IA, Big Data, NLP: les outils qui reforgent la gestion d’actifs

Yves Hulmann

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Les techniques d’analyse de données massives ou d’interprétation de textes servent aussi à détecter des failles du marché, selon BlackRock.

Les méthodes utilisées pour analyser les marchés évoluent au fil des décennies. Dans les années 1980, l’accent était mis sur la mesure de la valeur fondamentale des sociétés, basée d’après l’évaluation des rapports financiers des entreprises. S’y est ajouté durant les années 1990 l’analyse du «sentiment», reposant sur l’analyse du comportement des autres participants du marché. Au tournant du millénaire, d’autres approches telles que l’analyse de la «qualité des bénéfices», celle des flux d’actifs ou des thèmes «macro» sont apparues. 

La décennie en cours est, elle, marquée avant tout par l’utilisation en finance des techniques permettant d’analyser de très grandes quantités de données («big data») ainsi que celles issues de l’intelligence artificielle (AI) et de l’apprentissage automatique («machine learning»), met en perspective David Wright, responsable de la stratégie de produits pour l’Europe, le Moyen-Orient et l’Afrique (EMEA) au sein de l’unité Systematic Active Equity (SAE) chez BlackRock. Le gérant d’actifs a mis sur pied en Californie son propre laboratoire consacré à ce thème. 

Détecter les tendances en matière de consommation.

Outre l’approche «conventionnelle» reposant essentiellement sur l’analyse de données fondamentales (bénéfices, chiffres d’affaires, etc.) et des chiffres macroéconomiques, les gérants d’actifs s’intéressent toujours davantage aux sources d’informations «non conventionnelle», allant de l’analyse de données issues de la géolocalisation aux tendances observées sur les réseaux sociaux. L’exploitation de données rendue possible grâce au «big data» et à l’intelligence artificielle, permet en particulier de mieux prédire les tendances en matière de consommation. 

«Aujourd’hui, pratiquement tous les aspects de notre vie quotidienne sont saisis par des bases de données», a souligné David Wright, qui s’exprimait jeudi à Zurich dans le cadre du 13e «Swiss Fund Day», un événement organisé par la SFAMA (Swiss Funds & Asset Management Association). Concrètement, cela porte aussi bien sur les recherches effectuées sur Internet, l’interprétation d’images satellites ou encore des données relatives aux transactions effectués avec des cartes de crédit. 

Lorsque les consommateurs installent une application, ils acceptent la plupart du temps que leurs données puissent être utilisées sous forme anonymisée. Ces informations permettent de connaître quels commerces ou quels zones urbaines gagnent ou perdent en fréquentation. Grâce au «big data», il est possible d’exploiter des informations utiles à partir de données publiques, certes librement disponibles, mais difficiles à interpréter jusqu’ici. C’est le cas par exemple des contrats gouvernementaux aux Etats-Unis, alors que l’Etat constitue parfois le premier client de nombreuses entreprises américaines.

Interprétation des «earning calls».

L’intelligence artificielle permet aussi d’interpréter directement des images ainsi que la tonalité de certains textes. Si les présentations des résultats d’entreprises faisaient déjà par le passé l’objet d’analyses approfondies, comme la mesure du nombre de mots-clés spécifiques citées par la direction, l’apprentissage automatique permet, lui, d’interpréter plus largement le langage utilisé par le management pour évaluer si les fondamentaux d’une entreprise vont dans le sens d’une amélioration ou d’une détérioration. Le traitement automatique du langage naturel («natural language processing») permet d’évaluer certains changements de tonalité – positifs ou négatifs - observés lors de présentations aux investisseurs.

Ne pas se faire doubler par les géants de la «tech».

Faut-il pour autant ranger au placard les méthodes d’analyse traditionnelles en finance? David Wright se montre nuancé: «Le big bata et machine mearning ne vont pas remplacer le travail d’investissement habituel mais ces nouvelles techniques vont devenir toujours plus nécessaires pour générer de l’alpha». Avec cette crainte récurrente de ne pas se faire dépasser par de nouveaux concurrents issus des technologies: «Nos principaux concurrents ne sont pas les autres gérants d’actifs mais les sociétés technologiques elles-mêmes», souligne l’expert. En effet, les géants de la «tech» disposent de trois atouts clés: ils ont accès à une multitude de données, ils savent comment les stocker et comment les analyser.

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