COVID-19: les tensions commerciales resurgissent

James Mazeau, UBS Global Wealth Management

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Ces deux dernières semaines, les marchés d'actions ont achevé en baisse en raison de la résurgence des tensions commerciales entre les USA et la Chine.

© Keystone

Illustration de cette recrudescence des tensions: le secrétaire d'Etat, Mike Pompeo, a déclaré qu'il existait «des preuves substantielles» que le COVID-19 était né dans un laboratoire de Wuhan, une accusation réfutée par la Chine. Ou encore, le 30 avril, Donald Trump a brandi la menace de nouveaux droits de douane à l'encontre de ce même pays, ajoutant que la responsabilité de Pékin dans la propagation du virus l'emportait désormais sur l'accord commercial conclu en janvier. Des risques politiques vont-ils réapparaître dans le sillage de la crise du COVID-19?

Quels risques politiques se profilent à l'horizon?

Les pandémies ont tendance à accentuer la défiance à l'égard des étrangers et des minorités. Le différend politique grandissant entre les États-Unis et la Chine au sujet de l'origine et de la propagation du nouveau coronavirus le montre bien. Tout cela devrait se traduire par un regain de protectionnisme, qui pourrait bien amener les gouvernements à favoriser et à soutenir de nouveaux leurs «champions» nationaux par le biais de subventions ou de droits de douane sur les importations concurrentes. Cela concerne tout particulièrement les producteurs de biens jugés essentiels à la santé publique, à la sécurité nationale ou à la prospérité de l'économie intérieure.

Le traçage numérique associé à la découverte de traitements
efficaces faciliteront l'endiguement de l'épidémie.

La crise du coronavirus met également en évidence la nécessité de disposer de chaînes d'approvisionnement solides – encore plus avec le regain de tensions commerciales sino-américaines – et pourrait inciter de nombreuses entreprises à privilégier désormais une production locale, et non plus internationalisée. Selon la Recherche d’UBS, cette tendance créera des opportunités dans l'automatisation et la robotique si les entreprises des pays à hauts salaires investissent dans la relocalisation des chaînes d'approvisionnement.

La menace d'une deuxième vague épidémique est-elle réelle?

Le niveau des indices boursiers reflète désormais une issue à mi-chemin entre les scénarios central et optimiste de la Recherche d’UBS. Ces deux analyses envisagent une poursuite de l'assouplissement des mesures de confinement dans les semaines à venir. Toutefois, le scénario central escompte que certaines restrictions seront rétablies ponctuellement jusqu'en fin d'année pour enrayer un rebond des cas de COVID-19, retardant d'autant la normalisation durable de l'activité économique. Par exemple, l'Allemagne et l'Espagne ont prévenu que les mesures de restrictions seraient rétablies si le nombre de nouveaux cas repartait à la hausse.

Dans le scénario optimiste, le traçage numérique associé à la découverte de traitements efficaces faciliteront l'endiguement de l'épidémie. Dans ces conditions, les mesures de confinement seront levées vers la fin juin et leur rétablissement ne sera pas nécessaire. Il subsiste manifestement une incertitude considérable quant à la survenance d'une deuxième vague qui obligerait les pouvoirs publics à confiner de nouveau la population.

Dans cet environnement, de meilleures opportunités sont actuellement décelées parmi les obligations, car leur valorisation reflète davantage que les actions le scénario pessimiste de la Recherche d’UBS. Pour ces dernières, la marge d'erreur est plus faible. S'agissant des actions, la sélectivité reste de mise. Il est donc recommandé de privilégier les titres cycliques, les valeurs défensives stables et les entreprises susceptibles de surfer sur des tendances séculaires qui, pour bon nombre d'entre elles, s'accélèreront suite à la pandémie de COVID-19.

Quel sera l’impact du COVID-19 sur le comportement des consommateurs?

A court terme, les mesures de confinement ont un effet négatif indéniable sur la consommation. L'efficacité des mesures visant à atténuer l'impact immédiat sur l'emploi sera déterminante. Plus il y aura de travailleurs mis simplement au chômage technique et non licenciés, plus le rebond de la consommation sera net lorsque le confinement se relâchera et que la demande refoulée pourra s'exprimer.

