Et si on investissait dans l’hydrogène?

John Plassard, Consultant pour Mirabaud Securities chez Cambridge Securities

4 minutes de lecture

L’hydrogène n’est plus un fantasme avorté. Bienvenus sur un vecteur énergétique du futur…

Toyota Fine Comfort Ride

Comme vous le savez le développement et l’amélioration de l’autonomie des batteries est l’un de mes thèmes de prédilection. Il y a cependant une autre thématique «verte» qui revient en flèche et dans laquelle il est facile d’investir: l’hydrogène. Son développement est d’autant plus important que la demande énergétique est quasi exponentielle. Son association avec le lithium et l’énergie solaire fait aussi sens. Bref, que demander de plus. 

Les faits

Il y a quatre mois, Hydrogène de France (HDF Energy) a annoncé son intention de construire en Guyane la plus grosse centrale du monde de production et de stockage d'électricité renouvelable. Plus grosse que celle de Tesla. 

Son parc de panneaux photovoltaïques de 55 MW sera couplé avec une capacité de stockage de 120 MWh à base d'hydrogène, plus un stockage d'appoint par batteries lithium-ion de 20 MWh. Soit 140 MWh au total, contre 129 MWh pour celle de Tesla, située en Australie. 

L'hydrogène stocke l'énergie sur de longues périodes
et les batteries restituent l'électricité très rapidement.

L'alliance de deux technologies de stockage permet de profiter des avantages de chacune. En effet, l'hydrogène stocke l'énergie sur de longues périodes, tandis que les batteries sont capables de restituer l'électricité très rapidement. 

L'électricité solaire sert à hydrolyser de l'eau, produisant de l'hydrogène (et de l'oxygène), stocké sous forme de gaz comprimé dans de grands conteneurs. L'opération inverse produit de l'électricité dans une pile à combustibles. 

En résumé, la centrale électrique de l’Ouest guyanais photovoltaïque disposera d’une capacité de stockage de 140 MKh, sera capable de produire de l’électricité en continu et, plus important peut-être, sera économiquement rentable. Que demander de plus?

Un tout petit peu de technologie

Selon la définition, le modèle de pile le plus fréquent repose sur une membrane échangeuse de protons. Cette pile est constituée d'une anode alimentée en hydrogène, et d'une cathode où arrive l'oxygène puisé dans l'air. Toutes deux sont séparées par un électrolyte où les ions hydrogènes réagissent avec les atomes d'oxygène. 

La réaction génère un flux d'électrons et crée de la vapeur d'eau. L'électricité produite alimente le moteur électrique et la batterie tampon, qui peut également être rechargée au freinage.

Les avantages de l’hydrogène

Selon le cabinet McKinney si l'on ne voit toujours aucun poids lourd électrique sur les routes, c'est pour tout plein de raisons : ils sont trop lourds, trop chers à produire, et surtout les batteries prennent trop de place et demandent trop de temps pour être rechargées. Il y aurait cependant une solution idéale pour le futur du poids lourd : la pile à combustible. 

Relativement compacte, elle permet de rouler sans avoir à recharger et à patienter de longues heures, synonymes de pertes sèches pour les sociétés de transport. Même logique avec des transports « lourds » tels que les avions. Des distances plus longues vont de pair avec un ravitaillement en carburant plus rapide, des temps d'attente réduits, une utilisation accrue et une réduction des besoins en infrastructure.

Faire le plein d'hydrogène ne prend pas plus longtemps
que de remplir un réservoir de carburant liquide.

Concernant les voitures, si les batteries au lithium ont (largement) une longueur d’avance, à ce jour, Toyota a commercialisé dans le monde environ 3’000 exemplaires en 3 ans de sa berline à hydrogène. C'est cette technologie que le groupe japonais se propose de décliner avec le concept Fine-Comfort Ride. 

Une vocation routière qui a été rendue possible par le principal avantage de la pile à combustible, le temps de ravitaillement.

Faire le plein d'hydrogène ne prend pas plus longtemps que de remplir un réservoir de carburant liquide: 3 à 5 minutes dans le cas du Fine-Comfort Ride. Celui-ci stocke 6 kg d'hydrogène sous une pression de 700 bars dans un réservoir cylindrique de près de 3 mètres de long pour une autonomie de 1'000 kilomètres…

Plus concrètement, Toyota prévoit de réduire de 90% ses émissions de CO2 d'ici 2050, et le développement de bus à pile à combustible devrait largement y contribuer. Le Japon prévoit en effet de convertir l'ensemble de son parc de 35’000 bus à cette technologie entre 2030 et 2050.

