La Chine bouleversera l'équilibre sur le marché des actions émergentes

Yves Hulmann

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L’inclusion des actions A chinoises dans les indices MSCI et le FTSE aura un impact positif par effets d’anticipation, prévoit Cord Hinrichs de Corestone IM.

Directeur de l’allocation d’actifs chez Corestone Investment Managers, Cord Hinrichs anticipe une poursuite du mouvement de concentration au sein de la prévoyance professionnelle en Suisse. L’expert, qui a aussi travaillé auparavant pour la Suva, anticipe une évolution similaire en Suisse à celle observée dans le monde de la prévoyance aux Pays-Bas, où le nombre de caisses de pension a été presque divisé par quatre depuis 2000. Un concept clé qui a accompagné ce changement est celui de l’«outsourced CIO». Avec ce modèle, certains processus d’investissement sont confiés à une société tierce, même si la responsabilité finale de la décision de placement revient toujours à la caisse de pension.

«Make or buy»

Jusqu’à quel point une caisse de pension peut-elle déléguer ses choix d’investissement à une société tierce? «L’idée est qu’une caisse de pension se concentre sur ses compétences de base, soit la surveillance des placements et la définition des orientations stratégiques de long terme, mais qu’elle délègue ensuite la mise en œuvre des placements dans différentes classes d’actifs, comme par exemple les obligations à haut rendement ou les actions américaines, à un prestataire externe spécialisé, l’outsourced CIO», explique Cord Hinrichs. C’est l’approche dite «make» (ce que vous pouvez faire vous-même) or «buy» (ce que vous achetez à des tiers), résume l’expert de la société zougoise qui emploie une vingtaine de collaborateurs et qui gère des actifs à hauteur de 38 milliards de francs, principalement pour le compte de clients institutionnels.

Il sera possible d’avoir accès à des chaînes de supermarché, ou d’obtenir
d’autres sociétés axées sur la consommation privée sur le marché intérieur.
Equilibres modifiés en profondeur sur les marchés émergents

Les placements dans les marchés émergents sont justement un exemple de domaine pour lequel le recours à une société tierce peut être intéressant pour les caisses de pension, afin de comprendre et de gérer le mieux possible cette classe d’actifs. A cet égard, l’inclusion graduelle des actions A chinoises dans les grands indices de référence mondiaux, tels que le MSCI et le FTSE, va complètement modifier la donne pour les investisseurs qui placent une partie de leurs actifs dans les pays émergents. Actuellement, les actions chinoises, même en incluant à la fois celles qui sont basées à Hong Kong («H») et celles qui sont cotées sur le marché intérieur à Shanghai et à Shenzhen («A»), ne reflètent de loin pas encore le poids des entreprises de la deuxième économie mondiale.

L’inclusion attendue d’une plus grande part d’actions A chinoises dans l’indice MSCI – passant de 5% au début de cette année à environ 20% d’ici à fin 2019 – aura un impact considérable sur la demande pour ces titres. «Pour la première fois, il sera possible d’investir facilement dans les actions de la Chine intérieure. En investissant dans les actions cotées à Hong Kong, vous avez une forte exposition dans les grandes banques internationales, comme ICBC, ou dans certains géants de la tech comme Tencent. Avec les actions A chinoises, il sera aussi possible d’avoir accès à des chaînes de supermarché, de commerce électronique ou d’obtenir d’autres sociétés axées sur la consommation privée sur le marché intérieur», cite l’expert à titre d’exemple.

L’intégration des actions A chinoises dans la famille d’indices
modifiera complètement l’équilibre des marchés émergents.
Hausse par effet d’anticipation

Cette évolution aura deux conséquences importantes. D’une part, l’expérience passée montre que l’inclusion des actions de nouveaux pays, comme la Corée du Sud ou Taiwan, dans les grands indices mondiaux s’accompagne généralement à l’avance d’une hausse de la valeur des titres figurant dans les indices concernés. D’autre part, l’intégration attendue des actions A chinoises dans la famille d’indices de MSCI ou FTSE Russel, modifiera complètement l’équilibre des marchés émergents. Après l’inclusion complète des actions A chinoises dans ces indices mondiaux, entre 45 et 50% des indices des marchés émergents seront composés d’actions chinoises de type A ou H. «En conséquence, il faudra distinguer entre les actions émergentes globales et les actions émergentes hors Chine. Un peu comme on le fait aujourd’hui avec les indices actions asiatiques hors Japon, il faudra opérer au sein du portefeuille de l’investisseur une distinction entre l’indice MSCI Emerging Markets ex China et celui de la Chine», met en perspective Cord Hinrichs.

Et quels sont les risques qu’encourent les investisseurs avec les actions A chinoises? Ils sont multiples, ne cache pas l’expert. D’une part, en investissant de manière passive dans les actions A chinoises, il faut s’attendre à des écarts («tracking error») importants entre ces instruments passifs et les indices de référence en raison de la volatilité élevée du marché et de la liquidité quotidienne. Une sous-performance est, d’autre part, hautement probable.

L’investissement passif est peu recommandé

Par ailleurs, il y a eu et il y a toujours des changements de réglementation mis en place par un gouvernement toujours fortement centralisé. Et si les actions A chinoises présentent l’avantage d’être en partie décorrélées des autres grands indices mondiaux, elles ne sont pas du tout défensives pour autant, considère Cord Hinrichs. «Les investisseurs chinois aiment jouer en bourse, et laissent l’analyse rationnelle de côté, ce qui peut entraîner de très forts mouvements dans les deux sens», juge-t-il. De manière générale, l’expert ne conseille pas d’investir de manière purement passive dans les actions A chinoises mais d’adopter une approche active et orientée sur le long terme.