Des interrogations légitimes

Laurent Denize, ODDO BHF AM

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Les chocs concomitants d’offre et de demande ont cassé les corrélations historiques entre croissance, chômage et inflation.

Disons-le en préambule, la balance penche du coté négatif. Au niveau mondial, la croissance économique en Chine a ralenti vers 5%, aux États-Unis à moins de 2% et l’Europe entame un début de contraction. Il est donc possible que la croissance mondiale passe en dessous du seuil de 2% qui définit une récession classique. La trajectoire récente à moins de 3% au troisième trimestre n’est pas de bon augure.

Historiquement, l'augmentation du chômage est le principal facteur de ralentissement de l'activité économique. Si celle-ci n’est pas visible dans les pays développés, il suffit de s'adresser aux 11,6 millions de nouveaux diplômés en Chine pour comprendre. En avril, le chômage des jeunes Chinois âgés de 16 à 24 ans a atteint un niveau record de 20,4%, soit près du double du niveau de 12% atteint avant la pandémie. Mais la Chine n'est pas la seule concernée. Parallèlement à la contraction de son économie, l'Allemagne a par exemple également vu son taux de chômage augmenter de 0,7%.

A quoi s’attendre?

Si l'économie mondiale se trouve au début d'une récession classique, l’on devrait observer:

Des prix du pétrole et des métaux en baisse; Une évolution sans tendance des prix du marché High Yield; Une sous-performance des secteurs sensibles à l'économie. Ces 3 facteurs sont déjà observés. Pour autant, les indices actions qui devraient être globalement en baisse, ne le sont pas.

La croissance chinoise devient préoccupante au point que le gouvernement devrait intervenir avec des mesures de relance pour défendre le plancher de croissance de 5% qu'il s'est fixé.

Un début d’explication d’indices actions globalement en hausse provient de la performance spectaculaire des «magnificent 7»: Apple, Microsoft, Alphabet, Amazon, Nvidia, Meta, et Tesla dont la capitalisation combinée est aujourd’hui de 11'000 milliards de dollars. La surperformance enregistrée par ces 7 valeurs peut continuer pendant un temps, mais même le secteur technologique n’est pas immunisé contre la récession. Par ailleurs, le Nasdaq a annoncé qu'il réduirait la pondération des MegaCaps dans le Nasdaq100 afin d'éviter une trop grande concentration.

Jusqu'à présent, les signaux de décélération mondiale ont principalement un lien avec la Chine, comme en témoigne la sous-performance des métaux et des matières premières industrielles. Mais dans les mois à venir, la faiblesse ne sera plus le fait de la Chine, mais des économies développées. En effet, la croissance chinoise devient préoccupante au point que le gouvernement devrait intervenir avec des mesures de relance pour défendre le plancher de croissance de 5% qu'il s'est fixé. A contrario, le dogmatisme des banques centrales à vouloir lutter contre une inflation qu’elles ont tardé à prendre en considération peut précipiter les économies développées vers une récession de faible ampleur.

La prudence reste de mise

Les conséquences de ce changement de paradigme sont importantes pour l’allocation future de vos actifs.

Il convient de privilégier une légère sous- pondération des actions en raison des répercussions économiques négatives du resserrement des conditions de crédit sur les marchés développés (Europe et US). Un ralentissement économique devient plus probable à mesure que les indices PMI se détériorent. Dans ce cadre, il faut privilégier une rotation des actions dont les valorisations sont onéreuses vers des actions décotées mais bénéficiant de fondamentaux et de perspectives de croissance raisonnables. En privilégiant les marchés émergents et notamment la Chine compte tenu des valorisations attractives et d’une accélération attendue de la croissance.

Certaines entreprises pourraient subir des pressions sur les marges car les augmentations de prix devraient rester limitées dans un environnement de demande plus faible alors que les augmentations des coûts fixes restent élevées. Dans ce cadre, le secteur du luxe reste privilégié.

La prudence reste de mise en ce qui concerne le risque de crédit, en particulier pour les entreprises à fort effet de levier, le risque de stabilité financière se traduisant par une offre de crédit plus restrictive. Il faut rester très prudents à l'égard du secteur immobilier surendetté. Seules les obligations de duration courte (limite de maturité 5 ans) permettent d’offrir un couple rendement / risque attractif avec un portage confortable.

Il convient de surveiller activement l’assèchement potentiel de liquidité sur le marché, les banques centrales réduisant leurs bilans, et les volumes d'émission attendus du Trésor américain devant être absorbés dans les mois à venir.

Le risque d'une erreur de politique monétaire a augmenté. En effet, le système financier et l'économie sont vulnérables. Les banques centrales doivent par ailleurs trouver un équilibre entre l'objectif de stabilité des prix et la stabilité des marchés financiers dans le contexte d'une transmission accélérée de la politique monétaire. Il faut rajouter de la duration dans les portefeuilles. Il faudrait favoriser la dette allemande et américaine de maturité 5-7 ans. Il est trop tôt pour jouer la repentification des courbes de taux.

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