Brexit: l’accord Johnson loin d’être indolore

AWP

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Même s’il évite un hard Brexit, l’accord pourrait s’avérer à court terme insuffisant pour «éviter au Royaume-Uni une récession technique», estiment des économistes d’Euler Hermes.

L’accord de Brexit décroché par le Premier ministre britannique Boris Johnson, accueilli avec soulagement par les milieux d’affaires mais dont l’adoption au Parlement reste hypothétique, limiterait les dégâts par rapport à une sortie brutale de l’UE mais n’en serait pas pour autant indolore.

Tout accord, aussi imparfait soit-il, est considéré par les représentants des entreprises comme meilleur qu’une sortie de l’Union européenne dès le 31 octobre avec un retour immédiat de barrières douanières et droits de douanes prohibitifs.

Si l’accord de Boris Johnson est adopté, l’économie bénéficiera d’un regain d’optimisme avec la levée des incertitudes, qui devrait doper les investissements, y compris étrangers, et la consommation.

A court terme, il pourrait toutefois s’avérer insuffisant pour «éviter au Royaume-Uni une récession technique», estiment dans une note des économistes d’Euler Hermes.

L’activité du Royaume-Uni a souffert d’une chute des investissements à cause de l’incertitude ayant accompagné plus de trois ans de négociations du Brexit. La croissance est atone et l’activité s’est même contractée au deuxième trimestre.

En outre, si l’accord est voté, la production manufacturière et les achats des entreprises seront dans un premier temps freinés par l’écoulement des stocks accumulés en prévision d’un possible «no deal», anticipe Euler Hermes.

A plus long terme, l’accord de Boris Johnson est «clairement pire (...) que celui qui avait été négocié par Theresa May», juge Jonathan Portes, du centre de réflexion The UK in a changing Europe, interrogé par l’AFP.

Pour ce centre de réflexion, qui se décrit comme non-partisan, la principale différence c’est qu’avec l’accord de Theresa May, après la période de transition, le Royaume-Uni restait dans l’union douanière avec l’UE.

Avec celui de Boris Johnson, il la quitte pour ne garder qu’un «accord de libre-échange limité».

Dans une analyse, The UK in a changing Europe pronostique donc que l’accord de Johnson pourrait faire «baisser le Produit intérieur brut par habitant du Royaume-Uni de 2,3% à 7%, comparé à s’il restait dans l’UE» sur une période de dix ans.

C’est proche des prévisions que le gouvernement britannique avait ébauchées lors d’un rapport il y a un an.

Dans le cas de l’accord de Theresa May, le centre de réflexion anticipait un recul plus modeste de 1,9% à 5,5%. Il prévoit un coup bien plus rude porté à l’activité en cas de «no deal» tout comme le rapport gouvernemental qui projette un PIB par habitant en baisse de 7,7% au moins.

Casse-tête fiscal

Le principal point d’achoppement de l’accord version Theresa May était le «filet de sécurité» («backstop»), une clause de sauvegarde qui gardait le Royaume-Uni dans une union douanière avec l’UE pour éviter le retour d’une frontière physique entre Irlande du nord et République d’Irlande.

Le nouvel accord l’élimine et l’Irlande du nord sort légalement de l’UE, mais reste liée à l’union douanière européenne.

Un casse-tête fiscal en perspective qui sera difficile à mettre en oeuvre.

l’Irlande du Nord restera sur le territoire douanier du Royaume-Uni, en vertu du protocole conclu. Si des produits en provenance de pays hors-UE entrent en Irlande du Nord et s’ils y restent, alors seront appliqués les droits de douane britanniques.

En revanche, si les marchandises (toujours en provenance de pays tiers) sont destinées à entrer dans l’UE via l’Irlande du Nord, les autorités britanniques appliqueront les droits de douanes de l’UE.

Les représentants des milieux d’affaires nord-irlandais ont d’ores et déjà réclamé des aides au gouvernement britannique pour les aider à supporter le coût de ces difficultés administratives.

Autre question sensible: la TVA. Pour protéger l’intégrité du marché unique européen, les règles de l’UE concernant la TVA sur les marchandises continueront de s’appliquer en Irlande du Nord.

Quoiqu’il en soit, les représentants des entreprises prennent l’accord avec prudence, sachant que son adoption au Parlement samedi reste très hypothétique, plusieurs formations politiques s’y opposant.

S’il est rejeté, le Premier ministre doit demander à Bruxelles un report du Brexit, d’après une loi adoptée en septembre. Cela prolongerait la chape d’incertitude sur l’économie, et garderait en présence le spectre d’un Brexit sans accord redouté.

Si l’accord est adopté, ce ne sera que le début du processus pour négocier un traité commercial entre le Royaume-Uni et l’UE: un probable nouveau chemin de croix.

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