G20: un sommet à deux sur vingt

Valérie Plagnol, Vision & Perspectives

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Trump et Xi contraints de s’entendre, mais pas forcément de s’accorder…

Le sommet du G20, comme on s’y attendait et comme beaucoup l’espéraient, a bien permis de renouer le dialogue entre les deux présidents. La trêve qu’ils semblent avoir conclue ouvre la voie à la reprise des négociations commerciales entre les deux pays. Mais si les deux y trouvent leur  intérêt, leurs ambitions et leurs objectifs, comme les intérêts qu’ils défendent, se fondent sur des visions temporelles diamétralement opposées. Que peuvent alors faire leurs négociateurs face à de telles différences?

Il nous apparaît assez évident que le Président américain est en tout premier lieu – sinon exclusivement – tourné vers sa réélection. Entré officiellement en campagne ces dernières semaines, il est tout entier (encore plus qu’auparavant, si cela était possible) tourné vers la conquête ou la reconquête de son électorat et la satisfaction immédiate de ses aspirations. Cela devrait se traduire par l’affirmation constante qu’il a bien tenu ses promesses de campagne et qu’il a triomphé de ses adversaires. Comment? En affichant une croissance économique solide et une forte progression des marchés boursiers, fruits, selon lui, de sa politique fiscale et de ses menaces sur la Réserve Fédérale.

La Chine connaît un parcours plus erratique que le ralentissement
linéaire affiché par les chiffres officiels de son PIB.

Donald Trump se prévaudra d’avoir permis à l’Amérique de réaffirmer sa suprématie géostratégique et commerciale, ainsi que la maîtrise de son espace économique intérieur. Tout d’abord face aux puissances nucléaires «pirates» que sont la Corée du Nord et l’Iran. Puis en contraignant ses voisins commerciaux du continent et ses alliés européens et japonais à ouvrir leurs frontières ou limiter leurs exportations vers l’Amérique. Enfin, en fermant sa frontière sud et en imposant au Mexique de se charger de limiter les arrivées de migrants vers le nord.

Il lui reste à convaincre qu’il aura bien entravé la marche de la Chine vers la suprématie technologique et la dominance commerciale, en lui imposant des sanctions auxquelles elle n’aurait pas pu résister.

Il sera bien temps d’examiner la véracité de ses propos. En attendant, l’attitude et les revirements du Président Trump ne peuvent pas être vus autrement qu’à l’aune de ses ambitions domestiques immédiates.

De son côté, Xi Jingping porte des projets de plus long terme et de plus grande envergure. Aux commandes d’un pouvoir qui apparaît de plus en plus absolu, l’échéancier électoral ne saurait le contraindre. Il n’en rencontre pas moins des obstacles à court terme avec lesquels il doit bien composer. L’avancement du projet «made in China 2025» n’est pas sans accrocs. Sur le plan conjoncturel, et contrairement à ce qu’elle veut montrer, la Chine connaît depuis quelques années un parcours plus erratique que le ralentissement linéaire affiché par les chiffres officiels de son PIB. Le ralentissement sous-jacent de son économie, dû à la moindre croissance de sa population active, a connu d’importants soubresauts depuis 2013: baisses et rebonds se sont succédé, au rythme d’une politique publique de stop and go budgétaire et monétaire, face à l’excès d’endettement, la baisse de la productivité et la pollution. L’initiative de la «Belt and Road», ou Route de la Soie, a également pour objet de projeter les investissements chinois hors de ses frontières. La Chine y a rallié de nombreux pays, jusqu’en Europe, mais elle a également subi quelques rebuffades retentissantes, alors que ses partenaires n’y trouvent pas leur compte.

Fort de ses premiers succès, Donald Trump
entend façonner l’avenir.

Au regard de ces grands plans, les sanctions américaines ne seraient plus que de simples péripéties. Elles pourraient même aider le pouvoir par une «mobilisation nationale» derrière une nouvelle «longue marche», cette fois économique et technologique, ce que le Président Xi a promis à ses concitoyens. En attendant, le ralentissement de l’activité, les difficultés à faire évoluer son modèle, contraignent le Président chinois à ménager le présent.

Pour les Etats-Unis comme leur Président, se dessinent également des défis à plus long terme. Fort de ses premiers succès, Donald Trump entend aussi façonner l’avenir. Cette fois-ci encore, les Etats-Unis ont obtenu que le communiqué final du G20 ne les engage pas sur les questions climatiques (accords de Paris), ni ne condamne explicitement le protectionnisme. L’offensive se poursuit également à l’encontre de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC), dont les instances d’arbitrage se trouvent bloquées du fait du refus de l’Administration Trump de nommer de nouveaux juges.

Pendant ce temps, l’Europe vient de signer des accords commerciaux avec le Vietnam et le Mercosur. Le Japon – qui recevait le Président Chinois en marge du G20 pour la première fois depuis son avènement – tente d’apaiser ses différents avec son grand voisin.

Les entreprises et les investisseurs internationaux ne peuvent
que reconsidérer l’organisation des chaînes de valeurs.

Dans le monde économique, la trêve actuelle ne suffira pas à calmer les inquiétudes des entreprises. Les tarifs douaniers mis en place en mai dernier sont toujours en vigueur, à la fois plus élevés et touchant plus de produits qu’auparavant. La menace qui pèse sur les entreprises chinoises de la Tech, quand il ne s’agit pas d’un bannissement pur et simple, reste entière.

Dans ce contexte, les entreprises et les investisseurs internationaux ne peuvent que reconsidérer l’organisation des chaînes de valeurs. Beaucoup quitteront la Chine pour d’autres cieux. Cela ne se fera pas du jour au lendemain, ni forcément au profit d’un retour à la mère patrie, loin s’en faut. Beaucoup semblent par exemple lorgner du côté du Vietnam.

Pour avoir sous-estimé l’impact des mesures tarifaires sur son économie, la Chine se retrouve sur la défensive, et assez démunie en termes de possibles rétorsions, au risque de fragiliser un peu plus sa propre base industrielle. Mais ne sera-t-elle pas ainsi poussée à forcer l’allure vers le redéploiement industriel et technologique qu’elle souhaitait mettre en œuvre, et cette fois, sans en passer par une coopération et une harmonisation des standards et des réglementations. A se contenter de victoires tactiques sans lendemain, le Président américain semble bien n’avoir aucune vue sur le sens et l’enjeu de la «guerre», ni des conséquences à plus long terme pour son économie, ses relations avec ses alliés, et encore moins sur l’ordre du monde tel que les Etats-Unis eux-mêmes l’avaient façonné.

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