Gestion obligataire: un monde de taux d’intérêt… sans intérêt?

Christel Rendu de Lint, Union Bancaire Privée

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Il semble que l’environnement macroéconomique actuel ait tous les attributs de la dualité déroutante de Dr Jekyll et Mr Hyde!

Les segments dits «défensifs» sur le marché obligataire en euro sont aujourd’hui moins attrayants d’un point de vue risque/rendement, ce qui milite en faveur d’une optimisation des investissements, soit via une approche «absolute return», soit via les indices CDS de par leurs avantages en termes de liquidité.

Pour employer une métaphore liée à la littérature, il semble que l’environnement macroéconomique actuel ait tous les attributs de la dualité déroutante de Dr Jekyll et Mr Hyde! D’un côté, Mr Hyde: l’incertitude autour des négociations sino-américaines qui affecte le commerce international. De l’autre, Dr Jekyll: la résilience de la croissance mondiale, avec des prévisions de l’ordre de 3% pour 2019, proches de sa moyenne de six ans.

L’incertitude sur le commerce mondial conduit les entreprises à diminuer leurs dépenses d’investissement, étant donné que c’est le levier le plus immédiat et facile à actionner pour réduire la voilure. Cependant, ce mouvement a pesé sur le climat des affaires dans le secteur manufacturier. A contrario, les services résistent bien, adossés à une consommation et un marché de l’emploi qui sont, globalement, toujours en forme. En l’absence d’un véritable choc, le scénario central reste celui d’une stabilisation de la croissance.

Banques centrales: reprise d’un assouplissement synchronisé,
avec des marges de manœuvre différenciées à l’avenir.

Dans ces conditions, les banques centrales ont diamétralement changé de cap début 2019 pour initier un nouvel épisode d’assouplissement monétaire, synchronisé à l’échelle mondiale, comme en témoignent les récentes baisses de taux de la Fed et de la BCE ainsi que la relance du programme d’achats d’actifs de la BCE.

Toutefois, il est intéressant de constater que les deux banques centrales n’ont pas la même marge de manœuvre. En effet, la Fed a pu mener une normalisation avancée de ses taux entre 2016 et 2018, là où la BCE a manqué la fenêtre de remontée des taux. A 1,75%, les Fed Funds offrent le coussin nécessaire à d’éventuelles baisses supplémentaires, si une détérioration économique l’exigeait. Un levier dont ne dispose plus vraiment la BCE vu ses taux négatifs.

Comment ces évolutions se traduisent-elles sur les marchés obligataires? En termes de valorisation, les marges de crédit aussi bien «investment-grade» que «high yield» sont actuellement en ligne avec leur moyenne de ces six dernières années, lesquelles reflètent assez bien ce que pourrait être la réalité d’une «nouvelle normalité», entre croissance faible, inflation modeste et environnement de taux d’intérêt bas, et donc une situation qui continue de prévaloir.

La liquidité permettant d’amortir les chocs
doit faire figure de priorité, et ce quels que soient les segments.

En revanche, les niveaux de rendement des titres souverains «core» européens ne sont guère attrayants car la situation actuelle altère considérablement le profil de performance ajustée du risque de ces titres. Il est donc indispensable de penser autrement les segments obligataires euro dits «défensifs», comme le marché «aggregate», et d’initier pour ces segments une approche d’investissement «absolute return», fondée sur une gestion active de l’exposition aux taux d’intérêt (surtout) et au crédit (aussi), avec un focus sur la préservation du capital.

La liquidité permettant d’amortir les chocs doit faire figure de priorité, et ce quels que soient les segments: de ce point de vue, les indices CDS affichent toujours autant d’atouts. Représentant 80% des volumes échangés sur le marché du crédit européen, ces instruments sont plus liquides que les titres obligataires. Depuis 2004, les indices CDS «investment-grade» et «high yield» surperforment significativement les obligations classiques sur ces deux segments, en particulier lors des phases de stress.

Enfin, toujours dans une logique de performance, l’investisseur euro peut à nouveau porter son regard sur les actifs libellés en dollar américain. Une exposition obligataire dollar couverte en euro offre un potentiel de compression des rendements bien supérieur en comparaison d’une exposition aux actifs européens. Le potentiel gain en capital qui en découle se conjugue avec une marge de manœuvre monétaire plus élevée de la Fed en cas de choc.

Données au 30 septembre 2019; sources: UBP, Bloomberg Finance L.P.

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