Le 21ème siècle, siècle de la Chine?

Vincent Juvyns, J.P. Morgan Asset Management

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Les politiques de relance chinoises sont positives pour l’économie mondiale.

De la Chine, il est beaucoup question. Les perspectives de l’année 2019 semblent reposer sur la robustesse dont la deuxième puissance mondiale saura faire preuve car la croissance économique mondiale dépend largement de la manière dont elle gérera son ralentissement, son endettement et ses relations avec les Etats-Unis dans le contexte de la guerre commerciale. Les réponses de Vincent Juvyns, membre de l'Association des Stratégistes d'Investissement de Genève (ISAG) aux cinq questions d’Allnews.

Quels sont les principaux dangers que vous percevez en Chine?

Le principal danger auquel la Chine fait face actuellement est le ralentissement conjoncturel que connait son économie.  En effet, suite à la politique monétaire plus restrictive menée par la People Bank of China ces dernières années, à la réduction des capacités excédentaires de production dans l’industrie …et à la guerre commerciale sino-américaine, l’économie chinoise a enregistré, au quatrième trimestre de 2018, son plus faible rythme de croissance depuis 28 ans. Les dirigeants chinois prennent cependant des mesures correctives appropriées. La PBoC a ainsi déjà consenti depuis la fin de l’année 2018 à un assouplissement monétaire conséquent qui devrait relancer les dépenses d’infrastructure. Cependant dans un pays déjà lourdement endetté, ces mesures monétaires devraient être moins efficaces que par le passé et il est dès lors indispensable de leur adjoindre un volet budgétaire afin de soutenir la consommation et la rentabilité des entreprises. C’est ce à quoi semblent se résoudre les autorités chinoises puisqu’une baisse de la TVA, de l’impôt sur les personnes physiques et de l’impôt des sociétés est attendue en 2019.

Les actions A, sont nombreuses, attractives, liquides,
inefficientes et faiblement corrélées aux actions européennes
Vous positionnerez-vous sur les actions chinoises?

Oui, les actions chinoises, surtout les actions A, sont nombreuses, attractives, liquides, inefficientes et faiblement corrélées aux actions européennes:

  • Nombreuses : On compte aujourd’hui 3 467 actions A, contre environ 250 actions H.
  • Liquides : Ces actions sont liquides puisque la valeur négociée quotidiennement s'élevait l’année dernière à 67 milliards de dollars, alors qu’elle n’est en moyenne que de 54 milliards aux États-Unis. Le nombre d’entreprises dont les actions A sont négociées pour un volume quotidien supérieur à 10 millions de dollars est de 933 contre 648 dans le reste des marchés émergents.
  • Suite à la correction de l’an dernier, les valorisations des actions A sont retombées sous leurs moyennes historiques
  • Ces actions sont inefficientes car 85% du volume de transactions est issu d'investisseurs privés locaux. Les investisseurs étrangers ne détiennent que 2% des actions A, tandis qu'ils représentent 28%, 30% et 38% sur les marchés indien/pakistanais, japonais et coréen/taïwanais, respectivement. L’ouverture de l’accès aux marchés d’actions domestiques pour les investisseurs étrangers grâce notamment au Stock-Connect entre Hong-Kong et Shanghai/Shenzen et plus récemment à l’inclusion de nombre d’actions domestiques aux indices MSCI devraient améliorer l’efficience de ce marché dans le futur.
  • Enfin, elles ne sont pas corrélées aux autres marchés: au cours des 10 dernières années, la corrélation au MSCI Europe n’était que de 0,19.
Et sur la dette chinoise?

Oui, encore. Certes, l’endettement chinois est élevé mais il est toujours inferieur aux «standards» occidentaux et la soutenabilité de cette dette semble plus importante qu’en Occident dans la mesure où le pays connait toujours un taux de croissance 2 à 3 fois supérieur à celui observé dans les pays développés, une inflation structurellement plus élevée, un taux d’épargne important et une faible détention étrangère de sa dette (moins de 1,5%). Le pays dispose d’une notation de crédit identique à celle du Japon (S&P AA-) mais le rendement de la dette y est largement supérieur. En outre les agences de notation occidentales peuvent désormais noter les émetteurs obligataires chinois, ce qui devrait conférer davantage de transparence a ce marché. Le seul problème reste la difficulté pour les investisseurs étrangers d’accéder aux marchés de dette en Chine mais comme pour les marchés d’actions, la Chine prend des mesures pour ouvrir ses marchés de capitaux. 

Le Sud-Est asiatique devrait directement profiter des mesures de relance chinoises.
Quel sera l’impact de la Chine sur les marchés du Sud-Est asiatique?

Les mesures de relance prises par les autorités chinoises devraient soutenir la consommation chinoise et les dépenses en infrastructure. Le Sud-Est asiatique devrait directement en profiter grâce à des exportations de biens de consommation en hausse ou des investissements directs en infrastructure notamment dans le cadre des deux plans stratégiques: «New Silk Road» et «One Belt One Road».

Et sur les matières premières?

On a pu observer par le passé (2009), que les politiques de relance en Chine étaient positives pour l’économie mondiale et pour la demande de matières premières. Il faudra cependant quelques mois avant que ces mesures ne produisent leurs effets mais l’on peut raisonnablement estimer que la seconde partie de l’année pourrait être plus favorable aux matières premières.

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