Alors, à qui la faute?

Philippe Szokolóczy-Syllaba

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«Le monde est dangereux à vivre! Non pas tant à cause de ceux qui font le mal, mais à cause de ceux qui regardent et laissent faire».

Cette célèbre citation d’Einstein est venue plusieurs fois me titiller là où ça démange ces derniers temps. Certes, je suis positivement surpris par le feedback encourageant que je reçois à la publication de mes articles, d’ailleurs surtout par un public jeune (Génération Z) qui se sent manifestement concerné par les sujets traités. Par contre je ne peux m’empêcher d’être consterné par les quelques irréductibles, dont un ou deux de mes amis, qui m’avouent candidement qu’ils n’ont pas le temps de – ou pas le cœur à – s’intéresser aux thèmes qu’ils effleurent.

Alors je veux bien qu’il soit infiniment plus important de se faire son épilation maillot ou plus amusant de jouer une partie de tennis que de s’astreindre au délicat exercice qui consiste à activer ceux de ses neurones encore en état de l’être pour réveiller son sens critique, remettre en cause ses idées reçues et s’inquiéter du misérable sort de l’humanité. Et qu’en présence d’un indésirable qui aurait le mauvais goût de perturber le doux ronronnement de leur existence ou d’en rajouter encore une couche quand ça va déjà suffisamment mal comme ça, il soit bien plus aisé de servir la phrase toute faite, tenue en réserve, du style «oh tu sais, moi la politique...», qu’on peut utilement décliner comme on veut, «oh tu sais, moi l’économie», «les théories du complot», ou même «ce genre de trucs», excellent fourre-tout pour ceux qui ne veulent pas s’embêter. Ou qu’on m’assène le «c’est trop long» ou «c’est trop intellectuel» et le bien sûr classique «je n’ai pas eu le temps».

Il faudrait peut-être qu’on se demande si nous n’avons pas
un devoir citoyen d’arrêter de «regarder et laisser faire».

Mon égo arrive encore à supporter, le problème n’est pas là, mais il ne faudrait tout de même pas trop se mettre le doigt dans l’œil! On a évidemment le temps, en tout cas chacun le même temps, à savoir 24 heures dans une journée. Par contre, s’il est vrai qu’on ne l’utilise pas tous de la même façon, la question se pose néanmoins de déterminer quelles sont nos priorités dans la vie. Personnellement je suis d’avis qu’il faut tâcher d’aller à l’essentiel, bien que je convienne que ce ne soit pas simple tous les jours, avec la quantité de contraintes et d’obligations auxquelles nous sommes soumis, difficiles à complètement éliminer. Je ne jette donc la pierre à personne, mais je dédie néanmoins ces quelques lignes, pour la forme et parce que je suis d’humeur taquine, à tous les paresseux du ciboulot. Car il faudrait qu’on arrive au moins à se mettre d’accord sur un truc: l’heure n’est plus à la plaisanterie, ça va charcler grave si on ne se réveille pas, on va droit au mur avec nos âneries et ce n’est pas le moment de rester les bras croisés à ne rien faire. Voilà c’est dit!

Donc, pour en revenir à Einstein, il faudrait peut-être qu’on se demande si nous n’avons pas un devoir citoyen d’arrêter de «regarder et laisser faire» ou, pire, de ne même pas vouloir regarder. Quand Nicolas Hulot décide de démissionner car il ne veut pas servir d’excuse au gouvernement pour que ce dernier puisse continuer à faire semblant en matière d’écologie, il fait avant tout un choix citoyen, avant de poser un acte politique. Celui de prendre conscience que lorsque nous laissons faire ce qui nous paraît inadmissible, nous devenons complices et participons à l’infamie. Celui de nous rappeler que lorsque nous refusons d’ouvrir les yeux sur certaines réalités, cela revient à les cautionner. Celui de nous encourager à ne pas nourrir le caractère déshonorant, honteux, vil des choses ou des actes en nous bouchant les oreilles.

Etre dans l’affirmation aveugle, sans même avoir étudié
le pour et le contre, me parait inconcevable.

Il est bien sûr facile de banaliser l’affaire Hulot en la réduisant à un évènement politique et de débattre, le sport favori de nos amis «gaulois», sur le timing, la manière, le manque de respect qu’aurait montré le démissionnaire, etc... Tout le monde s’en est d’ailleurs donné à cœur joie dans les médias pendant des jours. Mais pour se poser la vraie question de savoir si le monde doit continuer à être géré par des tireurs de ficelles qui passent leur temps à s’ingénier sur les moyens de nous faire prendre des vessies pour des lanternes, il n’y a pas eu grand monde.

Nous ne pouvons hélas pas nous plaindre de nos dirigeants si en même temps nous les confortons dans l’idée que nous sommes prêts à avaler n’importe quelle salade, sans réfléchir. En nous bouchant les oreilles et en fermant les yeux, c’est pourtant ce que nous faisons. Une de mes amies, bien qu’intelligente et éduquée, me disait qu’elle ne pouvait pas comprendre comment on pouvait remettre en cause le narratif officiel du vilain barbu qui aurait fait sauter quasiment tout seul les deux tours du 11 septembre du fond de sa grotte en Afghanistan. Elle n’avait jamais lu, et n’avait pas l’intention de le faire, aucun des centaines de témoignages, d’articles, d’enregistrements, de films, de pièces à conviction disponibles à tous ceux qui feraient l’effort de les rechercher et qui ont mis en évidence une quantité de contradictions qui ne peuvent que jeter le doute sur la version officielle1. Autant je peux comprendre qu’après avoir analysé les faits, on puisse argumenter que les doutes soulevés ne soient pas fondés, mais être dans l’affirmation aveugle, sans même avoir étudié le pour et le contre, me parait inconcevable. C’est pourtant ce que beaucoup de nous faisons. Parfois par ignorance, bien que la possibilité de se renseigner existe, mais souvent par peur, par paresse ou par manque d’intérêt.

