Elections Italiennes: risque d’instabilité politique intact

Philippe Waechter, Ostrum AM

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Les conséquences du vote de ce week-end pourraient être dramatiques pour les institutions européennes. Un gouvernement populiste aurait un impact important sur l’allure de la construction de UE.


Les élections italiennes de ce week-end n’apportent pas de solution au risque d’instabilité politique qui caractérise l’Italie depuis la seconde guerre mondiale. Le scrutin italien se caractérise par une poussée populiste que les sondages avaient mal estimée.

Le mouvement 5 étoiles aurait 34% des voix et la Lega (ex Ligue du Nord) aurait 16%. Le parti de Silvio Berlusconi n’aurait que 14% et le parti démocrate de Matteo Renzi ne disposerait que de 18% des voix. Le recul, par rapport à 2013, des partis de gouvernement est fort.

Au regard des projections qui sont faites, ce matin, aucun parti ne détient la majorité pour former un gouvernement. Compte tenu d’une pincée de proportionnelle, un score de 40% doit permettre de disposer de la majorité.

Plusieurs questions se posent

Une coalition comptable semble possible entre le mouvement 5 étoiles et la Lega. La somme des deux partis serait proche de 50%. Ils ont aussi des éléments communs comme la remise en cause des institutions européennes et pour un certain nombre d’élus la volonté de sortir de la zone Euro. Cependant lorsque l’on regarde la géographie du vote on remarque que le nord de l’Italie a plutôt voté pour la Lega et Forza Italia alors que le sud a voté pour le mouvement 5 étoiles (Le parti démocrate a lui des voix plutôt dans le centre l’Italie). Au regard des tensions historiques entre le nord et le sud, on ne peut pas faire l’hypothèse d’une coalition spontanée entre les deux partis populistes. Cependant, le processus de désignation du premier ministre est long.
Le président italien Sergio Mattarella doit désigner le premier ministre entre le 30 mars et le 6 avril. Peut-on imaginer une communauté d’intérêt d’ici là? Je ne sais pas mais il faut conserver cette possibilité à l’esprit

Une coalition de Forza Italia et de la Lega n’atteindrait pas le seuil de 40% et donc il ne peut y avoir de gouvernement avec ces deux partis uniquement. En outre, lors des sondages préélectoraux, le parti de Berlusconi était en tête ce qui lui donnait un poids particulier dans la négociation pour désigner le premier ministre. Il est aujourd’hui distancé par la Lega, en conséquence, un rapprochement semble plus difficile.

La question est de savoir ce qui pourrait réduire
la poussée populiste constatée lors de ces élections?

On peut aussi s’attendre à un gouvernement technocratique dont la mission serait de voter enfin une loi mettant en place un mode électoral garantissant la stabilité politique. Pourquoi pas? Cela permettrait de gagner 6 ou 12 mois. La question, au-delà de la cuisine électorale, est de savoir ce qui pourrait réduire la poussée populiste constatée lors de ces élections? N’imaginons pas que plus de 50 % de l’électorat italien (il faut aussi compter les Frères d’Italie avec 4% des voix) sera rendu muet par un mode de scrutin particulier. Cela est illusoire. Le taux de participation a été de 72.9% le plus bas depuis l’après-guerre. Il était de 75.2% en 2013 et de 80.5% en 2008. Cette tendance à une moindre participation au vote apparaît alors que les risques populistes étaient déjà bien présents. Un nouveau vote mobiliserait il davantage? Probablement pas et certainement pas à la hauteur nécessaire pour écarter le vote populiste.

On doit anticiper pour les mois qui viennent un gouvernement populiste en Italie parce que les partis de gouvernement ont échoué. Les raisons économiques sont importantes pour comprendre le vote. Le PIB à la fin de l’année 2017 est encore près de 15% au-dessous de son niveau d’avant crise (premier semestre 2008) et le taux de chômage selon Eurostat est à 11.1% en janvier contre une moyenne de 6.6% avant la crise (premier semestre 2008). En outre l’économie italienne est une population qui vieillit rapidement et qui est affectée, politiquement, par la crise des réfugiés.

L’économie italienne ne peut plus utiliser ses recettes d’antan pour retrouver de la vigueur. La dérive inflationniste suivie d’une dévaluation de la monnaie n’est plus dans la boite à outil du décideur italien.

La question importante est celle de la BCE et de ce que cela crée
comme conséquences sur le comportement des investisseurs.

Une explication du malaise italien, la productivité (production par heure de travail) a une allure plate depuis 2000. L’Italie est incapable depuis 2000 de dégager des marges de manœuvre dans la gestion de son économie.

La question importante est celle de la BCE et de ce que cela crée comme conséquences sur le comportement des investisseurs. On doit imaginer, à court terme, que la BCE continuera d’être le gardien de la zone euro comme elle le fait depuis très longtemps. Le risque immédiat apparaît ainsi limité. La question se posera différemment si un gouvernement populiste avec un penchant pour la sortie de la zone euro arrive au pouvoir.

Les conséquences de ces élections pourraient être dramatiques pour les institutions européennes car l’Italie est la troisième économie de la zone et un gouvernement populiste aurait un impact important sur l’allure de la construction européenne. On est entré dans une zone de vigilance.