Comment investir dans l’art contemporain

Salima Barragan

3 minutes de lecture

Partie 2. L’indice Artprice 100 affiche une progression de 16% pour le premier semestre.

Dustheads par Jean-Michel Basquiat (vente de Christie's à New York en 2013) ©Keystone

Pour le néophyte, investir dans l’art est une entreprise périlleuse. Dans cette série, Allnews s’intéresse au marché de l’art contemporain en tant que classe d’actifs alternatifs et, dans cette seconde partie, livre quelques clefs pour débuter ses investissements…même sans le budget d’un milliardaire.

Artprice, le benchmark de référence

Comme le monde de la finance, celui de l’art dispose également de ses propres indices calculés par Artprice, le leader mondial des cotations dans l’art. Son indice principal, le Artprice Global Index (calculé selon la méthode des ventes répétées), affiche une progression de 5% sur le premier semestre contrastant avec des rendements obligataires réduits à néant. Le rendement moyen des œuvres d’art se situerait entre 10% à 12% par an selon les segments de marché. 

L’Artprice 100 a été spécialement conçu
à l’attention des financiers.

Dernier né des indices, l’Artprice 100 a été spécialement conçu à l’attention des financiers. Il est composé des 100 valeurs jugées les plus stables et exclue donc les artistes les plus volatiles. Sur le premier semestre, l’indice affiche une belle progression de 16%.

Son site internet, qui permet aux experts de la branche de suivre, de comprendre et d’analyser le marché de l’art dans sa globalité, répertorie les cotes individuelles de plus de 717'000 artistes d’époques différentes. Il publie également des news et l’agenda des foires et des ventes aux enchères. 

En revanche, ses benchmarks ne tiennent pas compte des ventes du marché primaire (c’est-à-dire les ventes des marchands, courtiers, galeristes, privés, et artistes vivants), soit plus de la moitié des échanges totaux. Mais les cotations des artistes peu spéculatifs de ce marché de gré-à-gré figurent dans la base de données du site. «Les artistes qui se vendent sur le marché primaire, et dont la cote monte, seront dans les salles de ventes du second marché dans 15 ans», souligne François Chabanian, CEO de Bel-Air Fine Art.

Acheter des oeuvres sur le marché primaire

Pour satisfaire toutes les bourses, les galeries d’art sont segmentées en fonction des différents budgets. «Pour 90% des collectionneurs, c’est l’achat de l’émotion qui fait vibrer», estime François Chabanian. Mais à côté du coup de cœur, l’investisseur avisé s’intéressera aux critères d’analyse comme l’étude de la cote et la qualité de la galerie qui soutient l’artiste. On s’informe. «Il faut visiter les foires, regarder les magazines et les comptes Instagram. Derrière chaque grand artiste, il y a un marchand. Établir une relation de confiance avec son galeriste est essentiel», explique François Chabanian. D'ailleurs, le rapport d’Art Basel et UBS constate aussi que l’asymétrie d’information et le manque de transparence du marché primaire reste le risque structurel le plus important.

«Il faut compter cinq ans pour un retour
sur investissement car ce marché est très codifié.»

Selon François Chabanian, certains artistes vivants voient leur cote se majorer de 8 à 10% par année alors que d’autres, également vivants, ont réussi à doubler leur taux de popularité en l’espace de deux à trois ans. « Alec Monopoly a 1 million de suiveurs par tableau sur son compte Instagram. Cet artiste de réseaux sociaux de 32 ans est déjà multimillionnaire. Pour chacune de ses toiles, il y a au moins dix acheteurs potentiels ». Mais le marché de l’art reste un marché à long terme. «Il faut compter cinq ans pour un retour sur investissement car ce marché est très codifié. Le processus de valorisation prend du temps, mais il est durable», relève François Chabanian.  De son côté, le benchmark Artprice indique un rendement annuel moyen de 4,6%, pour une durée moyenne de détention de 13 ans.

Diversifier son portefeuille d’œuvres d’art

Depuis 4 ans, pas une année ne s’écoule sans une vente record en-dessus de 100 millions de dollars pour des artistes spéculatifs comme Picasso, Giacometti ou Basquiat. Bien que les experts s’attendent à une augmentation des montants records des échanges, «la tendance des prix demeure aussi volatile que sur les autres marchés financiers et le monde de l’art est aussi soumis à des cycles», souligne Michael Welti, directeur de la succursale de Reyl & Cie, à Zurich. A titre d’exemple, la cote de l’artiste britannique Damien Hirst, avait perdu 32% entre 2000 et 2002 suite à une controverse sur son travail, alors que celle de Jean-Michel Basquiat, avait gagné 52% durant la même période. D’où l’intérêt de diversifier ses investissements en art, pour se parer contre un risque de baisse… voir de bulle sur les artiste les mieux valorisés.

Bien que structuré et professionnalisé, le marché de l’art reste moins réglementé que ceux des actifs financiers. Aussi, le risque de liquidité y est bien présent car les œuvres à la vente ne trouvent pas systématiquement acquéreurs. D’ailleurs, le taux de lots invendus des maisons de ventes est un excellent indicateur de tendance des mouvements artistiques, de la popularité des artistes ou des segments de marché. Par exemple, lors de la période sombre de Damian Hirst, son taux d'invendus avait également explosé. Pour le premier semestre 2019, le taux de lots invendus (tous mouvements artistiques confondus) des pièces entre 10 et 100 millions de dollars US est en chute libre.

Des sociétés d’investissement comme Anthea Art Investment
ont ouvert des fonds de droit luxembourgeois dédiés à l’art contemporain.

Notons enfin que les œuvres d’art sont en général faiblement corrélées aux autres actifs…en l’absence de période de stress mondial comme lors de la grande crise financière, où les estimations étaient revues à la baisse et les lots invendus s’accumulaient.

Investir dans l’art via des produits financiers

L’offre en fonds de placement reste encore rare, mais certaines sociétés d’investissement comme Anthea Art Investment ont ouvert des fonds de droit luxembourgeois dédiés à l’art contemporain. A noter, la liquidité est annuelle. Les sociétés de gestion se spécialisant dans ces actifs alternatifs font appel aux professionnels de la branche pour composer leur portefeuille: «Nous sommes sollicités pour monter des fonds d’investissement avec des encours de 10 à 100 millions et un retour sur investissement de 6% à 8%», explique François Chabanian. Ces fonds d’investissement mettent les œuvres à disposition des galeries ou alors les revendent aux enchères.

Une autre solution consiste à investir dans des titres à revenus fixes dont les actifs sous-jacents sont des œuvres d’art. Ces activités des prêts d’œuvres d’art font leur début en Europe. «Griffin Art Partners est une plate-forme qui permet aux collectionneurs de contracter des prêts et aux investisseurs d’acheter des obligations adossées à des œuvres d’art», explique Michael Welti. Les grands collectionneurs et les galeries d’art peuvent accéder à des liquidités sans céder les œuvres alors que pour les investisseurs, le potentiel de revenu est particulièrement attractif dans un univers de taux d’intérêt bas voir négatifs: «Les coupons trimestriels ou semestriels versés aux investisseurs se situent entre 5 et 10% de rendement annuel, et nous avons constaté un intérêt pour ces produits», souligne Michael Welti.

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