Le «tarif climatique» nuit à nos exports

Stephan Mumenthaler, Scienceindustries, Zurich

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L’UE introduira la CBAM – la Suisse ne la prévoit pas. C’est bienvenu, car cette taxe, contestée à l’OMC, nuirait à notre industrie d’exportation.

La taxe carbone transfrontalière CBAM (= Carbon Border Adjustment Mechanism) vise à contrecarrer les désavantages concurrentiels globaux des entreprises intra-européennes fortement émettrices de CO2 en soumettant également les importations à un prix du CO2 comparable. L’objectif est d’éviter que les entreprises nationales soient désavantagées par rapport aux entreprises étrangères qui ne paient pas de taxes sur le CO2 ou qui en paient moins, ou qu’elles délocalisent leur production à l’étranger. Ce qui semble positif en apparence est hautement critique pour le site de production suisse orienté vers l’exportation, et ce pour plusieurs raisons.

L’UE introduira un tel CBAM en octobre 2023. Après une phase de transition avec des obligations de documentation pour les entreprises, des taxes seront prélevées sur le contenu en CO2 des importations à partir de 2026. Les produits concernés par la «taxe climatique» sont pour l’instant le ciment, le fer, l’acier, l’aluminium, les engrais, l’hydrogène et l’électricité. Parallèlement, dans le cadre du système d’échange de quotas d’émission, l’attribution gratuite de droits d’émission, appelés certificats gratuits, à ces secteurs sera progressivement réduite.

Le Conseil fédéral s’oppose au CBAM

Différentes interventions sont actuellement en suspens au Parlement fédéral, qui demandent l’introduction de taxes compensatoires de CO2 également en Suisse. Le Conseil fédéral a toutefois recommandé mi-juin que la Suisse ne se joigne pas pour l’instant au CBAM de l’UE. Au sein de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), la question de savoir si de telles taxes sur le CO2 violent les règles internationales du commerce, comme par exemple l’interdiction de discrimination, et sont donc inadmissibles, est très controversée.

Il est cependant incontestable que les entreprises suisses à forte intensité d’émissions seront fortement désavantagées par rapport à leurs concurrentes hors UE en raison de l’expiration des certificats gratuits.

En tant qu’économie fortement orientée vers l’exportation, la Suisse est particulièrement tributaire du fait que les grands espaces économiques que sont les Etats-Unis, l’UE et la Chine respectent généralement les règles du jeu multilatérales. Il serait fatal pour un pays d’enfreindre lui-même ces règles et de s’exposer ainsi au risque de contre-mesures de la part d’importants partenaires commerciaux extra-européens. L’industrie exportatrice salue donc le fait que le Conseil fédéral ne prenne pas les devants sur cette question centrale, mais souhaite d’abord évaluer précisément les effets du CBAM de l’UE.

L’image de «l’égalité des chances» ne suffit pas

Il est cependant incontestable que les entreprises suisses à forte intensité d’émissions seront fortement désavantagées par rapport à leurs concurrentes hors UE en raison de l’expiration des certificats gratuits - et donc de l’augmentation des coûts du CO2. C’est pourquoi on évoque souvent l’image d’une «égalité des chances» pour une solution CBAM suisse. Cette représentation est cependant trop courte, car la protection des entreprises à forte émission détériore en même temps massivement la position concurrentielle de l’industrie d’exportation suisse à forte valeur ajoutée.

Pour ces entreprises, les coûts d’approvisionnement en produits intermédiaires tels que l’acier etc. augmentent en raison de la CBAM. Selon nos propres calculs, il faut par exemple s’attendre à des majorations de prix d’au moins 10% pour les produits chimiques. Comme la compensation des émissions de CO2 ne prévoit pas de possibilité de remboursement lors de l’exportation vers des pays tiers, la rentabilité de la production en Suisse serait généralement remise en question.

Soutien de l’objectif zéro net d’ici 2050

L’industrie exportatrice soutient les objectifs climatiques de Paris et s’est engagée à atteindre le zéro net d’ici 2050. Selon des études, l’effet des taxes sur le CO2 sur le climat est minime, voire contre-productif, par exemple lorsque les entreprises exportatrices délocalisent leur production à l’étranger en raison de coûts d’approvisionnement plus élevés dus au CBAM. Compte tenu de cette efficacité douteuse des mesures CBAM, associée à des risques et des charges élevés, leur introduction doit être considérée comme critique. Il faut espérer que le Parlement suivra le Conseil fédéral et ne prendra pas de mesures hâtives pour introduire des «droits de douane climatiques» en Suisse.

D’autres solutions doivent être trouvées pour les entreprises suisses à forte intensité d’émissions qui sont déjà massivement sous pression en raison des prix subventionnés de l’énergie industrielle dans nos pays voisins et qui risquent effectivement de subir de graves désavantages concurrentiels à l’avenir en raison du durcissement de la politique climatique ici et dans l’UE. Il s’agit notamment des technologies de décarbonisation, qui doivent être encouragées de manière ciblée, ainsi que, de manière générale, d’une ouverture technologique permettant aux innovations de prendre effet. Nous ne voulons pas perdre ces entreprises en Suisse. Avec leurs technologies, elles apportent une contribution centrale à la protection du climat et à l’économie circulaire.

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