Elections européennes – Quels enjeux?

Philippe Waechter, Ostrum AM

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Pour la première fois, un pays va élire des députés au Parlement européen alors qu’il est dans un processus de retrait de l’UE.

©Keystone

Les élections européennes ont généralement été perçues comme peu influentes sur le plan national et donc toujours considérées comme des élections secondaires. On est loin d’une élection présidentielle.

Le taux d’abstention est généralement élevé et cela n’est pas spécifique à la France. Le graphique ci-dessus montre l’évolution du taux de participation en France et dans l’Union européenne depuis le premier vote de 1979. Les deux courbes ont le même profil. La France n’est pas différente. S’il y avait un relatif enthousiasme lors du premier vote avec une participation au-delà de 60%, le chiffre de participation depuis trois élections est proche mais un peu au-dessus de 40%.

Le résultat de ces élections ne reflète généralement pas le résultat des élections présidentielles précédentes dans le cas de la France. Dit autrement, un président français a rarement gagné les élections européennes. Depuis 1979, le parti du président de la République n’a gagné qu’à deux reprises. En 1979, l’UDF gagne et Valérie Giscard d’Estaing est au pouvoir puis en 2009 lorsque Nicolas Sarkozy est à l’Elysée c’est l’UMP qui l’emporte.

Il sera important de décrypter l’équilibre politique qui se dessinera
entre les pro-européens et les sceptiques comme Orban en Hongrie.

François Mitterrand, Jacques Chirac et François Hollande n’ont pas gagné cette élection. Sous Mitterrand, le Parti Socialiste est arrivé en deuxième position à chaque fois et sous Chirac l’UMP est arrivé deuxième en 2004 mais en 1999 c’était Charles Pasqua, dissident alors du RPR, qui avait terminé deuxième. En 2014, le PS avait terminé troisième derrière le Front national et l’UMP. En d’autres termes, le résultat de ces élections ne reflète pas nécessairement le rapport de force politique interne et les résultats observés depuis 1979 n’ont pas eu d’impact sur la conduite de la politique intérieure.

Quelles sont pourtant les particularités de cette élection européenne?
  1. La première remarque rapide est que c’est la première fois qu’un pays va élire des députés au Parlement européen alors qu’il est dans un processus de retrait de l’Union européenne.
  2. La deuxième remarque est que cette élection s’opère dans un contexte économique et politique particulier. La croissance est plus lente que par le passé dans la quasi-totalité des pays de l’UE, les inégalités plus marquées et les tendances populistes se multiplient.
    La croissance est plus lente et de ce fait la capacité à redistribuer les revenus est plus limitée que par le passé. L’économie crée moins de surplus qui peut être redistribué.
    Ce phénomène est d’autant plus accentué que le marché du travail a changé avec une polarisation plus marquée qui se traduit par une fragilité dans les emplois intermédiaires des personnes peu ou mal qualifiées. Cela reflète à la fois l’impact des innovations qui modifient les processus de production mais aussi le développement rapide de l’emploi peu qualifié dans le secteur des services. Ces emplois sont très individualisés et ne créent plus, comme par le passé, un sentiment d’appartenance à une classe.
  3. La question des revenus n’est pas suffisante. Aux inégalités liées aux revenus et aux rémunérations s’ajoutent des inégalités d’accès aux services publics, des inégalités d’accès aux soins de santé, à l’éducation ou à la formation mais aussi des inégalités géographiques puisque les prix de l’immobilier plus bas loin des centre villes se paient par un isolement plus important et des coûts de transport beaucoup plus élevés. C’est pour cela que la hausse du pouvoir d’achat n’est probablement qu’une condition nécessaire mais pas suffisante pour rétablir rapidement la paix sociale.
    On ne peut pas exclure que ce sentiment de fragilité ressenti principalement par les classes moyennes dont les revenus sont proches de la médiane ou en dessous puisse provoquer des comportements divergents. Cela a pu nourrir la montée du populisme dans l’Europe de l’ouest.
    Le risque politique de ces élections est de voir apparaître plus de votes non orthodoxes que par le passé. Pas forcément en France, où le Front National était à près de 25% lors des élections de 2014, mais plus globalement en Europe. Le renforcement des liens des partis populistes et extrêmes n’est donc pas impossible en opposition à la fois avec le pouvoir existant et avec les élites qui n’ont pas réussi à réduire les inégalités dans la durée.
  4. Les idées sur l’Europe manquent un peu. L’UE remplit le rôle majeur qui lui était assigné en prolongeant la paix sur le vieux continent. Cependant, sa dynamique n’apparaît pas satisfaisante et elle n’offre pas de solutions dans un environnement qui parait bloqué. En d’autres termes, l’Europe n’est plus au cœur des transformations du monde. Les tensions entre la Chine et les USA ne mentionnent l’Europe à aucun moment alors que le bras de fer entre les deux pays façonne le monde de demain. L’Europe est absente et ne donne pas le sentiment de pouvoir y remédier. L’Europe est nécessaire dans ce contexte global car malgré tout elle crée les conditions d’une certaine stabilité politique et donne de la puissance à tous les pays qui la compose. Chaque pays pris individuellement n’existe pas et n’a aucune capacité à peser sur le cours des événements. C’est pour cette capacité malgré tout que l’Europe est essentielle. Chacun est conscient de cela sans pour autant pouvoir incarner une quelconque puissance à infléchir le cours des événements.
  5. Sauf surprise, les élections auront peu d’impacts sur les marchés financiers. Néanmoins il sera important de décrypter l’équilibre politique qui se dessinera entre les pro-européens et les sceptiques comme Orban en Hongrie. Il pourrait conditionner la majorité qui se dessinera au Parlement européen et la commission renouvelée qui résultera de ces élections. Le résultat montrera la capacité de l’Europe à respecter et approfondir les règles qu’elle s’est donnée. L’attention se portera principalement sur l’Italie puisque la coalition en place pourrait être encore davantage fragilisée par le résultat européen. Le Mouvement 5 étoiles a vu son influence se réduire récemment et le gouvernement qu’il forme avec la Liga pourrait rapidement être fragilisé. Dans les sondages, la Liga est très forte et le Parti Démocrate (ex PS) est au-dessus du Mouvement 5 étoiles. Ce résultat sera le plus regardé car c’est probablement le seul qui aura un impact sur les équilibres internes à court terme.

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