Cap maintenu, vitesse réduite, nombreux écueils

Bruno Cavalier, ODDO BHF

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L’année 2018 se termine à l’opposé d’où elle avait commencé. A l’instar du sentiment général des investisseurs et du momentum du cycle global.

Optimisme/pessimisme, risk-on/risk-off, surprises positives/négatives, accélération/ralentissement de l’économie mondiale, tels sont les grands mouvements pendulaires entre le début et la fin de 2018. Il est permis de penser qu’il y a une part d’exagération à ces deux extrémités. Avec des attentes trop hautes en début d’année, il y avait un risque que la déception soit au rendez-vous. C’est le cas. Pour autant, l’économie mondiale n’est pas à l’arrêt, loin s’en faut. Elle est en transition d’une situation où la croissance dépassait sa tendance post-crise (un peu au-dessus de 3,5%) à une situation où elle évolue sous cette tendance. En 2018, le rythme de croissance global sera d’environ 3,7%, identique à la moyenne de 2017. 

Pour éclairer la suite, il est utile de retenir les points saillants de l’année écoulée. Deux changements importants sont notables. Le premier concerne les conditions monétaires. C’est la première fois depuis dix ans que la politique de la Fed a cessé d’être franchement stimulante – avec le risque, si l’on prolonge la tendance récente des hausses de taux, qu’elle devienne restrictive. C’est la première fois aussi depuis la crise financière que le portefeuille d’actifs des banques centrales s’est réduit, modestement il est vrai. A cela se sont ajoutées – et ce n’était pas du tout prévu – des crises de change dans plusieurs pays émergents, poussant à durcir violemment les politiques monétaires. 

Le resserrement monétaire est graduel, bien télégraphié aux marchés,
et modeste au regard des standards passés.

Selon une expression fameuse, les banques centrales étaient «the only game in town» après la crise financière, contribuant à écraser les courbes de taux et à créer les conditions de la reprise (quitte à encourager une hausse de l’endettement, notamment chez les entreprises). Si leur soutien venait à disparaître, les rythmes d’activité futurs risqueraient d’en pâtir. Cela dit, sauf situation d’urgence, le resserrement monétaire est graduel, bien télégraphié aux marchés, et modeste au regard des standards passés. Ces caractéristiques vont perdurer.

Le second bouleversement concerne les relations commerciales internationales. Pendant des décennies, l’hypothèse de base était que tout le monde trouvait intérêt à la fluidité des échanges de biens et de services, dans le cadre de règles discutées et admises collectivement. La conséquence a été une extension des chaînes de production au-delà des frontières nationales. Or cette hypothèse est désormais directement remise en question. 

Nous évitons en général de personnaliser les questions économiques, car l’activité et les échanges sont le fruit de millions d’interactions entre agents privés, non de la décision d’un président, Premier ministre ou chancelier. Dans le cas présent, il faut bien convenir toutefois qu’il y a un responsable, le président américain Donald Trump. Il s’est trouvé un nom de super-héros, Tariff Man, et cela dit presque tout. Dans le champ économique, toute son action durant sa deuxième année de mandat aura consisté à perturber le commerce mondial. Les moyens employés étaient variés: instituer des droits de douane sur certains produits, secteurs ou pays; remettre en cause des traités de libre-échange (NAFTA) ou organismes internationaux (WTO); obliger les autres pays à respecter les sanctions décidées par les États-Unis (Iran); et, last but not least, attaquer de front le grand rival chinois. 

Certaines de ces actions sont peut-être fondées mais elles ont été menées de façon si erratique qu’il en a résulté une hausse continue de l’incertitude de politique économique. Le bilan de cette politique commerciale reste à faire. Aucun bénéfice n’en ressort mais, à l’inverse, l’impact négatif sur certains flux de commerce, par exemple dans les échanges US-Chine, n’a pas – ou pas encore – une dimension macro-économique. Reste qu’il est compliqué de faire des paris sur l’avenir quand, d’un jour à l’autre, la menace d’une offensive tarifaire peut se muer en trêve, et vice versa. Il est peu probable, pensons-nous, que cette incertitude disparaisse en 2019. 

Nous prévoyons une modération de la croissance mondiale à 3,3% en 2019.

La balance des risques sur l’activité pointe vers le bas. Nous prévoyons une modération de la croissance mondiale à 3,3% en 2019, ce qui est loin d’être sa vitesse de calage (plutôt vers 2,5%). La thèse du plateau avancée par le FMI ne nous convainc pas car elle supposerait que les risques évoqués plus haut s’évanouissent d’un coup. A l’inverse, le risque d’un affaissement brutal reste modéré. Nous ne décernons pas les signes avant-coureurs de récession aux États-Unis, mais cette question ne peut que gagner en intensité en 2019 à mesure que la courbe des taux va continuer de s’aplatir. Une récession avec des taux réels à peine positifs et un prix du pétrole sur le déclin serait une chose tout à fait inédite. Un retour progressif vers un rythme potentiel à 2% est le scénario privilégié d’ici 2020. 

La Chine ne pratique pas de relance à l’ancienne, en ouvrant largement les vannes du crédit pour financer des infrastructures inutiles. C’est raisonnable. Les autorités ont les moyens d’assouplir le policy-mix de manière plus ciblée pour éviter que le freinage soit trop violent. L’Europe est, de loin, la principale déception de 2018, la croissance freinant à 1,9% contre 2,5% en 2017. La demande extérieure a lourdement fléchi mais, point rassurant, la demande intérieure a bien tenu. De plus, la zone euro a subi tout au long de l’année une série inédite de chocs locaux, a priori transitoires. Une fois le brouillard levé, et compte tenu d’un policy-mix stimulant, la croissance devrait se stabiliser à un rythme correct (1,8% en 2019).

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