Gestion systématique: vers une nouvelle ère

Salima Barragan

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Depuis 2018, l’incertitude rend les situations moins modélisables, selon Jean-Jacques Duhot d’Arctic Blue Capital.

Depuis quelques années, le marché de la gestion systématique a gagné en compétitivité grâce à l’augmentation de la puissance de calcul et des masses de données disponibles. Malgré l’essor extraordinaire de la systématisation, en matière de techniques d’exécution ou d'analyses quantitatives toujours plus pointues, les attentes des participants restent mesurées. Point de situation avec Jean-Jacques Duhot, CIO et Managing Partner d’Arctic Blue Capital, filiale d’H2O Asset Management.

UNE RéAPPRECIATION DES EXPECTATIVES

Bien que le succès des fonds systématiques ne soit plus à démontrer, depuis un an, nous assistons à un retour à la moyenne des espérances de rendement. «Nous touchons les limites de ce qui est analysable, comme les tweets de Trump», relève Jean-Jacques Duhot. La longue phase haussière de 2010 à 2017 a délivré des performances lisses et prévisibles mais nous arrivons à un point de rupture: «Depuis 2018, il y a davantage d’incertitudes liées notamment aux phénomènes politiques ce qui rend les situations moins modélisables», poursuit-il.

Le marché est un des baromètres du niveau
de l’activité économique, sociale et politique.

Avec le niveau de volatilité le plus bas jamais atteint sur le marché des actions américaines, novembre 2017 représente le cœur du point d’inflexion. Depuis, la volatilité augmente régulièrement par vague. «Nous avons eu un premier événement brutal en janvier 2018 suite à l’implosion d’un fonds «short vol» de Crédit Suisse, puis à partir d’août 2018, une contagion du marché chinois» se propageant à l’ensemble des marches boursiers mondiaux, souligne Jean-Jacques Duhot qui s’attend à une troisième phase de hausse structurelle de la volatilité.

UNE PHASE DE CONVERGENCE

Le marché est un des baromètres du niveau de l’activité économique, sociale et politique. Certains pans du marché ne se sont totalement pas entièrement remis de la grande crise financière. «Suite à l’excès de dette et à l’explosion de Lehman Brothers, les marchés, malades, ont été mis sous perfusion», nous rappelle Jean-Jacques Duhot. Mais leurs symptômes persistent et le populisme en est une conséquence directe. «Nous arrivons aux limites de la capacité de soutien des banques centrales et les risques ont été socialisés alors que les profits ont été privatisés. Si les banques centrales continuent ainsi, les troubles sociaux ne feront que de grandir», nous prévient-il.

Est-ce que les actions des banques centrales remettront l’ordre mondial en question? Le monde, depuis les accords de Bretton Woods, était centré sur le dollar américain. «Dès que la Chine mettra fin à l'arrimage du renminbi au dollar américain, la dé-dollarisation se fera au dépend des Etats-Unis», explique Jean-Jacques Duhot pour qui, la somme de ces éléments convergent vers une instabilité précédant un changement de l’ordre mondial.

Au sein du modèle de gestion, le biais humain s’immisce
dans la programmation pour offrir le meilleur du «trader humain».
STRATéGIE SYSTéMATIQUE D’ACTIONS à CONTRE-COURANT

Arctic Blue Capital propose une stratégie systématique d'actions à contre-courant. Il ne s’agit pas d’un pur CTA «trend follower» car le modèle de tendance est combiné avec un modèle contrarian. «Cette brique essentielle dans l’allocation actions permet de trouver un rendement dé-corrélé qui a la capacité d’amortir les chocs», explique Jean-Jacques Duhot. Dans la construction du portefeuille, le modèle contrarian est surpondéré alors que le modèle tendance est sous-pondéré. Ainsi, grâce au biais contrarian, le fonds tolère une corrélation positive faible entre les modèles à contre-courant et de tendance lors des hausses de marché, et inversement, il tolère une corrélation positive élevée entre les deux modèles lors des phases baissières. Le fonds surperforme lors de configuration de marchés baissiers et sa performance est fortement corrélé à la volatilité. Finalement, il est investi en indice pays et secteurs mais pas dans des valeurs actions pour éviter tout risque idiosyncratique.

Au sein du modèle de gestion, le biais humain s’immisce dans la programmation pour offrir, d’après des analyses empiriques, le meilleur du «trader humain». Chaque trader virtuel est modélisé avec une capacité à intervenir à la hausse ou à la baisse des marchés: «Nous avons capitalisé sur la finance comportementale. Il s’agit de biais humains appliqués à la gestion systématique qui reproduisent les expertises des traders tout en neutralisant les biais émotionnels», précise Jean-Jacques Duhot.

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