Etats-Unis: la croissance surprend à la hausse

Axel Botte, Ostrum AM

3 minutes de lecture

Alors que le PIB américain progresse plus nettement que prévu au premier trimestre, un statu quo est attendu du côté de la Fed.

©Keystone

Les marchés de taux et d’actions étaient bien orientés la semaine passée. La croissance américaine plus forte qu’annoncé et l’inflation réduite ont contenté à la fois les actionnaires et les créanciers obligataires.  

Le S&P marque un sommet proche des 2’940 points alors que les taux retombent vers 2,50%. La Fed, qui se réunit cette semaine, insistera sans doute sur l’inflation pour justifier sa politique. La bourse européenne efface néanmoins une partie des gains (-0,5%) de 2019 et la Chine corrige de près de 5%.  

Sur le marché des changes, le dollar est fort contre toute devise.

Le Bund cote autour de 0% sans grands mouvements sur les spreads souverains. Le maintien de la note de l’Italie par S&P permet une détente ce lundi. Les spreads de crédit poursuivent leur rétrécissement. L’iTraxx Crossover traite ainsi autour de 250pb malgré quelques prises de profit sur le marché du high yield (+16pb sur cinq séances). Le spread moyen de la dette émergente en dollars s’écarte de 8pb.  

Le pétrole reflue finalement après un mouvement de hausse lié aux menaces de Donald Trump envers les importateurs de brut iranien. Sur le marché des changes, le dollar est fort contre toute devise. L’euro casse le seuil de 1,12 dollar à la baisse. Le yen demeure faible proche de la barre des 112.  

Le graphique de la semaine

Les comptes spéculatifs restent massivement vendeurs de la monnaie unique contre le billet vert. 
Les taux négatifs en zone euro et l’écart de croissance avec les Etats-Unis favorisent le dollar. 
Le positionnement spéculatif vendeur s’est accru et semble annonciateur d’une nouvelle jambe baissière sur la parité.  
Cela étant, l’arrêt de la contraction du bilan de la Fed à partir d’octobre devrait caper la hausse dollar.
 
La croissance américaine plus forte que prévu au 1T 2019 

L’activité a progressé à un rythme soutenu au premier trimestre. Le PIB des Etats-Unis progresse de 3,2%ta entre janvier et mars. La consommation a marqué le pas malgré la robustesse de l’emploi. Les dépenses en biens durables ont connu un trou d’air en janvier-février mais la fin de trimestre était mieux orientée avec un rebond des ventes de voitures. L’investissement résidentiel se contracte pour un cinquième trimestre de rang. Cela est quelque peu surprenant compte tenu du redressement récent des ventes de maisons neuves. Cela étant, les deux postes de la demande les plus sensibles aux taux (consommation durable et immobilier) ont atteint des niveaux critiques en termes de parts du PIB. L’économie américaine ne pourra plus compter sur ces deux moteurs pour maintenir sa croissance. La bonne nouvelle provient des exportations en hausse de 3,7%ta au premier trimestre. Combinée à la chute des importations, la contribution de l’extérieur ressort à +1pp. L’investissement des entreprises est inégal. Les dépenses de recherche-développement et de logiciels sont soutenues, alors que l’investissement en structures productives diminue. L’investissement en biens d’équipement stagne. Cela dénote un effort de productivité au détriment de capacités de production additionnelles. La croissance de 3,2%ta se décompose en 1,5pp de demande interne, 1pp de demande externe et 0,7pp de variation des stocks. Globalement, le rééquilibrage de la croissance est bienvenu après une décennie de forte hausse de la demande des ménages. On peut néanmoins douter de la pérennité de la dynamique des exportations. L’inflation ralentit. Le déflateur du PIB augmente de 0,9%ta sur les trois premiers mois de l’année. Les prix à la consommation hors éléments volatiles augmentent de 1,6%a en mars. 

