Laissés pour compte

Nicolette de Joncaire

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Le projet d'infrastructure annoncé par Donald Trump n'est pas un nouveau New Deal.

 

Dopé par la consommation et les exportations, le PIB des États-Unis a progressé au 2e trimestre de 4,1 % en rythme annuel. A 3,9%, le taux de chômage de juillet est l’un des plus bas des trois dernières décennies. Mais derrière l’optimisme qui dope les marchés financiers, la réalité est un peu différente.

Employés ou non, plus de quarante millions d’Américains vivent dans la pauvreté. Dont 18,5 millions dans l'extrême pauvreté et plus de 5 millions – soit 1,7% -, dans des conditions de «pauvreté absolue», estime le rapport de Philip Alston1 que les médias européens découvraient avec ébahissement en fin d’année dernière. Dans le pays le plus riche du monde, environ 45 millions de travailleurs pauvres ne peuvent se nourrir que grâce aux coupons alimentaires. 

Ces chiffres, amplement corroborés par le Bureau de recensement des Etats-Unis, n’ont malheureusement rien de nouveau.  Plus de 12,7% des citoyens américains, sur un total de près de 320 millions de personnes, vivaient en-deçà du seuil de pauvreté en 2016. Ce pourcentage atteignait 15,1% en 2010, au pire du contrecoup de la crise.

A 62,9%, le taux de participation au marché du travail reste faible et n’a progressé ni dans le dernier mois, ni sur la dernière année. En réalité, il baisse régulièrement depuis la fin des années 1990 où il se situait autour de 66%. Contrairement à ce qui se répète volontiers, cette dégradation n’est pas imputable aux seuls départs en retraite des baby-boomers.

Porteur d’espoir auprès d’une population insuffisamment éduquée pour accéder à un marché du travail devenu trop sophistiqué, le projet de renouvellement de l’infrastructure annoncé par Donald Trump sera-t-il à même de soulager – au moins partiellement - la portion la plus démunie du peuple américain, comme l’avaient réussi certains programmes du New Deal de Franklin Delano Roosvelt?

Rien n’est moins sûr. L’engagement de l’Etat y sera relativement modeste. La Maison Blanche lui a alloué 200 milliards de dollars, sur les 1500 à 1700 milliards à investir sur 10 ans. Le reste sera financé - ou pas - par des fonds locaux et privés.  Trump le voudrait-il – ce qui n’est pas le cas -, la hausse du déficit de l’Etat généré par les baisses d’impôts ne permettra pas à l’Etat américain de mener une politique d’assistance sociale, d’aide au travail ou d’accès aux ressources financières similaire à celles promue dans les années 1930 auprès d’une population dont, aux dernières nouvelles, 11,7% n’est couvert par aucune assurance médicale2.

Quant à l’hypothèse très politique «du ruissellement économique» qui voudrait que les revenus des plus riches profitent au plus pauvres, elle ne trouve guère de fondement dans la théorie économique et semble avoir fait long feu. Les laissés pour compte risquent de le rester.

 
[1] Rapporteur spécial des Nations-Unies sur l’extrême pauvreté
[2] US Census Bureau