Italie: il faut régler la question budgétaire

Philippe G. Müller & Matteo Ramenghi, UBS

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Rome affirme vouloir respecter les règles de l'UE. Mais des élections ou un remaniement gouvernemental ne sont pas à exclure.

Le marché italien a connu un printemps éprouvant. Lorsqu'il est devenu clair que deux partis «populistes» pourraient s'allier pour former un gouvernement, les rendements des obligations se sont mis à augmenter. Ensuite, lorsqu'une ébauche de plan de réformes a été dévoilée, les investisseurs ont réagi vigoureusement en poussant les primes de risque des obligations italiennes à dix ans à plus de 250 points de base (pb) au-dessus des Bunds allemands, soit bien plus que les 110 pb d'avant les élections. Si l'on considère que le marché des actions italien est composé pour un tiers de banques, en général grandes détentrices d'obligations de l'Etat italien, il n'est pas étonnant qu'il ait été frappé de plein fouet.

Malgré sa dette, l’Italie n’est pas surendettée

La réaction du marché était compréhensible. Si une sortie de l'euro n'a jamais été à l'ordre du jour, de prime abord le «contrat de gouvernement» entre le Mouvement 5 étoiles (M5S) et la Lega aurait coûté près de 6% du PIB, ce qui l'aurait rendu intenable budgétairement.

La position financière internationale nette
de l’Italie est globalement équilibrée.

Précisons que si l'Italie présente une dette publique considérable (130% du PIB), elle n'est pas considérée comme une économie surendettée. En effet, sa position financière internationale nette (mesure des actifs et passifs extérieurs d'un pays) est globalement équilibrée, ce qui la place au milieu des pays du «cœur» de la zone euro, loin devant des économies «périphériques» comme l'Espagne, dont la position financière internationale est négative (à -80% du PIB), ou l'Irlande (-155%).

Solide fortune des particuliers

Cet écart s'explique par le patrimoine des ménages italiens: les familles détiennent des actifs totalisant quatre fois la dette publique et sont relativement peu endettées. Une telle structure financière constitue un argument pratique face aux politiques budgétaires débridées: au besoin, le gouvernement peut taxer la richesse privée pour augmenter ses recettes. 

En 2012, le gouvernement Monti avait augmenté les taxes sur l'immobilier et sur les actifs financiers, mesure qui avait plongé le pays dans la récession. Une façon plus progressive et moins pénalisante de taxer la richesse privée serait d'augmenter les droits de succession, parmi les plus bas d'Europe.

Consensus sur le respect des règles de l’UE

Les plans du gouvernement actuel semblent être devenus plus réalistes. Si au début, les annonces rassurantes du ministre des Finances Giovanni Tria sur la continuité avec les politiques budgétaires antérieures étaient régulièrement contredites par les dirigeants du M5S et de la Lega, l'approche des dates butoirs pour la publication du programme de stabilité et de la loi budgétaire a poussé
les deux partis à se rallier aux déclarations de M. Tria. 

Même le chef de la Lega admet désormais qu'il n'a nullement l'intention
de contrevenir aux normes budgétaires de l’UE.

Même le chef de la Lega, Matteo Salvini, supposément «dur», admet désormais qu'il n'a nullement l'intention de contrevenir aux normes budgétaires de l'Union européenne (UE). L'immigration semble être un thème bien plus brûlant que la politique budgétaire dans l'opinion publique.

Situation politique toujours fragile

Il apparaît que la mise en œuvre du «contrat de gouvernement» sera graduelle et se limitera à ce qui est compatible avec une réduction du taux d'endettement public. En 2019, le déficit pourrait s'établir entre 1,5% et 2,0% du PIB, ce qui est mieux que prévu initialement par les marchés, et suffisant pour tenir le cap de la réduction de l'endettement. Un tel déficit nécessiterait certes des négociations avec la Commission européenne, mais les élections européennes approchant, un compromis devrait être possible.

Si le débat sur le budget se calme, la situation politique demeure fragile. Les origines et positions divergentes du M5S et de la Lega suscitent des conflits sur des sujets allant de l'immigration aux infrastructures. Dans les sondages, la Lega gagne du terrain, dépassant 30% des intentions de vote, devant son allié le M5S. 

En cas de nouvelles élections, la montée de la Lega signifie que la coalition de centre-droite pourrait tenter de former un gouvernement seule. A un moment donné, il sera tentant de mettre le holà et de convoquer de nouvelles élections ou un remaniement du cabinet. A suivre!

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