous n’avons pas la prétention de produire une étude formelle mais simplement de commencer à comprendre ce que les données nous disent. Une étude plus détaillée sera nécessaire car de nombreuses limites en termes de méthodologie seront présentes.

Pour cela nous effectuons un petit travail pour tenter d’expliquer le nombre de morts du coronavirus. Nous excluons l’utilisation du nombre de cas avérés dans la mesure où cela dépend du nombre de tests effectués par chaque pays. Cette variable doit tout de même être utilisée avec prudence puisque nous ne savons pas si ce nombre de morts est fiable1

Nous allons mettre en relation cette donnée, normalisée par rapport à la population du pays avec deux variables: la richesse par tête (PIB/tête) et le pourcentage de population de plus de 65 ans, dans la mesure où il semble que ce soit les plus âgés les plus affectés.

Nous travaillons sur 74 pays pour lesquels nous détenons toutes les données. On constate des statistiques moins bonnes, soit le nombre de morts par million d’habitants, pour les pays riches.

 

Les pays riches voient-ils la limite de leurs modèles?

Les résultats de la régression linéaire effectuée figurent ci-dessous.

On constate que tant le PIB/tête que le pourcentage de plus de 65 ans influencent positivement le nombre de morts par millions d’habitants. Ces deux constatations sont de plus statistiquement significatives. On trouve une vraie relation statistique entre ces variables. 

Pour un problème statistique lié à la corrélation entre les deux variables explicatives, on peut réaliser la régression en deux étapes: d’abord on régresse la population âgée sur le GDP, ensuite on prend le résiduel (qui par construction n’est pas corrélé) et on l’utilise à la place de la population âgée dans la régression principale. Les résultats sont inchangés, voire même améliorés.

Ainsi, plus la population est âgée, plus le pays est à risque avec cette épidémie de coronavirus. Ceci est logique. La deuxième constatation est beaucoup plus intéressante. Plus le pays est riche, plus il est à risque! Ceci paraît initialement contre-intuitif dans la mesure où ces pays disposent de système de santé efficace. Il est néanmoins facile à comprendre si on considère les éléments suivants: pollution, stress, mauvaise habitudes alimentaires, obésité, maladies chroniques…

Il est fort probable que les plus touchés
soient les pauvres des pays riches

Nous pourrions compléter cette analyse avec des données sociales économiques au sujet des personnes décédées. Il est fort probable que les plus touchés soient les pauvres des pays riches puisque ce sont eux qui sont le plus exposés aux maladies chroniques.

Il convient de rester néanmoins prudent. Le pouvoir explicatif de ce modèle n’est que de 20,53%, il considère la linéarité de la propagation2. Le virus ne s’est pas encore propagé dans le monde entier. Il faudra attendre quelques mois et la fin de l’épidémie pour réaliser avec le recul nécessaire ce type d’étude.

«Gouverner c’est prévoir».
Adolphe Thiers

Mais quels que soient les résultats, les remises en question s’annoncent profondes dans des pays occidentaux où la prolongation de la vie va devenir un sujet de société, où la nature a perdu une partie de ses droits.  Les conflits générationnels, sociaux, politiques et éthiques sont à nos portes.

 

1 https://www.rts.ch/info/suisse/11265206-le-bilan-du-covid-19-pourrait-etre-plus-eleve-que-les-chiffres-officiels.html
2 Si on utilise un modèle non-linéaire avec des variables binaires (pauvres/riches, vieux/jeunes) le pouvoir explicatif du modèle progresse avec un lien statistique avec la richesse des pays.

A lire aussi...