Hausse des actions malgré les flux finaux vendeurs 

Les marchés financiers sont toujours bien orientés. La rechute du brut et quelques publications de résultats sans relief en fin de semaine ont limité la hausse hebdomadaire des cours à 0,5% (S&P 500). Les rendements obligataires à 10 ans ont diminué vers 2,50% en fin de semaine, les chiffres d’inflation rassurant les intervenants quant aux perspectives de politique monétaire.  

Jerome Powell cherchera à gagner du temps
en insistant sur l’inflation et la sempiternelle «incertitude».

La Fed se réunit cette semaine. Le statu quo monétaire est acquis. Jerome Powell cherchera à gagner du temps en insistant sur l’inflation et la sempiternelle «incertitude» alors que le FOMC a déjà effacé trois hausses pour faire remonter les cours boursiers. Cette hausse des actions américaines est pourtant assise sur une dynamique de flux surprenante. Selon les données de BofA ML, les fonds actions, toutes catégories confondues, ont subi des rachats nets de plus de 95 milliards de dollars depuis le début de l'année. Les fonds américains sont en décollecte significative depuis le début de l’année au profit des fonds obligataires. La source de demande d’actions semble une nouvelle fois provenir des plans de rachats d’actions des sociétés alors que la saison des résultats n’incite pas les investisseurs de long terme à payer des multiples proches de 19x. Les BPA américains affichent une hausse moyenne de 2% sur le premier trimestre. La santé concentre les bonnes surprises et la croissance ce qui permet au secteur de revenir en grâce auprès des investisseurs après une longue période de sous-performance. Sur les marchés de taux, la pentification de la courbe a repris au-delà des maturités à 5 ans. Cette dynamique traduit bien l’attentisme de la Fed et l’asymétrie de son analyse des conditions macro-financières. Il convient de maintenir un biais acheteur et une position à l’élargissement du spread 10-30 ans.  

BCE: le taux de dépôt toujours en débat 

En Europe, les indicateurs pointent toujours à la baisse. L’enquête IFO s’effrite encore du fait de la dégradation des anticipations cycliques. Toutefois, la croissance de la zone euro a probablement été de l’ordre de 0,3%t sur les trois premiers mois de l’année. La dynamique espagnole et l’assouplissement budgétaire en France auront amorti le choc du commerce international. Cet environnement ramène toutefois le Bund vers 0%. L’aplatissement de la courbe des taux reprend également après un court répit sur la première quinzaine d’avril.  

Les actions bancaires ont réagi à la baisse
et le secteur financier sous-performait sur le marché du crédit.

Les commentaires de Benoit Cœuré, possible successeur de Mario Draghi, ont semé le doute quant à la réforme de la facilité de dépôt offerte aux banques. Les actions bancaires ont ainsi réagi à la baisse et le secteur financier sous-performait sur le marché du crédit. Parallèlement, les swap spreads courts se sont élargis (+2pb sur l’échéance 2 ans). Concernant les emprunts souverains, l’agence S&P a maintenu à BBB la note de l’Italie avec des perspectives négatives sans doute justifiées par la dégradation attendue du ratio de dette publique (132% du PIB). Le statu quo a néanmoins permis une détente des spreads en début de séance lundi. Les élections espagnoles préfigurent la reconduite du gouvernement minoritaire mené par le socialiste Pedro Sanchez. Cette issue limitant les marges de manœuvre budgétaire a été bien accueillie par le marché des Bonos. La dette espagnole se négocie à 101pb au-dessus de l’emprunt allemand à 10 ans. Les titres portugais sont aussi recherchés (112pb). Sur le marché du crédit, l’investment grade se resserre. A l’inverse, les primes grimpent sur le segment du high yield. Les indices synthétiques restent toutefois à des niveaux serrés (250pb).  

Dollar: la hausse par défaut? 

Le billet vert s’est renforcé la semaine passée malgré la baisse des rendements obligataires. Les taux à terme indiquent même une probabilité de baisse plus élevée l’an prochain. L’euro sous le seuil de 1,12 dollar est au plus bas depuis 2017.  

A lire aussi...