Emission classique de fin de cycle... à mi-cycle

Gary Kirk, TwentyFour AM

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A quoi les investisseurs devraient-ils être attentifs en mai?

©Keystone

En mai, les marchés peuvent cacher des pièges pour les investisseurs car la saison des résultats du premier trimestre ouvre des opportunités dont les émetteurs s’empressent de profiter avant la pause estivale. Il en résulte souvent une offre obligataire pléthorique entre fin avril et début mai, d’où le vieil adage boursier «sell in May and go away».

Des marchés difficiles

L’année dernière, les emprunteurs ont bénéficié d’un contexte extrêmement favorable qui a vu l’économie surmonter la récession et le marché entrer dans une phase haussière très dynamique, avec à la clé une demande forte des investisseurs qui a eu pour effet de resserrer les spreads de crédit et de créer une situation où le rendement devient une denrée encore plus rare. De telles conditions peuvent s’avérer difficiles pour les investisseurs: le marché étant accessible à un univers d’émetteurs toujours plus large, il est globalement temps pour les acheteurs de se montrer de plus en plus sélectifs en ce qui concerne leur participation aux émissions s’ils veulent éviter celles dont les performances risquent d’être les plus décevantes.

Il est globalement temps pour les acheteurs de se montrer
de plus en plus sélectifs en ce qui concerne leur participation aux émissions.
Emission obligataire d’Amazon

A cet égard, notre attention a été attirée par la gigantesque émission obligataire d’Amazon la semaine dernière, qui en surpris plus d’un étant donné que l’entreprise a récemment publié des résultats record pour le premier trimestre, avec des flux de trésorerie provenant d’activités opérationnelles s’élevant à 67,2 milliards de dollars sur 12 mois et 4,2 milliards pour le T1. Pourquoi une entreprise avec un bilan aussi liquide déciderait-elle d’émettre 18,5 milliards de dollars de dette?

Amazon a déclaré que l’émission servait les besoins généraux de l’entreprise (acquisitions opportunistes, fonds de roulement etc.), le remboursement de la dette existante et le rachat d’actions ordinaires. Au vu du prix final, la transaction apparaît hautement opportuniste pour l’émetteur à des niveaux rarement disponibles pour les entreprises, même de la trempe d’Amazon. L’émission en huit tranches couvre un large éventail de maturités, depuis une obligation à deux ans d’un milliard de dollars au prix remarquable de T+10 pb, jusqu’à une obligation à 40 ans de 1,75 milliard au prix de T+95 pb. 

La gigantesque et surprenante émission obligataire d’Amazon
souligne la vitesse avec laquelle le cycle de crédit actuel évolue.

Mon intention n’est pas de dénigrer Amazon – qui connaît une réussite éblouissante et mérite selon moi sa notation A1/AA- sur tous les paramètres de crédit. Toutefois, je doute qu'un investisseur puisse se targuer de prévoir la valeur d’une obligation d’entreprise dans 40 ans avec un spread de crédit de moins de 1% au-dessus du taux sans risque, et je m’interroge également sur la pertinence d’investir dans une obligation d’entreprise à deux ans quand il est possible d’acheter le bon du Trésor US équivalent pour juste 10 pb de moins avec toute la liquidité additionnelle généralement fournie par celui-ci. Il est aisé d’imaginer qu’à un certain moment au cours des deux à quarante prochaines années, il pourrait être possible d’acquérir ces obligations à des niveaux plus bas.

La sélection des actifs reste cruciale

Nous pensons certes qu’il s’agit d’une émission intelligente et d’une levée de fonds à prix très intéressant pour Amazon, mais elle souligne aussi la vitesse avec laquelle le cycle de crédit actuel évolue et la nécessité pour les investisseurs de se montrer plus rigoureux que jamais dans leur sélection d’actifs. Si nous étions une grande entreprise notée IG, je chercherais probablement le moyen de reproduire cette transaction; en tant qu’investisseur, elle ne fait qu’augmenter ma vigilance.

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