En amont de la courbe: une Banque nationale suisse «hawkish»

Martina Honegger-Romahn, Allianz Global Investors

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La Banque nationale suisse devrait donner la priorité aux hausses de taux d'intérêt plutôt qu'à la réduction du bilan.

Nous prévoyons que la Banque nationale suisse (BNS) annoncera une nouvelle hausse des taux d'intérêt le 22 juin. Les remarques du président de la BNS, Thomas Jordan, au début du mois, ont mis en évidence les inquiétudes persistantes concernant la rigidité de la core inflation. Même si l'inflation globale, à 2,2% en glissement annuel, est comparativement faible, elle reste supérieure à l'objectif. Il convient de noter que l'objectif d'inflation de la BNS est de 0% à 2%, et non de 2% comme pour la plupart des autres Banques centrales.

Alors que l'inflation a récemment décéléré de 2,6% à 2,2% en glissement annuel, l'indice des prix à la consommation (IPC) a augmenté de 0% à 0,3% par rapport au mois précédent. Cela indique des pressions inflationnistes à court terme. De plus, les prix administrés – tels que les loyers, l'électricité et les transports publics – continueront d'augmenter d'ici le début de l'année 2024. Enfin, la BNS tient à maintenir la force actuelle du franc suisse, car elle protège l'économie locale des pressions inflationnistes externes. En raison de l'élargissement des écarts de rendement par rapport aux Bunds allemands et des récentes mesures de politique monétaire expansionnistes prises par les Banques centrales du Canada, de l'Australie et de l'Union européenne, cette tâche est devenue de plus en plus ardue. Compte tenu des inquiétudes concernant une résurgence prochaine de la core inflation et de l'affaiblissement potentiel du franc suisse, nous nous attendons à ce que la BNS relève ses taux d'intérêt de 50 points de base.

Le fait que l'indice des directeurs d'achat (PMI) pour le secteur manufacturier n'ait atteint que 43,2 récemment ne contredit pas une telle décision. Car il y a aussi des nouvelles positives. D'une part, l'indice PMI pour le secteur des services se maintient à un niveau élevé de 52,6.  Ensuite, le taux de chômage se maintient à un niveau historiquement bas de 1,9%.  Enfin, le produit intérieur brut (PIB) a augmenté de 0,6% en glissement annuel.  Selon nous, l'économie suisse est moins sensible aux changements de taux d'intérêt que les économies comparables. Par conséquent, une hausse des taux de 50 points de base aura probablement un impact plus bénin sur l'activité économique qu'ailleurs. Enfin, le secteur suisse de la banque de détail a généralement bénéficié de l'environnement de hausse des taux, car il a été lent à répercuter les taux d'intérêt plus élevés sur les détenteurs de dépôts. La grande majorité des prêts hypothécaires suisses sont à taux fixe et, compte tenu de la pénurie structurelle de logements en Suisse, le secteur de l'immobilier devrait rester solide.

Certains observateurs du marché se demandent pourquoi la BNS ne dénoue pas son solde de mille milliards de dollars au lieu d'augmenter les taux d'intérêt. Pour rappel, en 2012, la BNS a commencé à intervenir sur le marché des changes pour éviter que le franc suisse ne devienne surévalué. Ces interventions ont été effectuées en échangeant du CHF contre de l'EUR, de l'USD, du GPB, etc. et en achetant des actifs (à la fois des obligations et des actions). Le programme d'achat s'est achevé en 2022 avec environ 1 000 milliards de francs suisses d'actifs au bilan de la BNS.

Selon nous, un désengagement du bilan serait l'outil de choix pour lutter contre les pressions inflationnistes externes et conduirait probablement à un nouveau renforcement du franc suisse. En revanche, les hausses de taux d'intérêt sont généralement plus efficaces lorsqu'il s'agit de maîtriser les pressions inflationnistes intérieures, qui sont actuellement la principale préoccupation de la BNS. Une autre préoccupation est la compétitivité des exportations suisses qui souffriraient d'une trop forte appréciation du franc suisse. Étant donné que le bilan n'a qu'une quantité finie d'actifs pouvant être vendus, la BNS donnera probablement la priorité à la hausse des taux plutôt qu'à la réduction du bilan, cette dernière étant sa deuxième ligne de défense.

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