La normalisation de la politique monétaire reste à achever

Valérie Lemaigre, Banque Cantonale de Genève

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La BCE pourra faire évoluer les instruments requis au nom du maintien de la stabilité financière.

Président de la Banque Centrale Européenne depuis novembre 2011, Mario Draghi quittera son poste en octobre 2019. Sa politique «non orthodoxe» – baisse des taux et surtout programme illimité de rachat de dette européenne – a tranché avec celle de ses prédécesseurs. Quels défis devra affronter celui ou celle qui succèdera à qui, en juillet 2012, sauvait l’euro en une phrase. Les réponses de Valérie Lemaigre, membre de l'Association des Stratégistes d'Investissement de Genève (ISAG) aux quatre questions d’Allnews.

Quels sont, selon vous, les points positifs et les points négatifs du bilan de Mario Draghi?

L’expérience professionnelle de Mario Draghi, à travers le monde académique, gouvernemental, la banque centrale nationale et une banque d’investissement leader mondial, lui a permis de développer un sens aigu du pragmatisme financier. Il a clairement mis son empreinte dans la gestion de la politique monétaire européenne et marqué un tournant sur la mise en place d’instruments non-conventionnels. Grand défenseur du Quantitative Easing, il a très rapidement pu l’imposer à la BCE après avoir fait tomber les réticences diverses. Sa phrase historique de juillet 2012 «Within our mandate, the ECB is ready to do whatever it takes to preserve the euro. And believe me, it will be enough» a clairement marqué un virage important dans la politique traditionnelle de la BCE. Aujourd’hui plus personne ne remet en cause le caractère indispensable d’instruments monétaires non-conventionnels (Quantitative Easing, taux d’intérêt plancher, voire négatifs pour les taux de dépôts, TLTRO, politique des collatéraux). Force est de constater que la zone euro a évité la déflation et que la relance du crédit a finalement alimenté le retour du cycle des investissements initiés dans les autres parties du monde. La stabilité des prix et du système financier a été retrouvée après la succession de crises entre 2008 et 2011.

La création d’eurobonds peut également faire partie
des avancées que la BCE pourra pousser à l’avenir.
Quel est votre candidat favori à la succession de Mario Draghi?

Cette question va forcément animer les débats des prochains mois mais elle recourt à des considérations de rapports de force de type politique au sein de l’union. Des candidats à la mesure de Mario Draghi et affranchis aux techniques de crise financière sont disponibles. Le choix reste difficile…

Quels seront les principaux défis que le successeur de Mario Draghi devra affronter?

Les premières étapes de la politique de sortie des mesures non-conventionnelles auront sans doute été franchies avant son départ, telle la fin de la politique de rachats de titres de la dette (APP) et la sortie des taux négatifs sur les dépôts. Néanmoins, la normalisation de la politique monétaire et la consolidation du système bancaire européen en faveur de plus de rentabilité et d’une union bancaire d’intérêts à l’échelle européenne restent des chantiers inachevés que le successeur de Mario Draghi se devra de soutenir. La création d’eurobonds peut également faire partie des avancées que la BCE pourra pousser à l’avenir.

Comment le rôle de la BCE évoluera-t-il dans le futur?

Le rôle de la BCE n’est pas forcément amené à évoluer. Par contre, au nom de l’objectif de stabilité des prix et de maintien de la stabilité financière, la BCE pourra faire évoluer les instruments requis pour y parvenir ou encore pousser à l’évolution du système bancaire et des marchés des capitaux. La gestion des opérations d’open market (repos), la gestion du programme de rachats de dette (APP) sont des instruments de gestion de la courbe des taux que la BCE continuera probablement de combiner selon les circonstances. N’oublions toutefois pas que les instruments non-conventionnels ont été créés pour faire face à une crise financière de liquidité et de dette souveraine, pas forcément indispensables dans tous les cas de figure de ralentissement économique et monétaire. Les instruments traditionnels ne sont donc pas forcément révolus.

Lire également: L’impact des taux directeurs sur la courbe s'est affaibli

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