Investissement, inflation, dispersion... Les mots-clés pour 2022

Florian Roger, Exane Solutions

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Une triple hausse des taux de la Fed après l’été devrait engendrer de fortes rotations sur les actions, une appréciation du dollar ainsi qu’une montée de la volatilité sur les devises.

La pandémie est revenue au cœur de l’actualité. Les contaminations ont explosé dans le monde développé malgré la vaccination de masse. En France, près de 60’000 nouveaux cas journaliers sont actuellement recensés, un record depuis plus d’un an. Face à cette recrudescence de l’épidémie, les autorités ont dû redéployer des restrictions sanitaires. Dans la majorité des cas, ces dernières demeurent néanmoins modérées car les vaccins permettent de réduire les formes graves de COVID-19 et d’éviter la saturation des hôpitaux. L’impact sur l’activité devrait, de ce fait, se révéler limité (révisions négatives de -0,2%/-0,3% des estimations de croissance 2022 pour les pays développés). 

Une dynamique conjoncturelle porteuse attendue pour le premier semestre 2022.

Sauf si la résistance des variants aux vaccins oblige à un tour de vis sanitaire marqué, la croissance du PIB des principales économies mondiales devrait rester forte en 2022, dépassant 4% aux Etats-Unis et dans la plupart des pays européens. La consommation devrait bénéficier d’effets de rattrapage grâce aux excès d’épargne accumulés (13% du revenu disponible des ménages en moyenne pour les pays développés). Les entreprises vont devoir produire pour reconstituer leurs stocks, qui se sont effondrés du fait des disruptions dans les chaînes de production. Au début de l’année 2022, les valeurs cycliques devraient profiter de cet environnement, surtout si les avancées médicales et la propagation du virus, avec moins de formes létales, permettent d’atteindre des situations d’immunité collective.

La dynamique conjoncturelle devrait également être portée par les stimuli publics. Au cours des deux dernières années, les Etats se sont engagés dans des plans budgétaires pluriannuels. Les Etats-Unis ont voté un plan de dépenses en infrastructures de 1’000 milliards de dollars (420 milliards en net) et le Congrès est en cours d’adoption du plan Build Back Better de J. Biden pour un montant de 1'670 milliards selon le CBO. Au total, ces mesures représentent près de 2'000 milliards sur 10 ans, avec un impact de +0,7% sur la croissance du PIB dès 2022. En zone euro, le fonds de Recovery, qui est entré en vigueur au cours du second semestre 2021, devrait apporter une contribution à la croissance de près de +1% du PIB en 2022 selon la Commission européenne. Au Japon, les autorités viennent de renforcer massivement leurs aides budgétaires (avec l’annonce d’un plan de dépenses supplémentaires de 383 milliards de dollars). 

D’importantes dépenses d’investissement engagées et requises.

Ces programmes budgétaires, qui visent notamment à accélérer la digitalisation et la transition énergétique, impliquent de fortes dépenses de capex. Ces dernières vont être amplifiées par la participation du secteur privé, puisque les entreprises sont confrontées aux mêmes défis et puisqu’un important retard d’investissement est à déplorer (du fait de la crise liée au COVID et des stratégies financières qui prévalaient lors du cycle des affaires passé). Selon nous, la thématique de reprise du capex sera incontournable en 2022.

Si tel est le cas, les marchés des matières premières vont rester tendus. Parallèlement, les marchés du travail devraient continuer de s’améliorer. Au rythme actuel, les Etats-Unis pourraient se retrouver en situation de plein emploi dès la fin du premier semestre 2022 (le FMI a révisé son estimation d’output gap à +3% pour les Etats-Unis en 2022), surtout si les seniors ne reviennent pas dans la population active et si la faiblesse du taux de participation se révèle structurelle. Comme la digitalisation et le capex sont sources d’innovation, les perspectives de productivité devraient s’avérer robustes. Dans ce contexte, les salaires pourraient continuer de progresser plus fortement que lors du cycle des affaires passé, nourrissant le scénario d’une inflation structurellement plus élevée, d’autant que les taux négatifs sont favorables au dynamisme du marché immobilier. Après avoir franchi un pic vers 6,5% fin 2021, puis refluer vers 2,5% du fait des effets de base, l’inflation devrait se cristalliser vers 3% en fin d’année 2022.

Vers un découplage des politiques monétaires et une dispersion des devises.

La Fed devrait réagir à cette progression plus structurelle des prix en durcissant sa politique monétaire. Les membres du FOMC se sont déjà orientés vers cette voie, en déclarant qu’ils se montraient plus vigilants face au risque inflationniste et qu’ils pourraient à ce titre accélérer le rythme de réduction des achats d’actifs. La recrudescence de la pandémie pourrait les dissuader de passer de la parole aux actes. En contrepartie, ils pourraient intensifier leur cycle de hausses des taux directeurs. Nous attendons ainsi trois hausses des taux Fed funds de 25 points de base lors du second semestre 2022, provoquant un découplage des politiques monétaires entre la Fed et la plupart des autres principales banques centrales. Il devrait en résulter d’importantes rotations sur le marché actions (notamment en faveur du Japon et du style value), une appréciation du dollar ainsi qu’une hausse de la volatilité et de la dispersion sur le marché des devises. Cela pourrait aussi finir par générer des tensions dans la sphère obligataire émergente.

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