Cut me if you can

Maxime Alimi, SILEX

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La Fed devrait traîner des pieds à l’idée de baisser les taux au-delà de juillet.

© Keystone

Chevaliers blancs

Avec les risques macroéconomiques qui ont refait surface en mai et la correction de marchés qui s'en est suivie, les banques centrales n'ont pas tardé à réagir. Elles ont évoqué un assouplissement significatif de leur politique dans les semaines ou les mois à venir, confirmant ainsi que nous vivons le plus grand put de politique économique de l'histoire.

Baisse «préventive»

Pour autant, la situation économique mondiale n’est pas alarmante. Elle est partagée entre secteurs orientés vers l'exportation qui ont du mal face aux incertitudes liées au commerce, et activités domestiques qui continuent de bénéficier de la reprise. Mais les banques centrales sont devenues à ce point activistes qu’elles ont déjà entériné des mesures de baisse «préventive». Ce concept est emprunté aux années 1990 lorsque le gouverneur de la Fed, M. Greenspan, avait réduit les taux d'intérêt. L'héritage de Greenspan de retour en vogue est révélateur de l'ampleur du changement d’état d’esprit.

Coincée

Le Président Trump a pris la Fed a contrepied en arrivant au G20 avec un agenda conciliant. La banque centrale s’est retrouvée coincée par son engagement à soutenir l'économie et des marchés qui anticipaient déjà des décisions majeures. La Fed ne prendra donc pas le risque de faire marche arrière et semble prête à couper lors de sa réunion de juillet. Mais nous préférons cependant nous positionner sur une déception du marché, à savoir une baisse des taux ce mois-ci et aucun engagement ferme au-delà. La Fed devrait maintenir son biais d'assouplissement mais rappeler qu'elle reste essentiellement dépendante des données économiques.

La différence de rendement espérés
entre actions et obligations s'est réduite.

Baisse de «crédibilité»

Alors que la Fed pourrait traîner les pieds, Mario Draghi a proposé de nouvelles mesures avec enthousiasme à Sintra. Le niveau des anticipations d'inflation de marché explique en grande partie cette évolution: le marché s'attend à ce que l'inflation en zone euro n’atteigne jamais 2% dans les dix prochaines années. Appelons ça une baisse de «crédibilité». M. Draghi a lui aussi coincé ses collègues du Conseil des Gouverneurs, qui n'ont désormais guère d'autre choix que d'approuver un paquet de mesures qui pourrait être annoncé en septembre. Nous prévoyons une baisse de 10pdb du taux de dépôt à -0,5%. Un nouveau cycle de QE devrait également être lancé, au cours duquel les obligations d'entreprises pourraient occuper une place prépondérante.

Par-delà le Bien et le Mal

Alors que les mauvaises nouvelles avaient fait baisser les prix d’actifs en mai, le virage des banques centrales a conduit les marchés à un régime de «mauvaise nouvelle = bonne nouvelle». Les mauvais chiffres économiques ont été bien accueillis car confirmant que la politique monétaire viendrait à la rescousse. Conformément aux épisodes récents, la marée du QE a favorisé un marché haussier sur toutes les classes d'actifs. La corrélation entre obligations et actions est passée de fortement négative en fin d'année dernière à zéro actuellement. Ce phénomène ne dure généralement pas très longtemps.

Ça se resserre

La différence de rendement espérés entre actions et obligations s'est réduite. Les rendements attendus sur les actions ont chuté à 3%. Cela reflète la hausse des niveaux de valorisations ainsi que la baisse des bénéfices, liée à la fois au ralentissement de la croissance des chiffres d'affaires et à la baisse des marges. Cette année, environ 90% de la performance du marché actions provient de l'expansion des multiples et seulement 10% de la croissance des bénéfices. Nous avons dès lors ramené l’allocation actions à neutre. Pourquoi ne pas réduire davantage? La dynamique de court terme reste solide et le positionnement des investisseurs sur les actions reste relativement léger. De plus, le niveau symbolique de 3 000 pour le S&P 500 est proche et aimante le marché.

Le risque baissier est limité à la fois dans la composante
duration et crédit par les stocks et les flux de la BCE.

Aimer les taux négatifs

Le revirement des banques centrales a conduit à un ajustement de nos anticipations de rendements obligataires, qui se sont paradoxalement améliorés. Nous avons désormais des rendements espérés légèrement positifs sur les obligations d'État. Aux Etats-Unis, le positionnement sur la duration est très fort et pourrait donner lieu à un rebond des taux. Ce risque semble plus limité en Europe où le Bund allemand présente à la fois peu d’offre et une forte demande, surtout en cas de retour de la BCE sur le marché.

Donner crédit

Le crédit européen offre le meilleur ratio de Sharpe de notre univers. Selon nos indicateurs, le spread actuel offert par les titres investment grade en euro est faible mais toujours supérieur à celui qu'il affichait au pic du programme d'achats de la BCE début 2018. Nous voyons donc une marge de resserrement supplémentaire, même si le marché a déjà anticipé la BCE de façon remarquable. En outre, le risque baissier est limité à la fois dans la composante duration et crédit par les stocks et les flux de la BCE.

Neutre pour l'instant

Dans l'ensemble, notre allocation est à la fois neutre sur les obligations et les actions, mais avec toujours un fort biais en faveur du portage sur le crédit et la dette émergente. Nous gardons l’idée de réduire encore l'exposition actions à mesure que le momentum s'essouffle. Les décisions des banques centrales à la fin du mois de juillet seront cruciales dans la réalisation de ce scénario.

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