La gestion active sauvée par le durable?

Graeme Anderson, TwentyFour Asset Management

3 minutes de lecture

La gestion passive paraît impuissante face aux défis que pose l’intégration des critères ESG dans la gestion obligataire.

©Keystone

L’investissement durable, basé sur des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) confère une toute nouvelle dimension au débat entre gestion passive et gestion active. Son but est d'obtenir de meilleurs rendements ajustés au risque en s'assurant que les risques liés aux facteurs ESG sont explicitement incorporés dans le processus d'investissement. La question clé pour les investisseurs est donc de savoir en quoi l’intégration des facteurs ESG dans une décision d'investissement influence l'efficacité de leur stratégie, qu’elle soit active ou passive.

De nombreux investisseurs optent pour les fonds passifs parce qu'ils sont peu coûteux et, de ce point de vue, l’intégration de facteurs ESG ne change pas grand-chose. Par ailleurs, elle ne contribue pas à réduire les coûts des fonds actifs. Jusqu’ici, la balance penche donc clairement en faveur de la gestion passive. Mais son avantage s’arrête là.

Le spectre du non coté

Dans le domaine des taux fixes, l’accès aux données ESG pose un problème fondamental. Ces données sont en général collectées à partir des rapports et résultats comptables accessibles au public et ce système de collecte fonctionne bien pour les indices boursiers et les entreprises cotées. En revanche, il est tout à fait inopérant pour les émetteurs qui ne sont pas cotés, ce qui est fréquent dans le domaine obligataire. Ainsi, environ un tiers des positions que nous détenons dans nos portefeuilles émanent d’émetteurs absents des bases de données ESG, parce que non cotés. 

Nous devons effectuer nos propres recherches
en ce qui concerne les facteurs ESG.

Or, il ne s’agit pas de débiteurs «exotiques» puisque ce sont des entités telles que les «housing associations» (organisations à but non lucratif gérant une grande partie du parc de logements sociaux en Grande-Bretagne) ou encore les entreprises de services publics. Pour tous ces émetteurs, nous devons donc effectuer nos propres recherches en ce qui concerne les facteurs ESG. Et il en va de même évidemment pour tous les émetteurs de titres adossés à des actifs (ABS). Par conséquent, incorporer les facteurs ESG dans les indices taux fixes représente un défi de taille. 

L’engagement: une caractéristique active

Les investisseurs qui souhaitent que leur argent soit investi de façon responsable attendent de leurs gérants qu’ils s'engagent auprès des entreprises, des organismes de réglementation et des entités gouvernementales et les soumettent à toute une batterie de questions. En tant qu'investisseurs obligataires, nous ne disposons pas du droit de vote aux assemblées générales annuelles, mais nous nous engageons néanmoins auprès des entités susmentionnées au nom de nos investisseurs lorsque cela est nécessaire. Cet engagement peut aller d’une négociation sur la structure d'une transaction à la prise de mesures à l’encontre d’un émetteur qui se livrerait à des pratiques susceptibles de nuire à nos investisseurs. Il s’exprime également au travers d’un questionnement plus général des débiteurs à propos de leurs politiques ESG. 

Les fonds passifs n’ont pas cette latitude. En raison de leur obligation de représentativité vis-à-vis d’un indice de référence, ils peuvent se trouver être acheteurs ou détenteurs «forcés» d'un certain nombre d’obligations et, par conséquent, ils n’ont pas la possibilité de s’engager par rapport à leurs émetteurs ou, si besoin, d’appliquer des sanctions efficaces à leur encontre.

De l’insuffisance des règles

Le «momentum» qui consiste à évaluer les buts et les objectifs concrets d'une entreprise pour améliorer ses résultats sur le front des critères ESG à brève échéance est déterminant. Nous estimons en effet que les marchés financiers devraient accompagner les entreprises dans leur évolution vers une meilleure prise en compte de ces critères, plutôt que de se contenter de les évaluer à un temps «t» afin de décider si leur profil correspond ou non à des critères de durabilité prédéfinis. Appliquer un mode de sélection rigoureux peut certes paraître efficace au premier abord. Pourtant, en fin de compte, ce sont bien la quête et l'obtention de meilleurs résultats ESG qui importent réellement.

Les fonds passifs ne seront jamais en mesure
de battre leur indice de manière significative.

Une attention particulière devrait également être portée aux «controverses» du type, une entreprise aurait-elle pu éviter l’accident ou s’est-elle engagée dans des activités non respectueuses des critères ESG? A ce propos, nous avons récemment analysé une société de distribution d'eau. En consultant ses comptes et son rapport sur sa responsabilité sociale d’entreprise, il semblait que ses résultats en matière d’ESG étaient excellents. Cependant, une analyse plus poussée nous a amenés à nous interroger sur différents points et notamment sur le fait que cette entreprise ait été amendée suite à la pollution d’une rivière ou qu’elle n’ait pas été en mesure d’investir dans la réduction des fuites parce qu’elle avait emprunté afin de verser des dividendes à son actionnaire. Une fois encore, ce sont des éléments que les indices ou les modèles basés sur un ensemble de règles ne sont pas en mesure de prendre véritablement en compte.  

L’hypothèse selon laquelle les véhicules d’investissement passifs, calibrés à l’aide d’une série de règles, sont moins efficients que des fonds gérés activement nous semble donc pouvoir être parfaitement défendue. Lorsque, en tant que gérants actifs, nous investissons en intégrant dans notre processus l’objectif supplémentaire d’améliorer les conditions environnementales et sociétales, nous espérons que les champions de la gestion passive finiront par réaliser que les règles fixées de manière statique sont insuffisantes pour atteindre un tel objectif. Les fonds passifs ne seront jamais en mesure de battre leur indice ou, du moins, pas de manière significative: faut-il se satisfaire d’une ambition aussi médiocre lorsqu’il s’agit de parvenir à des performances durables? La réponse est clairement négative et les stratégies passives ne sont tout simplement pas en mesure d’intégrer les efforts additionnels qu’exige une démarche qui vise à satisfaire aux objectifs de durabilité.

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