La volatilité revient en force

Stéphane Monier, Lombard Odier

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Les fortes variations qu’ont connues les marchés financiers ont sonné comme un avertissement pour les investisseurs trop complaisants, même si elles n'auraient dû surprendre personne.

Les fortes variations qu’ont connues les marchés financiers ont sonné comme un avertissement pour les investisseurs trop complaisants, même si elles n'auraient dû surprendre personne. La normalisation de la politique monétaire engendre en effet des défis pour les marchés, mais il est important de se rappeler pourquoi cette politique se normalise: dix ans après la crise financière mondiale, les économies commencent à se remettre sur pied.

Une période difficile

Ce n'est peut-être pas ce que ressentent de nombreux investisseurs ce mois-ci… mais la volatilité est l'amie des marchés. Des corrections comme celles qui sont survenues au début de février remplissent plusieurs fonctions utiles: elles nous permettent de réévaluer des valorisations qui ont été gonflées par une vague haussière; elles agissent comme un rappel des avantages à être prudents et à réfléchir à long terme; et elles modèrent ces «esprits animaux» que l'économiste John Maynard Keynes avait identifiés comme formant le cœur sombre des marchés financiers.

La secousse peut être rude. Le S&P 500 a connu une croissance régulière et quasi ininterrompue en 2017, mais les gains de janvier 2018 ont été nettement plus élevés, voire exubérants. Il n’a pourtant fallu que quelques jours pour les effacer. Un bond dans les données américaines sur les rémunérations horaires, publiées le 2 février, a suffi à faire craindre qu'une hausse de l'inflation pousse la Réserve fédérale américaine (Fed) à accélérer le rythme des hausses de taux d'intérêt. Le gain de 6,5% du S&P 500 au premier mois de l'année a été suivi par une baisse de plus de 10% sur une seule semaine. Les rendements du Trésor américain ont augmenté et les marchés boursiers ont chuté partout dans le monde, tandis que l'indice VIX, qui mesure la volatilité, grimpait à plus de 50 le 6 février, son plus haut niveau depuis mars 2009. Un semblant de calme a émergé depuis mais ces variations sont du genre à inquiéter les investisseurs. Il s’agit d’une période où il faut considérer les réalités du marché et examiner les fondamentaux qui sont en jeu dans l'économie mondiale.

Processus de convalescence

Premièrement, nous devons nous rappeler que nous sommes sortis d'une période de volatilité exceptionnellement faible. L’année de gains que nous avons connue en 2017 ne correspond pas au cours normal des événements et il ne devrait choquer personne qu'il y ait des effets secondaires. Il y a également eu des facteurs techniques qui se sont clairement manifestés durant ce dernier épisode. Une bonne partie des sorties semble avoir résulté de stratégies de «trend following», les signaux de momentum à court terme étant devenus négatifs. La couverture des positions optionnelles par les teneurs de marché a également joué un rôle. La volatilité sera probablement une caractéristique de 2018, mais il est également fort possible que les aspects techniques du drame de février soient moins prononcés au fur et à mesure que l'année s’écoule. Il convient également de noter que la forte réaction du marché à la croissance des salaires américains a eu pour effet de resserrer les conditions - les bons du Trésor à 10 ans dépassant les 2,8% et les marchés actions s'affaiblissant -, ce qui aurait été en soi suffisant pour stopper l’action de la Fed que l’on aurait pu redouter. Les banques centrales, après tout, apprécient que les marchés fassent leur travail à leur place.

Alors pourquoi la volatilité devient-elle plus probable? Pour l’exprimer en termes simples, le monde se remet encore de la crise financière mondiale et de l'ère de l'argent facile qui s’en est suivie. A l'heure où les banques centrales des Etats-Unis, de l'Europe et peut-être du Japon s'éloignent d’une politique monétaire accommodante et diminuent la liquidité, les marchés auront tendance à réagir de façon excessive. C'est comme si un parent retirait les stabilisateurs de la bicyclette de son enfant. Des secousses, et peut-être une, voire deux chutes désagréables, deviennent alors inévitables. Pour prolonger l'analogie, il sera important pour les investisseurs d'évaluer la tenue de route du vélo et de se munir d’une protection adéquate.

