Exercice d'équilibriste imposé pour la Fed

Franck Dixmier, Allianz Global Investors

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La réunion du FOMC du 19 juin est particulièrement attendue alors que la Fed subit la pression constante des marchés et de la Maison Blanche.

La prochaine réunion de politique monétaire de la Réserve Fédérale américaine, qui se déroulera les 18 et 19 juin, est particulièrement attendue par les marchés. L’escalade des tensions commerciales entre les Etats-Unis et la Chine fait craindre aux investisseurs un net ralentissement de la croissance mondiale; la volatilité sur les marchés actions est repartie à la hausse; tandis que les anticipations d’inflation ont continué de chuter, avec le 5Y5Y swap d’inflation à 2,03% début juin, malgré un léger rebond de l’inflation sous-jacente en avril, le Core PCE passant de 1,5% en mars à 1,6% en avril. En conséquence, les marchés anticipent aujourd’hui un peu plus de trois baisses de taux de 25bp sur un horizon un an, dont un peu plus de deux d’ici la fin de l’année. Par ailleurs, les pressions politiques se font plus intenses, le président Trump souhaitant maintenir à tout prix l’activité économique.

Jerome Powell, le président de la Fed, va donc devoir se livrer à un exercice d’équilibriste: si la résilience de l’économie américaine, qui reste robuste, ne lui fournit pas aujourd’hui d’argument justifiant une inflexion de la politique monétaire, il devrait néanmoins signifier que la Fed serait prête à agir, si nécessaire, afin de contrebalancer les effets négatifs des tensions commerciales et ainsi prouver qu’il est à l’écoute du message envoyé par les marchés de ne pas durcir les conditions financières. Dans un discours prononcé à Chicago le 4 juin, Jerome Powell a d’ailleurs déclaré suivre de près les impacts de ces tensions et se tenir prêt à agir de manière appropriée le cas échéant, ouvrant ainsi la porte à une baisse de taux sans la mentionner explicitement.

Il nous semble désormais très probable que le prochain geste de la Fed sera une baisse des taux et non une hausse. Toutefois, nous estimons que la Fed ne prendra pas de décision lors de la réunion du 19 juin, pour plusieurs raisons:

  • l’économie américaine est résiliente, soutenue par la consommation des ménages, et l’objectif de plein emploi est dépassé. La Fed a besoin de plus de temps et de données pour ajuster sa forward guidance à la baisse, notamment des chiffres convergents qui confirmeraient une véritable dégradation de l’activité;
  • la normalisation de la politique monétaire marque une pause après 9 hausses de taux, les taux des Fed Funds évoluant entre 2,25% et 2,50%, des niveaux historiquement bas. Les marges de manœuvre de la Banque centrale sont donc réduites: les baisses de taux seront une ressource rare, dont le timing doit être particulièrement bien jaugé afin d’en garantir l’efficacité maximale;
  • malgré la volatilité, les marchés actions US sont proches de leurs plus hauts niveaux historiques et continuent de vivre l’un des plus longs cycles de hausse de l’histoire;
  • enfin, Jerome Powell doit éviter à tout prix une erreur de politique monétaire : même si cela parait très improbable, il n’est pas définitivement exclu qu’un accord commercial favorable soit passé entre les Etats-Unis et la Chine, ce qui pourrait redynamiser l’économie américaine et faire repartir l’inflation et les anticipations d’inflation.

Compte tenu des attentes élevées des marchés, un discours moins dovish qu’attendu devrait décevoir temporairement les investisseurs, tant sur les actions que les obligations. Nous estimons que toute correction sur les taux américains serait l’occasion de reprendre de la duration dans les portefeuilles obligataires US.

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