A noter, fin 2017, Coradia iLint, le premier train à hydrogène du monde, construit par Alstom, entrait en service en Allemagne. 

Quelques désavantages

Le principal handicap de cette technologie reste son coût : un bus à hydrogène coûte cinq fois plus cher à l'achat qu'un bus thermique classique, et coûte deux à trois fois plus cher au kilomètre parcouru. Tout cela sans parler des énormes investissements requis pour développer le réseau de distribution de l'hydrogène. Au niveau des voitures, le modèle le plus accessible, le SUV Hyundai i x35 Fuel Cell lancé en 2013 s'affiche à 66’000 euros. Et il faut débourser près de 80’000 euros pour rouler en Toyota Mirai. 

Cet investissement important s'accompagne d'un coût d'usage élevé puisque ces véhicules consomment en moyenne un kilo d'hydrogène tous les 100 kilomètres. Cependant cet écart de prix commence à se réduire et le surcoût des véhicules à hydrogène devrait être de «seulement» 15'000 euros sur la période 2020-2025.

Tout comme l’électricité, l’hydrogène manque de bornes de rechange.

La taille des piles à combustible est aussi un désavantage, qui tend cependant à se réduire. La pile de Toyota par exemple ne cesse de maigrir : volume en baisse de 42%, poids divisé par deux, et elle se passe d'humidificateur. 

La poursuite des recherches sur cette technologie annonce encore des progrès pour la prochaine décennie. Par ailleurs, la pile à combustible est déjà une technologie mature et fiable : les véhicules actuels sont conçus pour parcourir plus de 150’000 kilomètres sans rencontrer de problème majeur.

Enfin, tout comme l’électricité, l’hydrogène manque de bornes de rechange. Cependant les choses semblent s’accélérer puisque l’an passé, l’Allemagne a déployé 24 nouvelles stations de distribution pour véhicules à hydrogène. Ce qui fait de lui le second marché mondial pour ce type d’infrastructure, derrière le Japon mais devant les États-Unis. D’ici la fin 2019, un total de 100 stations seront opérationnelles à travers le pays et 400 en 2023.

Une demande en constante progression

L’accroissement de la demande énergétique à travers les nouvelles technologie (réalité virtuelle, intelligence artificielle, minage des cryptomonnaies ou encore conduite virtuelle) pousse la majeure partie des acteurs à trouver des débouchés autres que les sources dites «classiques» et plus propres. 

Le secteur des technologies de l'information et des communications (TIC) représente déjà plus de 50% de la consommation globale d'électricité aux États-Unis. Dans les années à venir, la demande d'énergie pour les TIC devrait encore augmenter, doublant d'ici 2050, et cette prévision tient déjà compte de l'amélioration continue de leur efficacité énergétique. 

Les batteries à hydrogène affichent déjà
un agrément supérieur aux voitures thermiques.

Avec l'impératif évident de réduire les émissions de carbone (CO2) et d'améliorer la qualité de l'air, ces nouvelles demandes énergétiques doivent provenir de sources propres et renouvelables. Si l’éolien et le solaire en sont deux l’hydrogène se profile comme un acteur de poids. 

Comment investir dans la thématique?

Il y a plusieurs manières d’investir dans la thématique de l’hydrogène. De manière directe tout d’abord (ces valeurs ont récemment été sous pression à cause de la baisse du secteur automobile):

  • Plug Power (PLUG US)
  • Ballard Power (BLDP US) 
  • Hydrogenics Corp (HYGS US)

Ou de manière indirecte:

  • Honda
  • Toyota
  • Amazon (qui a investi dans Plug Power)
Synthèse

Si l’hydrogène était un fantasme avorté il y a quelques années, la thématique revient progressivement sur le devant de la scène. Les batteries (à hydrogène) affichent déjà un agrément supérieur aux voitures thermiques, une polyvalence remarquable grâce à un plein fait en quelques minutes et un roulage réellement écologique. Enfin, le «point d’entrée» ne devrait pas être loin pour les valeurs du secteur qui ont été récemment massacrées…

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