Dette: la patience de la Fed offre une respiration aux émergents

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«Le demi-tour de la Réserve fédérale a offert un soutien à tous les actifs considérés comme les plus risqués», estime Isabelle Mateos y Lago du BlackRock Investment Institute.

Secouée par la tempête de 2018 sur les devises, les pays émergents et leur dette connaissent depuis le début de l’année une embellie, assurée en grande partie par la bienveillance des banques centrales, Fed en tête.

Le virage accommodant effectué en janvier par la Réserve fédérale américaine, et confirmé au-delà des attentes mercredi soir, n’a en effet pas seulement permis l’ascension des marchés boursiers mondiaux au premier trimestre, il a aussi eu des répercussions positives pour les économies émergentes.

«Ce demi-tour a offert un soutien à tous les actifs considérés comme les plus risqués» et a donc «créé de l’appétit pour les devises émergentes et pour la dette de ces pays», résume auprès de l’AFP Isabelle Mateos y Lago, directrice générale au BlackRock Investment Institute.

L’an dernier, les banques centrales réduisaient la voilure, «au niveau des banques commerciales, il y a eu une énorme décélération de la création de crédit en Chine et aux États-Unis, et la circulation globale des flux de capitaux était à l’arrêt avec la guerre commerciale sino-américaine», a rappelé Abdallah Guezour, directeur de l’équipe dette émergente chez Schroders, lors d’une conférence de presse.

Mais «les institutions monétaires ont réalisé qu’elles ne pouvaient pas normaliser leur politique monétaire trop rapidement», note auprès de l’AFP Pierre-Yves Bareau, directeur de la dette émergente, chez JPMorgan AM.

Dans le sillage de la Fed, elles «ont toutes adouci leur discours», notamment la Banque centrale européenne et «la banque centrale chinoise qui a réinjecté pas mal de liquidités», explique cette source. Le vent a alors commencé à tourner.

Mesures chinoises

En terme de croissance, ces pays avaient en outre été «touchés de plein fouet par le ralentissement de l’économie chinoise au second semestre 2018, conjugué à une hausse du dollar plus forte qu’anticipé», observe Mme Mateos y Lago.

«Mais, précise-t-elle, les mesures de soutien déployées depuis par les autorités chinoises commencent à avoir des effets et redonnent de l’élan aux économies émergentes».

Cela se traduit concrètement par «un flux positif de capitaux de 18 milliards de dollars vers la dette émergente, soit un retour en force des investisseurs, détaille la spécialiste, contre 12 milliards de sortie l’an dernier».

Les institutions monétaires mondiales ont soufflé suffisamment fort pour dissiper les nuages, mais la tendance est-elle appelée à durer ?

Les taux d’emprunt des pays émergents sont revenus dans leurs moyennes historiques, «cela incite à l’optimisme», selon M. Guezour.

«Les pays émergents ont fait de gros efforts entre 2013 et 2015, ils sont en meilleure santé» et l’environnement actuel est «idéal avec suffisamment de croissance» pour soutenir le marché mais pas au point de «remettre les banques centrales sur la voie d’une normalisation monétaire qui pourrait arrêter cette reprise», estime M. Bareau.

Petit bémol : «il n’y aura pas forcément les facteurs de soutien pour poursuivre au même rythme», nuance Mme Mateos y Lago.

Turquie versus Brésil

Mais d’un pays à l’autre, les différences restent fortes.

«Même si les banques centrales veulent soutenir l’économie, elles sont un peu aux limites de leurs possibilités, les gouvernements vont donc devoir prendre le relais avec des politiques budgétaires : certains seront crédibles, d’autres pas», relève M. Bareau.

De l’avis général, la Turquie reste l’un des pays les plus fragiles, d’autant qu’elle a choisi de ne pas demander l’aide d’une institution comme le FMI, ce qui aurait adouci le choc.

La situation du Venezuela est aussi critique, avec une dette majoritairement détenue par la Chine et la Russie, qui seront donc servis en premier en cas de restructuration, laissant les créanciers privés avec de lourdes pertes.

Le Brésil, à l’inverse, nourrit beaucoup d’espoirs de réformes parmi les investisseurs. «C’est un pays sur lequel il y a pas mal d’euphorie à la suite de l’élection de Jair Bolsonaro», d’après M. Guezour.

L’Argentine a bien remonté la pente. La Russie et le Mexique également avec des monnaies en meilleure forme.

«En 2018, nous en sommes arrivés à une overdose de risques singuliers, analyse M. Bareau, depuis les gens ont compris qu’il ne s’agissait pas d’une crise systémique des pays émergents mais d’une série d’individualités».

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