Faut-il s'inquiéter de la dégringolade du yuan?

Philippe G. Müller, UBS

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Le scénario d’une aggravation du conflit commercial domine celui d’une amélioration. La pression à la baisse sur la devise chinoise devrait perdurer.

Les marchés des actions américaines rappellent beaucoup 2017, proches de sommets record et peu volatils. Mais ce mois-ci réveille plutôt les souvenirs de 2015, lorsque la Banque populaire de Chine a changé sa politique de change, causant une chute de 3% du yuan, ce qui à l'époque constituait son plus fort mouvement en plus de deux décennies. 

En réaction, le S&P 500 était retombé de 11% en deux semaines et l'indice VIX avait atteint le niveau de 53. Et pourtant cette année, les marchés continuent de progresser, malgré la baisse de plus de 8% du yuan depuis début avril.

Ce n'est pas une crise des capitaux

En 2015, la crédibilité de la politique économique chinoise a été affaiblie par son échec à contrôler les effets de l'implosion de la bulle spéculative sur les actions et le changement dans la politique de gestion de la monnaie a déclenché une fuite des capitaux: entre août et octobre, l'équivalent de 3% du PIB a quitté le pays. Cela a fait craindre que la Chine manque de réserves de change ou permette une dévaluation bien plus importante. 

Cette fois-ci, le contrôle plus strict des capitaux, joint à des politiques plus cohérentes, a gardé les sorties de fonds en dessous de 1% du PIB entre avril et juin. Les réserves de devises sont restées stables.

La dépréciation n'est pas vraiment une surprise

Le rééquilibrage économique de la Chine signifie que ses importations augmentent plus rapidement que ses exportations, causant un déficit de la balance courante actuellement de 0,2% du PIB. En outre, l'écart entre les taux d'intérêt chinois et américain n'est plus que de 0,5%, contre 2,6% en janvier. Ces deux facteurs affaiblissent la monnaie, ce qui explique l'évolution du yuan cette année, même si son ampleur est inédite. 

En 2015, les investisseurs s'étaient positionnés en vue d'une appréciation continue face au dollar US; le changement soudain a donc causé des dénouements de positions et des révisions drastiques des attentes concernant la croissance du PIB nominal chinois, en termes d'USD.

Un yuan plus faible peut aider à compenser l'effet des taxes douanières.

Cette fois-ci, il y a un bon côté à l'affaire. Avec un cours plus faible, les producteurs chinois peuvent se permettre de réduire leurs prix en USD tout en maintenant leurs marges en CNY inchangées, donnant aux acheteurs américains l'avantage du taux de change plus favorable, qui compense les droits de douane. 

Cela devrait réduire les impacts en aval, comme les interruptions de la chaîne d'approvisionnement, et pourrait expliquer la réaction des marchés des actions américaines à l'escalade des taxes douanières. En 2015, l'affaiblissement du yuan a été considéré comme une cause potentielle de déflation mondiale, mais cela inquiète moins aujourd'hui.

Approche neutre privilégiée

Néanmoins, la situation reste préoccupante et UBS continuera de surveiller les données de près. Une dégradation des comptes courants de la Chine ou de ses données conjoncturelles, une accélération des sorties de capitaux ou des signes d'escalade du conflit commercial ou d'adoption de barrières non tarifaires pourraient alimenter les inquiétudes quant au yuan et nuire aux perspectives des actifs à risque.

Le scénario de référence d’UBS prévoit une aggravation du conflit commercial avant toute amélioration. Dans ce contexte, la pression à la baisse sur le CNY devrait perdurer. A présent, UBS table sur un USDCNY à 7,0 dans trois, six et douze mois. Contrairement à 2015, l'affaiblissement du CNY ne devrait pas déstabiliser les marchés mondiaux. 

Toutefois, au vu de l'escalade actuelle du conflit entre la Chine et les Etats-Unis, UBS préfère rester globalement neutre à l'égard du risque dans son allocation tactique d’actifs.

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