BNS: le statu quo monétaire se poursuivra

Yves Hulmann

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Selon Oliver Adler, chef économiste de Credit Suisse, rien n’indique que la politique monétaire de la banque centrale ne soit trop expansionniste.

Pas de changement de cap en vue dans la politique monétaire de la Banque nationale suisse (BNS). Plusieurs raisons continueront d'inciter la banque centrale à maintenir le statu quo dans la conduite de sa politique monétaire, selon une analyse présentée mardi par Credit Suisse. Selon son dernier «Moniteur Suisse», le cours du franc, tout d’abord, reste surévalué à hauteur de 10% par rapport à l’euro. Ensuite, il n’y pas de signe qui indiquerait que la politique monétaire de la BNS soit «trop expansionniste» actuellement. Un resserrement de celle-ci serait d’autant moins approprié, étant donné que tout hausse des taux directeurs mise en place de manière autonome par la BNS causerait des «dommages considérables» à l’économie d’exportations et à l’économie dans son ensemble. 

Une sortie du régime actuelle des taux négatifs
n’est «pas une option sensée».

Dans ce contexte, une sortie du régime actuelle des taux négatifs n’est «pas une option sensée», aussi longtemps que les taux sur les marchés des capitaux internationaux ne remontent - et tant que la Banque centrale européenne, en particulier, ne relève pas non plus ses taux. Telle est en résumé l’analyse faite par la grande banque à propos de la politique monétaire actuelle de la BNS, comme l’a présentée mardi à Zurich Oliver Adler, chef économiste de Credit Suisse.

Le degré de surévaluation du franc diffère selon les branches

A quel point le franc est-il toujours surévalué par rapport à l’euro? Dans son analyse, la grande banque rappelle que la monnaie helvétique reste, à son cours actuel de 1,09 franc par euro, toujours surévalué par rapport à la «valeur juste» estimée à 1,22 franc par euro. En fonction des branches d’activité, le degré de surévaluation est même encore plus prononcé par rapport à l’euro. En effet, si la situation s’est quelque peu détendue sur le front des taux de change dans certains secteurs d’activité, comme la chimie et la métallurgie, les prix à la production en francs par rapport à ceux en euros ont continué de se renchérir dans la plupart des secteurs d’exportations. Rien qu'entre le quatrième trimestre 2018 et le premier trimestre 2019, l’«écart par rapport à la juste valeur sectorielle» du franc par rapport à l’euro s'est creusé de plus de 30% dans les matières plastiques, alors qu’il a avoisiné 27% pour les secteurs du textile et de l’imprimerie et s’est établi entre 10 et 20% pour diverses branches comme les produits alimentaires, le papier, les machines ou l’électrotechnique. Dans la pharma, l’écart par rapport à la juste valeur sectorielle s’est limité à 6%.

Les indicateurs avancés montrent que la situation
reste fragile pour de nombreuses branches d’exportations.

Cela signifie-t-il que la politique monétaire de la BNS, qui a en grande partie pour but d'éviter une appréciation du franc afin de pas handicaper l’économie d’exportation, rate sa cible et qu’il faudrait des mesures plus spécifiques par branche? «La politique monétaire revient toujours à agir de manière imprécise, un peu comme si l’on frappait avec un grand marteau», admet Oliver Adler. Néanmoins, souligne le chef économiste, les indicateurs avancés montrent que la situation reste fragile pour de nombreuses branches d’exportations. S’y ajoute l’impact de la cherté du franc d’autres branches, importantes pour le marché intérieur, comme le commerce de détail ou le tourisme.

Gagnants et perdants des taux négatifs

Le faible niveau des taux ne fait pas que des malheureux. Selon le «Moniteur Suisse», l’Etat et les contribuables ont tiré parti du faible niveau des taux de ces dernières années. Entre 2008 et 2017, la Confédération et les cantons ont économisé quelque 23 milliards de francs d’intérêt, dont 13 milliards pour la seule Confédération. Si l’Etat central a été en mesure d'économiser le plus de charges d’intérêt en proportion de son budget, soit environ 2,8%, cela a aussi été le cas de plusieurs cantons romands, dont le Jura, Neuchâtel et Genève qui ont tous pu diminuer leurs coûts entre 2 et 2,5% par rapport à l’ensemble de leurs dépenses grâce au faible niveau des taux.

L’impact de la chute des taux d’intérêt
est moins clair pour les ménages privés.

Du côté des ménages privés, l’impact de la chute des taux d’intérêt est moins clair. Dans l’ensemble, les économies obtenues – par exemple, des charges hypothécaires plus faibles – s’équilibrent avec la baisse des revenus d’intérêt sur les comptes d’épargnes ou des placements obligataires.

Les prix de l’immobilier: un risque pour la stabilité

L’étude se montre plus critique s’agissant de l’impact des taux négatifs sur le secteur de l’immobilier. Si les volumes de construction par rapport au PIB n’ont pas augmenté de manière excessive depuis la crise financière, l’augmentation des prix de l’immobilier, en particulier s’agissant des immeubles résidentiels, a été nettement supérieure à celle de l’indice des prix à la consommation ou des loyers. «La forte hausse de l’endettement des ménages et des prix de l’immobilier représentent un risque potentiel pour la stabilité en Suisse», avertit le rapport.

Quant à l’impact des taux négatifs sur les banques elles-mêmes, Credit Suisse admet qu’il est «difficile à quantifier». Les données disponibles provenant de différents établissements actifs sur le marché intérieur ont fourni une «image contrastée» de l’impact des variations des taux d’intérêt sur la marche des affaires de ces banques.

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