La déception nous guette – Baromètre Pictet AM

Luca Paolini, Pictet Asset Management

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«Il est peu probable que les banques centrales prennent des mesures de relance à la hauteur des espérances des marchés», estime Luca Paolini de Pictet AM.

«Etant donné le coût de la guerre commerciale, la plupart des investisseurs semblent convaincus que les banques centrales vont venir rapidement à la rescousse en prenant des mesures massives de relance monétaire», selon Luca Paolini, chef stratégiste chez Pictet Asset Management.

Nous ne partageons pas leur optimisme. Nous tablons sur une croissance mondiale atone au cours des prochains mois, les incertitudes dues aux tensions commerciales pesant sur la production industrielle et sapant le moral des milieux d’affaires, notamment dans les pays développés.

Les banques centrales devraient, certes, assouplir leur politique afin de contrer le ralentissement économique, mais il est peu probable qu’elles prennent des mesures de relance à la hauteur des espérances des marchés. Nous continuons donc de sous-pondérer les actions.

Parallèlement, nous avons plus de raisons de conserver une approche circonspecte à l’égard des obligations, l’envolée de cette année ayant fait tomber en dessous de zéro1 les rendements de près d’un tiers de l’univers obligataire mondial, qui représente un montant record de 15'500 milliards de dollars. Nous continuons de surpondérer les actifs refuges.

L’Europe a progressé récemment, grâce à la dynamique
conjoncturelle en France et en Espagne.

Les titres américains apparaissent particulièrement peu attractifs. L’indice S&P 500 se situe à quelques points de ses plus hauts historiques, mais les indicateurs de récession américains clignotent – la courbe des rendements s’est inversée et, pour la première fois depuis la grande crise financière, les rendements en dividendes des actions sont supérieurs à ceux des bons du Trésor à 30 ans.

Sur fond de réduction drastique des prévisions bénéficiaires du consensus, le fléchissement récent des rachats d’actions constitue un autre signe préoccupant pour les investisseurs américains en actions, dans la mesure où ces rachats ont contribué pour environ 20% aux rendements du marché ces dix dernières années. Mais il subsiste des lueurs d’espoir – et nous continuons donc surpondérer les actions européennes. L’Allemagne est certes en récession technique, mais l’Europe a progressé récemment, grâce à la dynamique conjoncturelle en France et en Espagne. Un nouveau cycle de relance de la part de la BCE devrait également donner un coup de fouet.

Quant au Royaume-Uni, il est lui aussi attrayant, notamment pour les investisseurs étrangers. La livre est bon marché, les valorisations sont intéressantes, une proportion non négligeable des bénéfices des entreprises britanniques est générée en dehors des frontières et le rendement de plus de 5% en dividendes réalisé par le marché offre une certaine protection contre la volatilité.

Les perspectives économiques des marchés émergents ont pâti de la guerre commerciale, mais les effets de cette dernière sont partiellement compensés par la baisse des taux d’intérêt. La guerre commerciale sino-américaine profite à l’Asie, les affaires se réorientant vers d’autres pays exportateurs du continent.

Les valorisations de la dette émergente en monnaies locales
commencent à être difficilement défendables sur le court terme.

Durant les périodes de ralentissement conjoncturel mondial, il est généralement astucieux de renforcer l’exposition aux actifs défensifs tels que les obligations souveraines. Le problème est qu’avec la chute vertigineuse des rendements obligataires ces derniers mois, ce qui en temps normal semblerait sécurisé apparaît désormais risqué.

Certains prétendront que les valorisations sont justifiées par le changement d’approche des banques centrales vers une politique accommodante. Notre analyse montre que l’écart entre le volume actuel de la relance monétaire et le volume de marché implicite – mesuré en pourcentage du PIB – n’a jamais été aussi large, signe que le marché est à la veille d’une déception.

L’embellie du marché obligataire a été telle que les valorisations de la dette émergente en monnaies locales – auparavant bon marché – commencent désormais à être difficilement défendables sur le court terme. Certes, les obligations émergentes offrent un rendement réel intéressant de 3%. Mais, compte tenu de l’impact négatif de la guerre commerciale entre les Etats-Unis et la Chine, les devises émergentes pourraient bien se déprécier à brève échéance. Nous avons donc réduit la dette émergente à neutre.

Sur le front des devises, nous continuons de surpondérer le franc suisse ainsi que l’or – tous deux devraient se montrer performants dans une conjoncture marquée par des bouleversements géopolitiques et une détérioration des conditions économiques mondiales.

 

1 La baisse du rendement cumulatif de l’indice JP Morgan GBI a atteint 114 points de base sur les dix derniers mois, la plus importante en 20 ans.

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