L’Allemagne doit se réinventer

Salima Barragan

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Selon Robert Lind, de Capital Group, un nouveau souffle politique encouragerait la transformation du modèle économique allemand.

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L’Allemagne a été touchée en plein cœur par le ralentissement chinois. Son modèle économique, «une machine à exporter», montre ses limites et cela se reflète dans la sous-performance du DAX. Au même moment, sa Chancelière vacille. Mais cette fragilité politique pourrait ouvrir la porte à une nouvelle génération de politiciens pro-européens. Robert Lind, économiste chez Capital Group, voit une opportunité pour l’Allemagne de se repositionner dans la zone euro: «Si l’Allemagne repense son modèle économique, elle va devoir renforcer la demande de la zone euro et pousser l’intégration européenne une étape plus loin».

Le joug de la globalisation

Suite à un millésime 2017 extraordinaire, l’Europe avait pourtant commencé l’année avec une croissance solide, et la zone euro était communément surpondérée par les gestionnaires d’actifs. Mais le vent a tourné. «La guerre commerciale s’est avèré être le plus grand danger de l’Europe», souligne Robert Lind. Les perspectives de croissance ont commencé à se détériorer avec le ralentissement de toute la branche industrielle, une baisse des exportations de voitures et le choc différé de la hausse de pétrole de 2017. De plus, si les tensions avec la Chine s’apaisent, l’économiste n’écarte pas la possibilité que l’administration Trump concentre ses efforts de guerre tarifaire sur la zone euro.

Aujourd’hui que la globalisation bat de l’aile,
l’Allemagne semble être du côté des perdants.

«Durant 20 ans, l’Europe, et plus particulièrement l’Allemagne, ont profité de la globalisation et de la chaîne d’approvisionnement mondiale», nous rappelle Robert Lind. L’Allemagne, grande gagnante de ce mouvement de mondialisation, avait réussi à maintenir une belle croissance malgré les difficultés économiques que la zone euro avait traversées. Aujourd’hui que la globalisation bat de l’aile, l’Allemagne semble être du côté des perdants.

Son modèle économique, tourné vers le reste du monde, aura finalement isolé l’Allemagne des autres pays européens, qui traversent également des aléas politiques. Angela Merkel a perdu le soutien politique mais les revirements qui se profilent à Berlin pourraient encourager l’évolution nécessaire pour l’Allemagne. «Les changements politiques pourraient être implantés par la nouvelle génération pro-européenne. Elle devra repenser le modèle économique allemand ainsi qu’augmenter la demande domestique européenne», explique Robert Lind qui reste optimiste sur la capacité du système politique à rebondir: «Merkel, malgré toutes ses qualités, n’a pas réussi à adresser le problème aussi loin qu’elle aurait dû, mais la future classe dirigeante va se rendre compte qu’il est dans l’intérêt de l’Allemagne de renforcer l’architecture institutionnelle de l’Europe».

Vers une Europe plus intégrée

Les divergences se sont amplifiées au sein d’une Europe bancale. Selon le précepte bien connu, une économie en croissance contraint la pression populaire. Or, l’Europe est le théâtre d’une recrudescence du populisme et du nationalisme. Pour Robert Lind, il est plus pertinent de se demander si ces mouvements sont motivés par des facteurs économiques ou des changements culturels: «Ils reflètent les deux. Ce qui signifie qu’indépendamment de la cause de ces montées de populisme, l’Europe est vulnérable à des instabilités politiques. Mais un changement potentiel de leadership allemand amènerait davantage de stabilité à l’Europe», affirme Robert Lind qui s’attend à une meilleure intégration de la zone euro d’ici 2 à 5 ans.

L’environnement macroéconomique sous-jacent semble raisonnable
pour 2019 même si le secteur industriel restera quelque peu sous pression.

Pour l’économiste, les prochains retournements des politiques fiscales de la plupart des pays européens, excepté l’Espagne, seront le facteur clef pour le rebond de l’activité économique: «Les politiques fiscales ont été très austères des années durant. Les gouvernements devaient réduire leur déficit budgétaire et leur dette gouvernementale mais l’année prochaine, nous verrons des nouvelles politiques fiscales expansionnistes».

Ainsi, hors facteur d’aggravation de la guerre commerciale, l’environnement macroéconomique sous-jacent semble raisonnable pour 2019 même si le secteur industriel restera quelque peu sous pression. «Nous nous attendons à une reprise de la croissance car la Chine se stabilise sous fond d’un euro affaiblit», estime Robert Lind qui table sur des perspectives des croissance des bénéfices plus modestes mais à deux chiffres.

La croissance économique et la politique étant implicitement associées, «Les investisseurs ne s’intéressent aux événements politiques à Rome, Berlin, ou Paris seulement s’il y a un impact économique», affirme Robert Lind. Malgré l’augmentation des divergences, de la montée du populisme, des problèmes d’immigration et des défis économiques, ils pourraient être surpris par les potentiels changements en Europe.

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