La plupart des gens ne veulent pas entendre la vérité
lorsque celle-ci est trop désagréable.

A cet égard il sera intéressant de voir si le Grand Schtrump tiendra sa promesse électorale. Il avait déclaré qu’il ferait la vérité sur ce qui s’était véritablement passé le 11 septembre2. Pour faire une telle déclaration, c’est forcément qu’il doit savoir des choses qui ne vont pas dans le sens du discours officiel. Aura-t-il le courage de les révéler? Rien n’est moins sûr, car la plupart des gens ne veulent tout simplement pas entendre la vérité lorsque celle-ci est trop désagréable. Sans compter que le Grand Schtrump n’a peut-être pas non plus les coudées franches pour décider tout seul de ce qu’il va dire ou pas sur le sujet. Ne vient-il d’ailleurs pas d’annoncer qu’il se réserve de bombarder une nouvelle fois la Syrie suite à l’annonce qu’Assad serait prêt à utiliser des armes chimiques à Idlib3. Merveilleux, n’est-ce pas?

L’OPCW (Organisation for the Prohibition of Chemical Weapons) a entretemps rendu son premier rapport sur les analyses effectuées à Douma après la prétendue attaque au gaz toxique d’Assad sur son propre peuple en avril dernier. Résultat des analyses, pas de traces de nerve agent ou de gaz sarin4. Juste un peu de chlorine dont il n’est pas précisé s’il y en avait plus que dans votre piscine ou que dans l’eau que vous buvez tous les jours. Aviez-vous d’ailleurs entendu parler de ce rapport? Bizarrement, la presse ne l’a pas repris en boucle pendant des jours comme elle l’avait fait pour annoncer que c’était à juste titre que les US et le France, en leur qualité incontestée de vertueux et courageux défenseurs du monde libre, avaient bombardé la Syrie en représailles aux odieuses manœuvres de ce chien galeux d’Assad qui n’avait pas hésité un instant à gazer tous ces innocents. Alors que ce n’était pas le cas. Plutôt exactement le contraire! Mais du coup, pas un mot de la Pressetituée pour rattraper l’affaire et dénoncer le bombardement de tous ces innocents par les prétendus défenseurs du monde libre qui avaient agi sans preuve et sans raison valable, alors qu’ils ne pouvaient décemment pas ignorer qu’ils étaient en tort. Normal, ce serait trop exiger que d’attendre des médias qu’ils fassent un mea culpa ou à tout le moins un véritable travail journalistique afin de découvrir si les événements de Douma n’étaient pas qu’une opération montée de toutes pièces pour aller dans le sens d’un agenda bien différent de celui qui nous avait été présenté.

Notre indifférence en échange de distractions pour nous détourner
de toute velléité de remise en question du dogme.

Et comme si ça ne suffisait pas, voilà que les US en remettent une couche en nous informant avec une candeur désarmante qu’Assad serait en train de recommencer, cette fois avec du gaz chloré. Recommencer quoi, on se le demande. Mais la stratégie de le crier sur les toits n’est sans doute pas idiote, les US comptant probablement sur le fait que le public n’est pas au courant du rapport de l’OPCW (ce qui est vraisemblablement le cas, vu l’absence de publicité orchestrée par la presse lors de sa sortie) et, pour ceux qui seraient au courant du rapport, en reprenant la référence au chlore pour donner un vernis de semblant de véracité à leurs allégations.

Tout ça pour dire que le phénomène des fake news ne s’est pas seulement développé parce que des gens mal intentionnés, qu’ils soient au sein de gouvernements, d’entreprises ou de la presse, se sont organisés pour nous faire avaler des balivernes, mais aussi, voire surtout parce que nous sommes assez crédules pour nous laisser berner. Pourtant le problème ne date pas d’hier. Guy Debord le dénonçait déjà il y a 50 ans dans son livre culte, la Société du Spectacle5. L’aliénation programmée de notre liberté d’action et de pensée contre l’illusion du choix quasi illimité offert par le consumérisme et les divertissements. Notre indifférence en échange de distractions pour nous détourner de toute velléité de remise en question du dogme.

N’avons-nous cependant pas une responsabilité civique de nous prendre en main, plutôt que de laisser des marionnettistes nous diriger avec leurs contrevérités? Et cette responsabilité, ne commence-t-elle pas par un devoir de s’informer plutôt que de gober tout cru les histoires à dormir debout dont les médias nous abreuvent? Le monde que nous souhaitons pour nos enfants est-il vraiment ce monde qui nous présente la guerre et la destruction de notre biodiversité comme inévitables, voire louables, essentiellement afin de créer de la croissance? Comment en est-on arrivé par exemple à glorifier les actes et propos guerriers d’un psychopathe comme John Bomb, Bomb Bomb MCouenne en l’élevant au rang d’héros national à l’occasion de ses obsèques6? Tiens d’ailleurs, aviez-vous remarqué qu’il est décédé exactement le jour et à l’heure annoncés par QAnon un mois plus tôt? De quoi alimenter les débats dans les chaumières, non?7

 

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