La crise du COVID-19 risque de modifier durablement le comportement
des consommateurs et il faut en tenir compte.

On observe de premiers signes encourageants. Dans les cinq principales économies d'Europe, 30 millions de salariés bénéficient désormais d'un dispositif de chômage technique financé en grande partie par l'Etat, ce qui facilitera leur retour à l'emploi.

Néanmoins, à plus long terme, la crise du COVID-19 risque de modifier durablement le comportement des consommateurs et il faut en tenir compte. Une fois la crise dissipée, il est possible que les consommateurs ayant pris goût aux achats en ligne pendant le confinement ne reviennent pas totalement vers les magasins physiques, ce qui profitera aux entreprises spécialisées dans le commerce électronique et les technologies financières.

L'émergence de l'«économie du partage» a été l'une des tendances phares de ces dernières décennies. Le COVID-19 a changé la donne et nul ne sait combien de temps il faudra pour que la défiance des consommateurs et des pouvoirs publics à l'égard de cette économie s'atténue. Pour les investisseurs, l'incertitude considérable qui entoure cette tendance (et la manière dont elle pourrait se répercuter sur les différents secteurs) souligne l'importance de se diversifier entre secteurs et entre entreprises.

Des perspectives favorables pour les valeurs technologiques?

Sur un horizon tactique de six à douze mois, la Recherche d’UBS, sous-pondère actuellement les valeurs technologiques américaines car elles semblent surévaluées. De plus, une sous-estimation du marché concernant l'impact de la pandémie sur les dépenses informatiques des entreprises est redoutée. Par ailleurs, la sélectivité est de mise à l'égard des actions, étant donné le rebond significatif des indices globaux depuis leurs creux du mois de mars.

La pandémie accélérera certainement la tendance à la transformation digitale et certains pans du secteur technologique en bénéficieront. Le commerce électronique, les technologies financières, l'automatisation et la robotique sont parmi les segments susceptibles de profiter d'un changement de comportement des consommateurs et de la relocalisation. Dans le secteur technologique, les facilitateurs et les «disrupteurs» associés à la transformation numérique devraient également en bénéficier, notamment les entreprises exposées à des tendances telles que le cloud, la 5G, le big data et l'intelligence artificielle.

Par «crise», il faut entendre une situation où les investisseurs rechigneraient
à acheter les nouveaux bons du Trésor à un taux d'intérêt raisonnable.
Les investisseurs doivent-ils redouter une crise de la dette aux Etats-Unis?

Selon la Recherche d’UBS, les baisses d'impôts conjuguées à l'augmentation des dépenses avaient déjà mis les finances publiques américaines sur une trajectoire intenable bien avant la crise sanitaire du COVID-19. La sévère récession économique engendrée par la pandémie et les plans de relance budgétaire colossaux adoptés pour l'atténuer ont considérablement aggravé les perspectives.

Cette année, un déficit budgétaire fédéral supérieur à 20% du PIB est attendu, un niveau jusqu'ici inconcevable en temps de paix. On ne saurait suivre ceux qui pensent que «les déficits n'ont aucune importance». Néanmoins, une crise de la dette reste certainement improbable. Par «crise», il faut entendre une situation où les investisseurs rechigneraient à acheter les nouveaux bons du Trésor à un taux d'intérêt raisonnable.

Toutefois, une hausse des impôts semble inévitable à terme. La Réserve fédérale américaine pourrait donner un coup de pouce en maintenant durablement une politique monétaire laxiste. Par ailleurs, un léger regain d'inflation qui permettra de réduire le ratio dette nominale/PIB est probable.

Dans ce contexte, les investisseurs devront rechercher d'autres instruments de diversification que les liquidités et les obligations. La planification financière revêtira également une importance accrue pour parer à l'augmentation de la pression fiscale. Les actifs qui permettent de se couvrir contre un regain d'inflation auront un rôle important à jouer.

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