Economie mondiale: un petit tour et puis s’en va!

François Savary, Prime Partners

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A l’approche de l’été, les investisseurs ont replongé pour le scénario de récession, voire de déflation.

Que les choses vont vite en matière d’anticipations sur la conjoncture mondiale. Il y a juste six mois les opérateurs «larguaient» leurs actifs risqués, favorisant une correction marquée des actions. Un développement qui avait conduit certains a annoncé le début d’un bear market.

Ce mouvement abrupt initié en septembre 2018, était directement lié aux craintes de récession qui s’étaient installées dans l’esprit des investisseurs. Comme les choses ne sont jamais simples dans ce cycle économique et financier si particulier, le paysage a - une nouvelle fois - radicalement changé en quelques mois seulement; avec le printemps l’idée qu’un environnement économique de «goldilocks» - le célèbre ni trop ni trop peu en termes de croissance – nous avait conduit à des niveaux très proches des plus hauts historiques sur l’indice S&P 500. En trois mois seulement, les gros nuages de la récession avaient cédé la place aux soleil radieux d’une économie mondiale sous pilote automatique. 

Voir les anticipations des opérateurs changer de cap aussi fortement
et aussi rapidement est surprenant.

Sans parler de la difficulté que les mouvements erratiques concomitants sur les marchés induit pour toute personne en charge d’une allocation d’actifs, comment peut-on passer, en quelques mois seulement, d’une extrême à l’autre sur le front des anticipations conjoncturelles?

La question est d’autant plus d’actualité qu’avec l’approche de l’été, les investisseurs ont replongé pour le scénario de récession, voire de déflation, à l’image de repli des bourses depuis début mai. Le différend commercial sino-américain et les pressions de D. Trump sur la Réserve Fédérale sont passés par là. Nous voilà donc revenus à la case départ (fin 2018), après une «révolution» complète sur le front des anticipations. La question de la justesse de la politique monétaire américaine est-elle un choc nouveau? Pas le moins du monde! La question commerciale sino-américaine a-t-elle fait irruption dans nos vies en mai? Que neni! 

Voir les anticipations des opérateurs changer de cap aussi fortement et aussi rapidement est surprenant pour toute personne qui observe les marchés depuis quelques décennies. Est-ce la preuve que nous sommes entrés dans un nouveau paradigme? L’effet du big data? La capacité de disposer d’informations plus rapidement que par le passé est-il en cause? Je ne suis pas convaincu.

La gestion du risque et plus particulièrement la capacité des opérateurs à le faire est une explication plus probante, à mon avis. La clé est à chercher dans «le» macro au sens large, et celui-ci va au-delà de la seule macroéconomie, c’est le contexte (géo)politique mondial qui est en cause. 

Appréhender les risques dans le contexte actuel est bien plus compliqué que dans un monde «figé», qu’il s’agisse celui de systèmes politiques stables et de relations internationales harmonieuses ou dans celui d’un monde marqué par des divisions claires, à l’image de la guerre froide. Or, les deux sujets macroéconomiques qui nous occupent depuis quelques mois, la politique monétaire adéquate d’une part et l’évolution des politiques commerciales de l’autre sont éminemment marquées par le changement du climat (géo)politique. L’indépendance des banquiers centraux est sous la menace d’attaques de tweets et de mouvements populistes qui ne cessent pas de vouloir rogner les ailes des grands argentiers; quant à la politique commerciale, nous sommes désormais confrontés aux attaques quotidiennes contre les principes du libre-échange. 

Les deux semaines à venir vont nous permettre de tester
une nouvelle fois la capacité des opérateurs à mieux gérer leurs anticipations.

Gérer les risques associés à un tel environnement est d’une grande difficulté mais il s’agit d’un élément indispensable pour tenter de naviguer sans trop d’à-coups, lorsque l’on vise à prendre des décisions d’investissement sereines. 

A cet égard, les deux semaines à venir vont nous permettre de tester une nouvelle fois la capacité des opérateurs à mieux gérer leurs anticipations, puisque la Réserve Fédérale tient sa réunion dans les prochains jours alors que le sommet du G20 de fin juin est totalement dépendant de la question du différend commercial sino-américain. Dans un cas comme dans l’autre ces évènements ponctuels ne peuvent avoir qu’un impact limité, car le résultat de ces réunions s’inscrit dans un cadre beaucoup plus large; en d’autres termes, l’action de la Fed cette semaine ne peut en aucun cas résoudre les questions de fonds qui se posent sur la politique monétaire, qu’il s’agisse de son efficacité ou de son indépendance. Sur la question commerciale, il faut malheureusement être conscient d’un fait: le libre-échange a du plomb dans l’aile pour quelques années encore. Il sera intéressant de voir la réaction des investisseurs à ces événements. Confirmeront-ils le retour à l’aversion au risque qui s’est fait jour en mai ou choisiront-ils l’option de se dire que si le pire est toujours possible il n’est pas nécessairement probable? Faire la différence entre un fait et un risque est compliqué, d’autant plus dans le cadre politique et géopolitique qui prévaut désormais.

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