Europe: trop tôt pour s’alarmer

Valérie Plagnol, Vision & Perspectives

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La croissance européenne a bien décéléré au premier trimestre. Les raisons statistiques en sont un peu incertaines et laissent planer craintes et espoirs.

Les chiffres du PIB du premier trimestre le confirment: on est redescendu des sommets de la fin de l’année 2017, dont il faut souligner que tous les analystes s’accordaient à penser qu’ils n’étaient pas tenables. Ainsi est-on passé d’une progression trimestrielle de 0,7% au quatrième trimestre 2017 à 0,4% au cours de l’hiver. Cette progression n’en est pas moins assez remarquable, car sur un an, le PIB de la zone euro continue d’afficher une croissance réelle de 2,5% en début d’année contre 2,8% précédemment.

A ce rythme, on peut rester confiant sur la poursuite de l’activité cette année. Le rapport de printemps de la Commission Européenne va dans ce sens. Comme les autres organismes internationaux,  elle a revu à la hausse ses prévisions de croissance pour la zone euro en 2018 et 2019, tenant ainsi compte des acquis de fin d’année.

«On n’explique pas très bien
les raisons du ralentissement de l’activité.»

Pour autant, on n’explique pas très bien les raisons du ralentissement de l’activité. Outre des difficultés statistiques de neutralisation de certains effets saisonniers – difficultés qu’on retrouve d’ailleurs aux Etats-Unis – Peter Praet de la BCE, a évoqué l’apparition de goulots d’étranglements au niveau des approvisionnements et de la production, propres à ralentir le rythme de la croissance.

Après le repli des trois premiers mois de l’année, les indicateurs avancés de confiance des directeurs d’achat pour le mois d’avril signalent plutôt une stabilisation de l’activité à des niveaux encore assez élevés. C’est particulièrement vrai dans le secteur manufacturier – y compris pour l’Allemagne – ce qui présage de la poursuite de l’expansion de l’activité dans les mois qui viennent. Dans l’Union Européenne en revanche, il faut bien constater que le Royaume Uni perd de la vitesse. Même si le pays a pu profiter de l’effet d’entrainement de la zone euro, les indicateurs avancés présagent d’une croissance clairement en-deçà de la zone euro pour 2018, alors que les craintes du Brexit rebutent les investisseurs.

«Le resserrement de l’écart entre croissance réelle et croissance potentielle
fait craindre un inexorable ralentissement de l’activité.»

Il n’empêche, un certain attentisme a succédé à l’euphorie générale et cela se ressent également du côté des autorités monétaires. La BCE se retrouve à nouveau face à des statistiques d’inflation en ralentissement pour le mois d’avril, et toujours nettement en deçà de ses objectifs. L’environnement international est devenu plus volatil du fait des menaces de sanctions douanières américaines à l’encontre de l’Europe comme de la Chine. La crainte de voir l’Amérique répudier l’accord nucléaire iranien dans les jours qui viennent pourrait également peser sur les marchés et l’économie.  Certes, la baisse de l’euro ces dernières semaines pourrait rassurer les exportateurs, mais comme les tensions commerciales et politiques poussent les prix des matières premières et de l’énergie, ces hausses risquent de peser sur le pouvoir d’achat des consommateurs européens.

Sur un plan plus structurel, la baisse récente du taux de chômage de la zone euro, revenu à 8,5%, fait craindre qu’il n’y ait plus guère de marge d’employabilité immédiate pour accompagner la poursuite de la reprise. De même, si l’on peut se réjouir de voir l’investissement repartir, il est loin d’avoir retrouvé les niveaux d’avant-crise. Le resserrement de l’écart entre croissance réelle – désormais supérieure – et croissance potentielle fait donc craindre un inexorable ralentissement de l’activité. L’estimation de la croissance potentielle restant assez difficile, on peut tout de même considérer que la vigueur actuelle de la reprise de même que la dynamique générale, vont pousser les entreprises à poursuivre leurs investissements et trouver progressivement à remobiliser la force de travail dont elles ont besoin.

Il n’y a pas que les entreprises cotées qui doivent soumettre leurs comptes aux marchés tous les trimestres. C’est aussi le cas des Etats et l’exercice peut s’avérer plutôt délicat on le voit. A ce stade le risque de sortie de route est somme toute encore limité.

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