La Fed a trouvé le bon équilibre

Franck Dixmier, Allianz Global Investors

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Pas de surprise à attendre de la réunion du FOMC le 1er mai. La Réserve fédérale s’installe dans une pause prolongée, «behind the curve».

La Réserve fédérale américaine nous paraît avoir trouvé le bon équilibre; la pause dans la normalisation de sa politique monétaire devrait perdurer jusqu’en 2020. La conjoncture y est propice: le Beige Book a certes confirmé la décélération de la croissance américaine, mais la consommation des ménages, qui reste dynamique, devrait permettre d’éviter un atterrissage trop brutal de l’économie malgré l’arrêt du stimulus budgétaire et la persistance des tensions commerciales. Par ailleurs, l’inflation reste stable en dépit des hausses de salaires, une anomalie qui pourrait trouver son explication dans la hausse de la productivité et la réticence des entreprises à faire supporter ces hausses par les ménages dans un contexte de dégradation de la conjoncture. Les minutes de la réunion du 20 mars ont toutefois révélé une préoccupation de plus en plus forte de la banque centrale face à la faiblesse de l’inflation sous-jacente et des anticipations d’inflation, à des niveaux historiquement bas avec des core CPI et PCE en baisse depuis mi 2018.

Rien aujourd’hui ne semble donc justifier un changement de cap à moyen terme, à la hausse comme à la baisse. 

  • Les conditions ne sont pas réunies pour une hausse des taux:
  • La Fed semble se diriger vers une définition plus souple de son objectif d’inflation, en privilégiant une moyenne, qui consisterait à accepter un léger dépassement de l’objectif des 2% pour compenser les périodes d’inflation plus basses. Cette réflexion est au centre de la revue stratégique de sa politique monétaire, de ses outils et de sa communication, actuellement en cours sous l’autorité du vice-chairman Richard Clarida. Même si les conclusions de cette revue ne sont pas à attendre avant fin 2019, les membres du comité monétaire ont probablement déjà en tête cette nouvelle stratégie. Ce qui justifierait que la Fed accepte une légère accélération de l’inflation en cas de surchauffe, sans changer de stratégie.
  • C’est d’autant plus probable qu’une accélération de l’inflation induite par les salaires à ce stade de maturité du cycle n’aurait guère vocation à perdurer.
  • Enfin, compte tenu de l’ancrage des anticipations de marché, qui privilégient un assouplissement, une hausse des taux isolée aurait des conséquences dommageables et serait perçue comme une erreur de politique monétaire. Une hausse des taux ne pourrait s’inscrire que dans un cycle, une politique difficile à justifier dans le contexte actuel.

A l’inverse, les conditions pour une baisse des taux ne sont pas non plus réunies. Seuls une chute du PIB sous son potentiel, un marché du travail moins bien orienté, avec une hausse du taux de chômage et un déclin des créations d’emploi, et un resserrement brutal des conditions monétaires pourraient justifier un nouvel assouplissement. Or, on ne trouve nulle trace de ces éléments dans les indicateurs avancés.

La Fed a donc trouvé l’équilibre parfait compte tenu du ralentissement contrôlé de l’économie américaine et de marchés d’actions qui ont retrouvé leurs niveaux de mi 2018, créant un effet richesse non négligeable.

Les tentatives d’interférences politiques, que ce soient les appels du président Trump à une baisse des taux ou ses projets de nomination de personnalités controversées, ne doivent pas être négligées et sont clairement une source d’inquiétude pour les banquiers centraux. La crédibilité d’une banque centrale se construit sur le long terme, et tout doute sur la sincérité de la fonction de réaction de la Fed pourrait devenir un élément perturbateur dans une phase d’incertitude. A ce stade, les arguments de la Fed sont suffisamment convaincants et puissants pour nous empêcher de penser que la pause dans la normalisation de la politique monétaire soit le résultat d’une intervention politique.

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