Attention à un raidissement de la courbe des rendements

Philippe G. Müller, UBS

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Un «raidissement baissier» de la courbe pourrait stimuler davantage les actions, tandis qu'un «raidissement haussier» serait inquiétant.

On a beaucoup parlé cette année de l'inversion de la courbe des rendements aux États-Unis (une courbe des rendements s'inverse lorsque les obligations à long terme ont un rendement inférieur à celui des obligations à court terme de même qualité de crédit), car ce phénomène a tendance à précéder une récession outre-Atlantique.

Inversion des rendements = récession?

Une inversion des rendements n'est pas nécessairement la cause de la récession – elle y est simplement corrélée. Cela dit, cela ne signifie pas qu'une courbe inversée ne soit pas un indicateur fiable: sept des huit dernières récessions américaines ont été précédées par une inversion. Un tel bilan est plus fiable que toutes les prévisions d'économistes jamais entendues! Le message du marché obligataire ne doit donc pas être pris à la légère.

Le délai entre inversion des rendements
et récession aux États-Unis varie considérablement.

Mais la courbe des rendements ne doit pas être considérée isolément. Il convient également de surveiller de près les autres indicateurs macroéconomiques avancés que sont le marché de l'emploi et les écarts de crédit des entreprises. En effet, la hausse du chômage et le creusement des écarts de crédit ont toujours été des signes solides d'un ralentissement conjoncturel ou d'une récession par le passé. La bonne nouvelle est que, à l'heure actuelle, les deux indicateurs dénotent une économie américaine toujours en bonne santé.

Que signifie la courbe des rendements pour les marchés des actions?

Si l'inversion de la courbe des rendements américaine peut déboucher sur un ralentissement économique, il reste à savoir quand. Le délai entre inversion des rendements et récession aux États-Unis varie considérablement, de trois mois à la veille de la récession de 1957-1958, à 34 mois avant celle de 2000-2001.

Cette différence est importante, car le coût d'opportunité de passer à côté des gains du marché des actions après une inversion des rendements peut s'avérer considérable. Après l'inversion de la courbe des rendements en janvier 1989, les grandes capitalisations américaines avaient gagné plus de 20% au cours des deux années suivantes et près de 50% jusqu'au début de 1992.

Depuis 1965, les actions américaines n'ont chuté qu'une seule fois
sur sept dans les trois ans ayant suivi une inversion de la courbe.

Alors qu'une inversion de la courbe des rendements obligataires aux États-Unis pourrait constituer un indicateur macroéconomique avancé utile aux États-Unis, elle est beaucoup moins fiable pour les marchés des actions. En effet, elle ne présage que très mal les phases baissières de cette classe d'actifs. Depuis 1965, les actions américaines n'ont chuté qu'une seule fois sur sept dans les trois ans ayant suivi une inversion de la courbe des rendements (à savoir dans les trois ans après 2005, avec la grande crise financière).

si l'inversion de la courbe des rendements US n'est pas nécessairement un présage funeste, que faut-il en penser?

Si l'on en croit l’histoire, après l'abaissement des taux de la Réserve fédérale la semaine dernière, un raidissement de la courbe dû à une moindre baisse des rendements obligataires à long terme par rapport aux rendements à court terme aurait de quoi inquiéter. En effet, au cours des quarante dernières années, un tel «raidissement haussier» de la courbe après une inversion a précédé les trois plus fortes baisses des marchés des actions.

Si, toutefois, la courbe des taux devait se raidir davantage – comme au début de ce mois – en raison d’une hausse des rendements obligataires à long terme plus forte qu'à court terme (un «raidissement baissier»), cela reflèterait un soulagement quant aux craintes de récession, ce qui devrait soutenir les marchés des actions, du moins à court terme.

Dans son scénario de référence, la Recherche d’UBS prévoit que la courbe des rendements américaine restera globalement stable sur les trois à six prochains mois, la rémunération des obligations à dix et deux ans retombant autour de 1,5-1,6%.

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