Inflation: «Cette fois-ci, c'est différent»

David Ross, La Financière de l’Echiquier (LFDE)

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Au mois de mai 2022, l’inflation a battu un record vieux de 40 ans et atteint son niveau le plus élevé depuis 1982.

Les marchés boursiers sont en baisse depuis le début de l’année, et le Nasdaq ainsi que les valeurs de croissance ont également fortement baissé. Cette baisse constitue-t-elle une opportunité d’investissement, ou le point bas n’a-t-il pas encore été atteint?

Le monde a bénéficié de 40 années de baisse de l'inflation. Il fut somme toute relativement facile d'être banquier central pendant 30 ans. Certes, il a fallu réagir à des crises ponctuelles. Mais l'absence d'inflation a permis de s’exonérer de hausses des taux d'intérêt et nous avons pu puiser dans la besace de réductions des taux d'intérêt pour stabiliser l'économie et les marchés. Ces 30 années ont également été relativement simples pour les investisseurs. Oui, nous avons traversé une crise majeure, mais les banquiers centraux ont pu sauver la situation en injectant des liquidités et en réduisant les taux d'intérêt. Cette époque est révolue.

Le grand changement émane de la démondialisation. Les frictions commerciales avec la Chine, la hausse des coûts de transport, le quasi-shoring/re-shoring des chaînes d'approvisionnement, accéléré par la crise liée au Covid, et la guerre en Ukraine sont autant de facteurs qui contribuent à la démondialisation. Tous créent des frictions au sein de l'économie mondiale, ce qui génère une hausse généralisée de l'inflation. Aucun de ces facteurs n'étant appelé à disparaître de sitôt, l'inflation sera probablement une donnée… durable.

Depuis la fin de la grande crise financière, il y a treize ans, les marchés boursiers n'ont suivi qu’une seule trajectoire, un aller simple ascensionnel. Aujourd'hui, peu de gérants de fonds ont vécu de véritable marché baissier ou même une récession. Ceux d'entre nous qui se souviennent de l'époque où les inquiétudes liées à l'inflation motivaient les décisions des banques centrales sont en effet rares.

La grande vague de liquidités, créée par les banques centrales et les gouvernements après la crise de 2008 n’a jamais été dénouée.

La grande vague de liquidités, créée par les banques centrales et les gouvernements après la crise de 2008 n’a jamais été dénouée. Cette vague s’est au contraire accélérée de façon massive lors de crise déclenchée par le COVID, ce qui a créé une immense bulle dans toutes les classes d'actifs. Actions, obligations, crypto-monnaies.... toutes se sont retrouvées dans une bulle. Cette «bulle généralisée» constitue aujourd’hui un dommage collatéral dans la lutte contre l'inflation. Et quand les bulles éclatent, les conséquences sont multiples. Qu'il s'agisse du krach de 1929, de la bulle japonaise des années 1990, ou de la bulle technologique de 2000, nous pouvons constater une chute de 75 à 80% du sommet au creux. Pour quiconque a vécu des marchés baissiers, les marchés actuels disposent encore visiblement de marge pour baisser encore.

Une bulle qui éclate ne rebondit pas. Il a fallu 15 ans au puissant Microsoft pour voir le cours de son action revenir au plus haut. Et nous attendons toujours qu'Intel et Cisco retrouvent leur seuil de rentabilité. Si vous avez eu la malchance de courir après la bulle à son apogée, vous pouvez tout aussi bien considérer cet investissement comme perdu. La reprise est rare.

La clé pour naviguer sur un marché baissier? Savoir que vous ne pouvez pas gagner. La meilleure chose qu'un investisseur puisse faire est d'éviter de perdre. Ne courez pas après les reprises. Les plus grandes reprises du marché se produisent sur les marchés baissiers. Ceux d'entre nous qui ont souffert lors de telles périodes savent que ces reprises ne sont que des «reprises de dupes». Ma discipline consiste à être un vendeur net lors de chaque journée de hausse. Penser à vendre lors d’un marché baissier requiert une discipline de fer, pour la plupart des gérants qui généralement sont en quête d’idées d’investissement. Mais l'optimisme n'est pas le meilleur allié de l’investisseur dans un marché baissier.

«Cette fois-ci, c'est différent». L’adage bien connu pourrait être approprié. A cause de l'inflation, cette fois-ci, c'est vraiment différent. Les banques centrales ne peuvent pas venir à la rescousse de Wall Street. L'inflation doit être combattue. Et parce que les conditions à l'origine de l'inflation ne sont pas près de disparaître, les banques centrales devront continuer à s'appuyer sur elle pour les années à venir. Ma stratégie est donc la suivante: augmenter les liquidités chaque fois que possible; se préoccuper de la valorisation car le rendement futur sera déterminé par le prix que l’on paie aujourd'hui; se concentrer sur les flux de trésorerie actuels, car les liquidités d'aujourd'hui valent bien plus que des liquidités dépréciées par l'inflation de demain, et adopter une approche défensive en matière d'investissement.

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