Brexit Roulette

Bruno Cavalier, ODDO BHF

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Trois manières d’éviter un No-deal: révoquer le Brexit, avoir un deal Brexit ou remettre totalement à plat la situation politique, et donc éjecter May.

©Keystone

Résumé des épisodes précédents: La semaine passée a été catastrophique pour notre héroïne, Theresa May. Elle est parvenue à se rendre encore plus impopulaire – ce n’est pas un mince exploit – simultanément auprès des dirigeants européens, des députés de la Chambre des Communes et de la plupart des membres de son parti ou de son gouvernement. En dépit des avis contraires qui lui avaient été donnés, elle s’est en effet évertuée à réclamer aux dirigeants de l’Union européenne une extension de l’article 50 jusqu’au 30 juin. Elle a obtenu un délai qui, selon le cas, peut aller jusqu’au 12 avril ou jusqu’au 22 mai (voir infra). Dans une allocution télévisée à la nation, elle a ensuite rejeté sur la Chambre l’entière responsabilité de l’impasse actuelle. Enfin, tout le week-end, il n’a été question que de rumeurs d’un «coup» en préparation en vue de placer un autre responsable Tory à la tête du gouvernement. Les comploteurs sont toutefois divisés sur le choix du successeur. Une nouvelle semaine décisive commence dans la saga du Brexit. Il est recommandé de n’en rater aucun rebondissement.

Récapitulatif de la saga du Brexit

 
Quelles sont les trois options «envisageables»
afin d’éviter un «no-deal Brexit»?

Depuis le sommet de l’Union européenne la semaine dernière, la date du Brexit Day, fixée initialement au 29 mars 2019, n’est plus une limite absolue pour éviter un «no-deal Brexit» mais le chemin reste tout aussi tortueux et semé d’embûches. Il y a trois possibilités pour arriver à ce résultat.

La première manière d’éviter un «no-deal Brexit» est simplement qu’il n’y ait pas de Brexit du tout, ce qui implique de révoquer la décision de sortie de l’Union européenne. En décembre dernier, la Cour de justice de l’Union a reconnu au Royaume-Uni un droit souverain en ce domaine. Il peut de manière unilatérale révoquer l’article 50 tant qu’un accord de retrait n’a pas été signé ou que le délai de négociation n’est pas épuisé. La révocation doit être décidée de bonne foi à l’issue d’un processus démocratique. Cette condition est-elle remplie? Sans doute pas. La Chambre ne s’est pas prononcée sur ce point. Et ce n’est pas la large manifestation des Remainers ce week-end à Londres, ni la pétition en ligne1 demandant la révocation de l’article 50 qui peuvent tenir lieu de processus démocratique. Seul un vote populaire pourrait éventuellement trancher la question. A court terme, cette option n’est pas envisageable.

La deuxième manière d’éviter un «no-deal Brexit» est que Theresa May obtienne à sa troisième tentative une majorité à la Chambre sur l’accord de sortie, après avoir suivi deux échecs majeurs, d’abord par 230 voix, puis pas 149. Vu les règles du Parlement, il n’est pas certain qu’un tel vote puisse être organisé puisque le texte a déjà été rejeté. Toutefois, le Conseil de l’Union européenne a accepté la semaine dernière l’accord de Strasbourg du 11 mars qui donne des précisions sur l’interprétation juridique de l’accord de sortie et à la déclaration politique (ce n’était pas le cas lors du 2ème vote le 12 mars). Cela devrait rendre le vote possible, mais sans garantie sur son résultat. Si par miracle, le texte était adopté, l’Union européenne a accepté d’étendre l’article 50 jusqu’au 22 mai afin que le Parlement ait assez de temps pour voter les textes nécessaires à la mise en œuvre de l’accord. Si ce n’est pas le cas, on en arrive à la troisième option.

Un maintien du Royaume-Uni dans l’UE, s’il est vu comme transitoire,
causerait un imbroglio institutionnel.

La troisième manière d’éviter un «no-deal Brexit» est de remettre complètement à plat la situation politique, autrement dit explorer les pistes de nouvelles élections ou d’un nouveau référendum, toutes choses qui ne peuvent être faites avant le 22 mai. Pour obtenir une extension plus longue, le Royaume-Uni devrait organiser des élections pour le renouvellement du Parlement européen. Le gouvernement doit statuer sur ce point avant le 12 avril, date incompressible pour satisfaire à la loi électorale britannique. Organiser un tel scrutin dans un pays s’apprêtant à quitter l’Union serait évidemment assez cocasse. Les Brexiters lanceraient-ils un boycott de ce scrutin, ce qui serait somme toute assez logique? La campagne serait-elle une répétition du référendum de 2016 ou bien la préparation d’élections générales à venir? Quelle plateforme les conservateurs et les travaillistes défendraient-ils, à supposer que ces deux partis puissent maintenir leur unité dans un tel contexte? Nul n’a de référence, il va sans dire, pour répondre à ces questions totalement inédites. Un maintien du Royaume-Uni dans l’Union européenne, s’il est vu comme transitoire, causerait un imbroglio institutionnel. On peine à imaginer qu’un pays dans cette situation puisse interférer dans des décisions importantes qui ne sont pas censées le concerner à l’avenir (composition du nouveau Parlement, désignation de la future Commission, discussion sur le budget)? En tout état de cause, il faudrait ouvrir une nouvelle négociation pour décider si, comment, pourquoi, et sous quelles conditions une extension plus longue pourrait être envisagée.

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