La documentation CLO protège les investisseurs

Pauline Quirin, TwentyFour Asset Management

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Les nouvelles émissions de CLO européens sont remontées à 5,5 milliards d’euros depuis début 2023.

©Keystone

Les gérants de CLO mettent à profit la fenêtre actuelle de relative stabilité du marché pour fixer les prix de leurs transactions, et ce, malgré la faiblesse de l’offre sur les prêts à levier (qui réside surtout dans le prolongement d’échéances de prêts existants) et les difficultés d’arbitrage: nous voyons en effet de nouvelles émissions AAA avec des spreads de 175 pb au-dessus de l’Euribor 3 mois, ce qui reste néanmoins nettement supérieur aux niveaux de resserrement historiques.

Une documentation plus stricte est nécessaire

Depuis les émissions de l’année dernière, nous avons vu la base d’investisseurs en tranches mezzanine et junior de CLO augmenter nettement au sein des hedge funds (acheteurs US compris). Si les hedge funds et le private equity ont fourni une source importante de liquidité durant la vente des LDI fin 2022, ces investisseurs achètent pour la plupart des titres qu’ils jugent fondamentalement bon marché et ne les détiennent pas jusqu’à l’échéance, ce qui signifie que leurs exigences sont généralement moins élevées à l’égard de la documentation CLO.

D’un autre côté, le retour des investisseurs japonais ancrant les AAA dans les nouvelles émissions de CLO a conduit à une documentation plus stricte, même si leurs exigences s’orientent davantage sur les intérêts des détenteurs de titres AAA que sur ceux des détenteurs d’obligations dans leur ensemble. Cette évolution est un problème pour les gérants d’actifs et autres détenteurs plus traditionnels, car il devient plus difficile pour eux de négocier une documentation plus stricte. Comme nous nous apprêtons à entrer dans un environnement de fin de cycle - si nous n’y sommes pas déjà - nous avons adopté une orientation plus défensive et exigé une documentation plus stricte qui s’attache davantage à fournir une protection importante contre le risque de crédit et d’extension des CLO.

Risque d’extension pour les détenteurs obligataires

Ces dernières années, il est apparu clairement que les gérants de CLO et les investisseurs equity avaient l’intention de laisser leurs titres en circulation le plus longtemps possible afin de maximiser les rendements des tranches equity, plutôt que de procéder à un refinancement vers des structures de capital plus onéreuses. Une part croissante d’environ 25% des CLO en circulation a dépassé sa période de réinvestissement, un chiffre qui devrait doubler d’ici la fin 2024 si les gérants de CLO ne procèdent pas au call ou au refinancement de ces transactions.

Nous avons en outre exprimé nos inquiétudes au sujet des gérants de CLO qui, selon nous, ont fait un usage abusif de la documentation dans le but de changer les dispositions en matière de réinvestissement, par exemple en offrant des droits de révision («waiver fees») aux détenteurs d’obligations AAA en échange de leur accord, ce qui va à l’encontre des intérêts des détenteurs mezzanine et crée un risque d’extension pour les détenteurs d’obligations. Depuis maintenant deux ans, nous exigeons donc des droits supplémentaires intégrés dans la documentation elle-même dès que nous envisageons d’investir dans de nouvelles émissions de CLO. Si nous comprenons l’intérêt économique pour les détenteurs de tranches equity et les gérants de garder les CLO en circulation, en tant qu’investisseurs, nous préférerions que les CLO s’amortissent naturellement au fil du temps à l’issue de la période de réinvestissement.

Donner l’exemple

Nous avons assisté à quelques évolutions positives ces dernières semaines, l’une des plus réjouissantes étant le quinzième CLO d’ICG (post-crise financière mondiale)  mené à bien par JPM. Suite aux commentaires des investisseurs sur ses derniers CLO, ICG a introduit des dispositions beaucoup plus strictes afin d’accéder au capital d’investisseurs à plus long terme dans sa nouvelle émission. En plus de l’accord exigé des investisseurs mezzanine pour tout changement dans la documentation, des clauses plus strictes sont en place pour le réinvestissement et des limites encore plus sévères sont définies pour les types de réinvestissement autorisés 12 mois après la fin de la période de réinvestissement, ce qui signifie que seuls ceux qui ont pour objectif d’améliorer la qualité des actifs au sein des CLO peuvent être visés par le gérant. Nous pensons qu’il s’agit d’une évolution très positive pour les investisseurs mezzanine, car elle cherche à garantir une durée de vie limitée pour les CLO et impose un amortissement plus rapide du fait de la documentation plus stricte. Dans le cas présent, les nouvelles émissions d’obligations ICG offrent un rendement à l’échéance de respectivement 9,5% et 12,7% pour les tranches BBB et BB, ce qui laisse une option de call raisonnable pour les BB dont le prix au comptant s’est établi à 92.

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