La durabilité gagne en importance aussi dans les pays émergents

Yves Hulmann

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Les principes environnementaux, sociaux et de gouvernance sont toujours plus pris en compte en Asie, relève Juan Salazar, expert chez BMO GAM.

©Keystone

Critères toujours plus pris en compte par les investisseurs occidentaux, les principes de développement durable gagnent aussi en importance dans les pays émergents. C’est en tout cas un aspect clé de la politique d’investissement menée par le gérant d’actifs BMO Global Asset Management (BMO GAM). Quelle est la situation en Asie sur ce plan? «Jusqu’à il y a dix ans environ, les entreprises en Asie n’intégraient pas vraiment les risques environnementaux et sociaux, ou les opportunités qui en découlent, dans leur planification stratégique, du moins pas de la même manière qu’en Occident», explique Juan Salazar, expert des pays émergents au sein de l’équipe en charge de la gouvernance et de l’investissement durable (Governance and Sustainable Investment, GSI) chez BMO GAM.

Même dans un pays industrialisé comme le Japon, l’approche en la matière diffère de celle pratiquée en Occident: «En Europe et aux Etats-Unis, la place accordée aux droits des actionnaires, les «shareholders», a toujours été très importante. Au Japon, les entreprises en compte une plus grande variété d’intérêts liés à l’entreprise, à savoir aussi bien ceux de la direction, des employés, des clients ou du public en général. Jusqu’à récemment, les avis des actionnaires n’étaient pas au cœur des préoccupations, ce qui est en train de changer maintenant en Asie », observe l’expert. 

«En Chine, c’est surtout la sensibilité aux questions environnementales
qui a progressé durant les dernières années.»

Parmi les critères ESG (Environmental, Social and Governance), lesquels apparaissent les plus importants auprès des sociétés en Asie? La situation différe d’un pays à un autre. «En Chine, c’est surtout la sensibilité aux questions environnementales qui a progressé durant les dernières années. La population est beaucoup plus sensible aux aspects liés à la pollution, ce qui oblige les entreprises à agir davantage pour préserver l’environnement», constate-t-il.

Forte influence des fonds souverains 

Si, en Occident, le gouvernement et les investisseurs institutionnels ont une influence essentielle dans la prise en compte des principes ESG, en Asie, ce sont souvent les fonds souverains qui assurent cette fonction. «Au Japon, par exemple, le JPIF a une influence très puissante sur les orientations en matière d’investissement», illustre-t-il. C’est aussi le cas dans des pays comme Singapour, la Thaïlande ou la Corée du Sud qui tous ont des fonds souverains très puissants. S’y ajoute aussi l’argent placé par les investisseurs occidentaux dans les marchés émergents, les premiers détenant parfois entre 20 et 25% du capital de certaines entreprises issues des pays émergents.

Un impact mesurable sur la gestion des entreprises

Une particularité de l’approche de BMO GAM est d’insister sur l’évaluation précise de l’impact de ses investissements sur les entreprises, quitte à intervenir directement auprès de celles-ci. «Beaucoup de gens affirment être des investisseurs SRI (ndlr : social responsable investors) dans le monde mais peu peuvent véritablement démontrer que cela conduit à un résultat (outcome) positif pour la société ou l’environnement», poursuit l’expert. Le gérant d’actifs cite trois exemples d’interventions menées par BMO GAM auprès de sociétés – la chaîne de magasins President Chain Store Corporation (PCSC) basée à Taïwan, l’assureur-vie pan-asiatique AIA Group ou encore Universal Robina aux Philippines, un groupe actif dans l’alimentation et les boissons. S’agissant de la première société, le gérant d’actifs a contacté PCSC pour la rendre attentive aux questions liées à la corruption. A la suite de cela, l’entreprise a mis en place différentes mesures visant à promouvoir de bonnes pratiques au sein de la société, incluant un service pour les lanceurs d’alertes («whistleblowing») à disposition des employés qui veulent dénoncer des irrégularités. Chez AIA Group, l’accent a été mis sur des mesures visant à assurer que ses agents disposent de systèmes d’incitation appropriés à leur activité. Avec Universal Robina, un aspect clé a été de mettre en place des procédures visantn à vérifier que les critères ESG étaient respectés aussi par les fournisseurs de l’entreprise.

Les critères ESG ne nuisent pas à la performance, au contraire.

En termes de performance, la prise en compte des critères ESG ne réduit-elle pas les rendements obtenus? A ce sujet, le spécialiste de BMO GAM estime que cette crainte est «l’une des plus grandes méconnaissances (misconception) au sujet des placements durables». «La performance des placements durables est juste aussi bonne que celle des investissements conventionnels. En outre, des études ont démontré que la prise en compte des critères ESG réduit les risques liés aux comportements des employés ou ceux d’ordre réputationnel. Prendre en compte les critères ESG améliore ainsi le profil risque-rendement des portefeuilles, en particulier pour les placements dans les pays émergents», conclut-il.