Nous pensons que les fondamentaux macro et micro restent fermement en place. Les données de croissance récentes ont été solides et en ligne avec l'amélioration généralisée observée au cours des six derniers mois. Ceci inclut les données chinoises, qui correspondaient à la vigueur générale même si un certain ralentissement était attendu. La saison des résultats aux Etats-Unis a également débuté sous de bons auspices : plus de la moitié des entreprises ont déjà annoncé leurs chiffres, parmi lesquelles 80% ont dépassé les estimations de leur bénéfice par action et ont également relevé leurs prévisions. Par conséquent, nous ne voyons aucun signe de perturbation dans l'activité économique mondiale, mais plutôt une confirmation que les fondamentaux de la croissance restent bien orientés. Les baisses sur les marchés boursiers sont préoccupantes lorsque l'économie réelle semble en surchauffe; actuellement, les signes d'excès restent assez limités.

Les chiffres sur l’inflation américaine publiés le 14 février ont constitué un autre test pour les marchés. L'indice des prix à la consommation (IPC) a dépassé les attentes pour le deuxième mois consécutif, mais les investisseurs ont réagi de façon beaucoup plus discrète que ce que nous avons vu au début de février. C'était un signe clair que les marchés pourraient finalement avoir pris en compte la perspective d'une inflation plus élevée.

Positionner les portefeuilles

Nous adaptons de manière dynamique les portefeuilles afin de prémunir nos clients de la volatilité accrue du marché. Dans le cas présent, nous avons opéré deux mouvements clairs, en privilégiant les obligations convertibles et le yen (JPY). En novembre, notre comité d’investissement a augmenté l'exposition aux obligations convertibles, qui ont tendance à bien se comporter dans un tel contexte. Ce sont en effet des titres de créance qui peuvent être convertis en actions sous certaines conditions. Cela signifie qu'ils peuvent amortir la baisse des actions grâce à leur plancher obligataire, mais qu'ils peuvent aussi tirer parti d'une bonne partie de la hausse des actions – et de l'accroissement de la volatilité du marché, qui augmente la probabilité de conversion en actions. En janvier, nous avons initié une exposition longue au JPY contre le dollar américain (USD) car nous pensons qu'il s'agit d'une devise sous-évaluée dans une économie confiante, avec un potentiel de hausse significatif en cas de signe fort de resserrement de la politique monétaire. À nouveau, cela nous a placés en position d’absorber les pics de volatilité.

Alors que les marchés se remettaient de leur mini-effondrement, le moment était venu d'exploiter notre scénario central positif et de rechercher des rendements pour nos clients. Pour ce faire, nous avons choisi de vendre des options put sur les actions européennes. Cela nous a permis de monétiser directement nos attentes en vue d’une reprise, tout en constituant un coussin contre les baisses à venir, hormis les plus spectaculaires. Peu de temps avant la correction, nous avions également pris des bénéfices sur nos couvertures en USD dans nos portefeuilles en euro (EUR) et en franc suisse (CHF), concluant ainsi avec succès notre stratégie 2017 sur les tendances positives européennes. Le taux de change EUR/USD a évolué vers notre objectif de 1,25, atteignant sa juste valeur à long terme.

Le courage des marchés sera à nouveau mis à l’épreuve avant la fin de l'année. Comme nous l'avions prévu, la normalisation de la politique monétaire, de l'inflation et des conditions économiques engendrera des pics et des creux en 2018; mais, dans un environnement toujours favorable, il s'agit d'une opportunité qui devrait récompenser les investisseurs qui seront agiles et vigilants.