Italie: un programme, de lourdes interrogations

Valérie Plagnol, Vision & Perspectives

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L’alliance M5S-Ligue promet des mesures de relance budgétaire et fiscale dotées d'un financement hasardeux.

Les marchés obligataires européens ont commencé à manifester leur inquiétude au lendemain de l’annonce du programme économique de l’alliance italienne de gouvernement et de la nomination du Président du Conseil pour mettre en œuvre cette politique. L’écart de rendement entre la dette italienne à 10 ans et le Bund allemand a dépassé les 200 points de base, pour la première fois depuis début 2017. Elle a entraîné dans son sillage les dettes souveraines de la zone euro, tandis que l’euro a franchi à la baisse le support technique de 1,166 contre le dollar.

Le risque politique est de retour en zone euro.

Le risque politique est donc de retour en zone euro. Certes, l’alliance a retiré de son programme officiel les appels directs à la sortie de l’euro, ou encore sa demande à la BCE de renoncer à la dette qu’elle détient. Elle n’en est pas moins déterminée à recourir à d’autres artifices qui pourraient lui permettre d’injecter des sommes publiques importantes dans l’économie. Au risque de compromettre son appartenance à la zone euro? Certains s’interrogent désormais. 

Sur le plan économique, l’Italie qui avait ramené son endettement avant la crise de 2008 à moins de 100% du PIB, a vu sa dette progresser à nouveau fortement au lendemain de celle-ci, comme à la suite de la crise de 2011-2012. Aux prises avec la récession, le PIB s’est contracté en 2008-2009 puis en 2012-2013. D’importantes mesures de consolidation budgétaires ont été prises au cours des années passées. De même a-t-il fallu engager des réformes du marché du travail, comme des retraites pour faire face au vieillissement de la population active et aux rigidités du marché de l’emploi[1]. Ces efforts ont sans doute permis d’améliorer les comptes extérieurs du pays, qui profite d’une balance courante positive, et a affiché en 2017 une croissance de 1,5%, laquelle devrait se poursuivre à ce rythme cette année encore selon la Commission Européenne[2]. Mais la charge d’intérêt de la dette conduit à elle seule le déficit public que le gouvernement peine à contenir sous les 3%. La croissance reste trop médiocre pour alléger le poids de l’effort structurel consenti.

Une quasi monnaie parallèle permettant
de rembourser les arriérés sur les contrats publics.

Face à cette situation, la nouvelle coalition a présenté un programme de dépenses budgétaires et de réductions d’impôts qui mettraient certainement en péril ces efforts. De plus, parmi les idées qui ont le plus inquiété les marchés c’est celle d’émettre des  «mini-BOTs», des mini-obligations à court terme, qui concentre l’inquiétude des investisseurs. Il s’agirait de reconnaissances de dettes de l’Etat, ne portant pas intérêt, remboursables auprès du Trésor Public (pour acquitter ses impôts) ou utilisables auprès d’entreprises publiques (achat d’essence par exemple), pour paiement des arriérés dûs dans le cadre de contrats publics de maintenance ou de fourniture, qui s’élèveraient à près de 50 milliards d’euros.

La nature de ces coupures (des billets à ordre en quelque sorte, à valeur faciale faible) laisse penser qu’il s’agirait d’une quasi monnaie parallèle, destinée à financer la dette publique du pays. Les porteurs du projet insistent sur le fait que ces papiers n’auraient pas cours légal, et donc ne seraient pas une monnaie – que seule la Banque Centrale Européenne peut émettre et donc contrôler. Ils en appellent en revanche à une redéfinition de la dette pour éviter de faire entrer ces émissions dans le calcul de celle-ci. Au-delà des arguties juridiques dans lesquelles l’Italie pourrait vouloir entraîner les autorités européennes, il s’agit bien pour les investisseurs de voir surgir – et même s’étendre à d’autres paiements publics tels que les allocations par exemple – une monnaie parallèle qui acquerrait progressivement cours légal, mettant de facto l’Italie hors de l’euro, une forme de «repression financière», anglicisme qui signifierait une captation de l’épargne domestique, qui financerait la relance de l’activité par la dépense. 

L'ombre de la crise de confiance plane
... comme en Grèce.

Les mêmes causes produisant le plus souvent les mêmes effets en matière monétaire, l’apparition d’une monnaie parallèle, si elle était acceptée comme moyen de paiement pour l’état, se traduirait par une décote de celle-ci par rapport à l’euro. Dans ce contexte pourquoi les italiens, ou d’autres, l’accepteraient-ils librement ? Le risque est grand de voir le pays confronté de l’intérieur à une crise de confiance, une forte inflation comme l’ont connu la Grèce ou Chypre. Mais ne serait-ce pas là le prétexte que chercheraient certains?

 
[1] Voir sur ces points la note du site Fipeco : https://www.fipeco.fr/#suite

 

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