COVID-19: implications additionnelles pour les classes d'actifs

James Mazeau, UBS Global Wealth Management

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Historiquement, lorsque les écarts de crédit étaient aussi larges, les investisseurs ont ultérieurement bénéficié de rendements attrayants.

© Keystone

Les cours des actions sont toujours proches du niveau du scénario central de la Recherche d’UBS. Mais les actualités de la semaine dernière ont souligné l'incertitude entourant la réalisation de son scénario haussier.

Les raisons de cette inquiétude tiennent aux nouvelles décevantes quant à un éventuel traitement médicamenteux, tandis que l'optimisme lié aux plans de réouverture des économies est mitigé par les craintes d'une deuxième vague d'infections. Par ailleurs, les prix du pétrole ont chuté en territoire négatif pour la première fois de l'histoire, en raison du manque de capacités de stockage. Point de situation sur les implications de la chute des prix du pétrole pour d’autres actifs à risque, ainsi que sur d’autres thèmes d’actualité.

L'effondrement des prix du pétrole: effet domino?

Les entreprises énergétiques représentent environ 15% des émissions sur le marché américain du haut rendement (high yield, HY), et 10% sur le marché américain investment grade (IG), de sorte que la faiblesse des cours du pétrole accroît effectivement le risque de défaillance. Cela dit, les écarts de crédit (spreads) des sociétés énergétiques au sein du HY américain impliquent déjà des taux de défaillance de l'ordre de 40 à 50%.

Les titres énergétiques pèsent peu dans l'indice et les valorisations
du secteur commencent à intégrer les scénarios pessimistes.

Comme les sociétés énergétiques de l’univers IG américain tendent à être de grande taille et à présenter des bilans solides, des hausses notables de défaillance dans ce segment ne sont à l’heure actuelle guère à craindre. Le crédit US HY et US IG peut donc toujours être considéré comme attrayant.

Un peu plus du tiers des émissions d'obligations souveraines émergentes libellées en USD proviennent de pays qui dépendent des exportations énergétiques. Or, les principaux exportateurs d'énergie sont des émetteurs financièrement résistants et conservent un accès facile au crédit. C’est pourquoi la Recherche d’UBS continue de préconiser les obligations souveraines des marchés émergeants.

Parmi les actions, les titres énergétiques pèsent peu dans l'indice et les valorisations du secteur commencent à intégrer les scénarios pessimistes. Au sein du S&P 500, le secteur de l'énergie se négocie d’ailleurs à un rabais de 70% (rapport cours/valeur comptable) par rapport à l'ensemble de l'indice.

Enfin, si le marché pétrolier est fortement surapprovisionné ce trimestre, un rééquilibrage est attendu par la suite. Au 4e trimestre, la demande redépassera certainement l'offre, à mesure que les restrictions de voyage seront assouplies et que la demande de pétrole repartira. Le Brent devrait remonter à 43 USD/baril avant la fin de l'année.

Quel rôle pour l'or quand tournent les planches à billets?

L'or a bénéficié des politiques monétaires extrêmement expansionnistes, ce qui lui a permis de conserver sa valeur pendant la crise pandémique. Après cette dernière, les mesures de soutien d'urgence prendront fin, mais les dépenses budgétaires resteront élevées, bien au-delà de 2020. Il y aura des différences dans la façon dont les gouvernements financeront leurs dettes, mais dans l'ensemble, une répression financière soutenue, des impôts plus élevés et une inflation un peu plus forte sont à prévoir.

L'expérience de la dernière décennie a montré qu'il n'est pas simple de stimuler l'inflation. Les gouvernements n’essaieront probablement pas de rogner leur dette par ce biais. En effet, une grande partie des dépenses publiques étant directement liées à l'inflation, celle-ci accentue les déficits.

Les gouvernements pourraient bien se remettre à développer
ou à favoriser des «champions» nationaux, par le biais de subventions.

Cela dit, étant donné le risque que la monétisation potentielle de la dette stimule l'inflation, l'or et les titres tels que les bons du Trésor américain indexés sur l'inflation (TIPS) peuvent aider à protéger contre l'inflation. Les rendements obligataires de haute qualité restant faibles en raison de la répression financière, la protection à la baisse fournie par les obligations nominales renchérira. L'or et les TIPS peuvent également servir d’alternative de diversification.

