Il est trop tard pour réduire le risque sur un plan tactique

Emmanuel Ferry, Banque Pâris Bertrand

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Retour de la volatilité, comment réagir? Trois membres de l'Association des Stratégistes d'Investissement de Genève (ISAG) répondent.

 

Avez-vous modifié la composition de vos portefeuilles au vu de l’augmentation de la volatilité et comment tirer parti du regain de volatilité?

L’année 2018 est celle des surprises et des erreurs de prévisions: la sous-performance des marchés non-US, le retournement de politique monétaire dans les EM (de détente à resserrement), le retournement des marchés EM (changes, dette et marchés actions), le retour du dollar.

Trois thèmes clés se dessinent cette année:

  1. La divergence cyclique entre les Etats-Unis et le reste du monde;
  2. Les impacts de la guerre commerciale sur la croissance mondiale;
  3. Le resserrement des conditions financières dans les pays émergents.

A mi-parcours de l’année 2018, le message est celui d’un retour à la moyenne après une année 2017 extraordinaire combinant performance forte et volatilité faible. En rendement ajusté du risque, l’année 2017 avait délivré 2 à 3 fois la moyenne de long terme. Il n’est donc pas surprenant que les rendements financiers s’inscrivent en creux cette année. La seconde plus longue phase d’expansion de l’après-guerre aux Etats-Unis a créé des déséquilibres multiples sur le plan des fondamentaux (dette publique et privée record, marché du travail tendu) et des valorisations des actifs financiers. Cela rend les marchés plus sensibles à des chocs (politiques, géopolitiques, économiques et financiers). En matière de stratégie d’investissement, 2018 marque une rupture structurelle, avec l’amorce d’une orientation plus défensive.

La diversification est-elle une réponse appropriée?

La profondeur de marché se dégrade: 12 pays sur 45 sont déjà en marchés baissiers (perte cumulée supérieure à 20%) et l’indice équipondéré des Actions mondiales a déjà perdu près de 15% depuis la fin du mois de janvier. Hors tech US, les actions mondiales reculent de plus de 5% cette année (contre +1,5% pour l’ensemble du marché). Cette moindre participation à la hausse des marchés Actions témoigne d’une vulnérabilité accrue: si le segment des mega tech fléchit, le marché pourrait corriger de manière significative. Il y a trois lignes de défense. La première est la diversification, qui doit être maximale à travers les classes d’actifs. Les actifs décotés qui n’ont pas été reflatés par les banques centrales (Value dans les Actions, Matières Premières, inflation) doivent à nouveau être considérés. La deuxième ligne de défense repose sur la gestion active. Le retrait des liquidités des banques centrales va sonner le glas de la gestion passive. Les indices ont connu une déformation significative sur une décennie et sont intrinsèquement risqués, avec des pondérations excessives sur les secteurs les plus chers. La gestion du risque constitue la troisième ligne de défense. Cela passe par une capacité à se désinvestir selon un processus discipliné.

La duration est-elle une réponse appropriée?

Aux Etats-Unis, c’est clairement le cas. Le rendement à 2 ans est repassé au-dessus du rendement du dividende des Actions et ce pour la première fois depuis une décennie. La Fed est déjà bien avancée dans son processus de retrait des liquidités et de remontée des taux directeurs. L’aplatissement de la courbe des taux est un signal précurseur de prudence qu’il faut écouter. Au-dessus de 3%, le taux d’intérêt à 10 ans retrouve une capacité diversifiante et décorrélante du risque Actions. À 3,50%, les gestions diversifiées globales pourraient à nouveau surpondérer les Obligations d’Etat. En Europe, l’extrême faiblesse des taux d’intérêt réduit la capacité d’amortisseur de la duration. Si le resserrement monétaire de la BCE coïncide avec une inflexion monétaire de la Fed, l’Europe s’expose à un risque de sur-ajustement à la hausse de l’euro qui viendrait amplifier le retournement conjoncturel.

D’un point de vue tactique, quelles couvertures pensez-vous privilégier?

Il est trop tard pour réduire le risque sur un plan tactique. Le positionnement des investisseurs est déjà très défensif et le prochain mouvement sera au contraire une reprise de risque sur les marchés émergents et européens. Le catalyseur sera le dollar.

Trois échéances clés sont à surveiller:

  1. Les négociations commerciales avec la Chine;
  2. Le budget italien;
  3. Les élections de mi-mandat aux Etats-Unis (6 novembre) et sans doute avant la question du plafond de la dette.

Concernant la Fed, le relèvement des taux en septembre a déjà été télégraphié. Par contre, le meeting de décembre sera décisif pour amplifier ou infléchir l’orientation de la politique monétaire. Finalement, l’année 2018 risque d’être une année blanche. C’est la stratégie pour 2019 qui est déjà en préparation.