Les tensions commerciales sino-américaines perdureront-elles?

La crise du COVID-19 a mis en sourdine la plupart des autres problématiques. Mais les pandémies ont souvent pour corollaire d'attiser la méfiance envers les étrangers et les minorités. A preuve, les controverses du moment sur la cause et le nom de la pandémie actuelle. Les tensions internationales pourraient redoubler si les restrictions sur les voyages persistent, et si les interdictions d'exportation et les saisies de matériel médical se poursuivent.

Tout cela pourrait se traduire par une flambée de protectionnisme. Les gouvernements pourraient bien se remettre à développer ou à favoriser des «champions» nationaux, par le biais de subventions ou de taxes sur les importations concurrentes. Cela concerne tout particulièrement les producteurs de biens jugés essentiels à la santé publique, à la sécurité nationale ou à la stabilité de l'économie.

Même s'il n'y a pas de regain du protectionnisme, la crise du coronavirus met en évidence l'importance de chaînes d'approvisionnement robustes. Par ailleurs, après les tensions commerciales entre les Etats-Unis et la Chine l'an passé, de nombreuses entreprises pourraient préférer la fabrication locale à l'internationalisation. Cette tendance ouvrira certainement des opportunités dans l'automatisation et la robotique, si les entreprises des pays à hauts salaires investissent dans la relocalisation des chaînes d'approvisionnement.

Quelles perspectives pour le dollar?

Le dollar américain (USD) s'est raffermi lorsque la crise du coronavirus a commencé à s'aggraver. En effet, l'augmentation de la demande de liquidités en USD a créé une menace de pénurie. La Réserve fédérale (Fed) a pris des mesures pour atténuer les problèmes de financement et de liquidités. Une dépréciation du dollar est donc attendue à mesure que les mesures de confinement s'assoupliront. La Fed demeurant accommodante, les écarts de taux d'intérêt devraient rester modérés et n'inciteront pas à acheter des USD.

Le comportement des entreprises est devenu plus favorable
aux détenteurs d'obligations et les valorisations restent intéressantes.

A mesure que l'économie mondiale se redresse, cela devrait favoriser les monnaies axées sur les exportations (comme l'euro) par rapport au billet vert. Le scénario central de la Recherche d’UBS prévoit une baisse du dollar US, avec un EURUSD à 1,13 et un GBPUSD à 1,33. En termes de stratégie de change, il faudrait préférer la livre britannique (GBP) au dollar américain.

A bien plus long terme, le dollar pourrait de nouveau s'apprécier lorsque les politiques des banques centrales redeviendront moins accommodantes. Ces dernières années, l'économie américaine s'est montrée plus dynamique que la zone euro. A un moment donné, la Fed devrait être en mesure d'opérer un resserrement avant la Banque centrale européenne.

Le crédit américain investment grade (IG): encore intéressant?

L'écart sur le crédit américain IG s'est rétréci, passant d'un pic d'environ 380 points de base (pb) en mars à un peu plus de 200 pb aujourd'hui. Néanmoins, cette classe d'actifs reste attrayante. Le scénario central de la Recherche d’UBS, avec une normalisation durable de l'économie d'ici décembre, table sur un resserrement des écarts de l'IG américain à 150 pb. Dans son scénario haussier, les écarts pourraient même terminer l'année autour de 100 pb.

Même avec des écarts réduits, le comportement des entreprises est devenu plus favorable aux détenteurs d'obligations et les valorisations restent intéressantes. Les obligations IG sont bien soutenues par la Fed, dont le programme d’aide d'urgence fait la part belle aux rachats d'obligations de haute qualité.

Historiquement, lorsque les écarts de crédit étaient aussi larges qu'aujourd'hui, les investisseurs ont ultérieurement bénéficié de rendements attrayants. Depuis 1988, on a connu 37 mois d'écarts autour de 200 pb. Les rendements totaux sur les six mois suivants étaient positifs dans 73% des cas, avec une médiane de 4,4%.