Actions US: trop d’optimisme sur les bénéfices en 2019?

Florence Chernyak-Bosson, CA Indosuez

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Le consensus prévoit une hausse de près de 9% du BPA moyen l’an prochain. Mais une croissance de 7% à 8% semble plus réaliste.

Pour l’indice S&P 500, le consensus table actuellement sur une hausse d’environ 8.8% du bénéfice par action (BPA) au cours de l'exercice 2019. L’enthousiasme est cependant souvent tempéré en cours d’année – la hausse des prévisions de bénéfices pour 2018 était une exception, en grande partie liée à la réforme fiscale. La modération de l’engouement est par ailleurs déjà entamée, puisqu’il y a quelques semaines, le consensus tablait encore sur 10% de croissance des bénéfices pour l’année prochaine. 

Revenons rapidement sur les facteurs de préoccupation actuels. Le premier, à savoir les salaires, nous paraît plutôt maîtrisé. Bien que la croissance des salaires nominaux s'accélère, le seuil de 3% ayant été dépassé en octobre (3,1% en glissement annuel), ce n’est pas le cas des coûts unitaires de la main-d’œuvre ni des salaires en termes réels. Les risques sont à la hausse, mais à ces niveaux, l’impact négatif sur la rentabilité des entreprises concernera principalement celles présentant une forte proportion de travailleurs employés au salaire minimum.

Les coûts de financement devraient être en partie compensés
par une rémunération plus élevée sur les liquidités.

D’autre part, les coûts de financement ont certes augmenté, mais ils devraient être en partie compensés par une rémunération plus élevée sur les liquidités. Toutefois, le fardeau de la dette est plus élevé maintenant que les sociétés américaines ont augmenté leur niveau d’endettement (le ratio de la dette nette sur l'EBITDA de l'indice S&P 500 ex financials a augmenté de 0,99 à 1,5 entre 2008 et 2017). Les firmes qui se sont endettées et qui ont réduit leurs liquidités, dont beaucoup sont de petites entreprises, sont donc plus à risque sur cette question.

Les rachats d'actions ont soutenu la croissance des bénéfices en 2018, mais les volumes devraient rester importants l’année prochaine, et la récente correction des valorisations contribue également à préserver l’attrait des rachats d’actions pour les entreprises américaines. Rappelons que si le rachat d’actions est financé avec de la dette, le bénéfice par action augmente si le coût de la dette après impôts est inférieur au rendement des bénéfices, et celui-ci est encore de 5.31% pour l’indice S&P 500.

Le ralentissement de la croissance mondiale
devrait exercer une pression à la baisse sur les cours des matières premières.

En ce qui concerne la volatilité des prix des matières premières, le ralentissement de la croissance mondiale devrait exercer une pression à la baisse sur les cours. La réorientation du modèle économique chinois et le processus de désendettement nous font attendre une croissance de 6,2% en Chine en 2019, contre 6,4% en 2018. Cependant, l'inquiétude réside plutôt dans l'impact de la hausse des prix des intrants résultant de la hausse des taxes à l'importation. Celles-ci, à savoir 10% sur 200 milliards de dollars d'importations chinoises, ont eu jusqu'à présent un impact relativement faible sur les marges des entreprises américaines, notamment parce qu'elles ne sont entrées en vigueur que le 24 septembre 2018. Les tarifs devraient augmenter à 25% le 1er janvier 2019, et certaines entreprises ont déjà annoncé qu’elles s’attendaient à une augmentation du coût des intrants ; reste à savoir si elles pourront répercuter ces hausses sur leurs prix de vente. Dans son rapport d'enquête complémentaire Supplemental Survey Report - Effects of recent changes in trade policies (août 2018), la Fed de New York constatait que 72% des entreprises manufacturières anticipaient une augmentation des prix payés en 2019, mais que seulement 52% prévoyaient une hausse de leurs prix de vente.

Alors que les perspectives d'expansion des multiples sont modérées, la croissance des bénéfices revêt une importance particulière pour évaluer le potentiel de hausse des marchés actions. Au final, nous pensons qu'une croissance de 7% à 8% des bénéfices en glissement annuel semble plus réaliste pour 2019. Bien que les fondamentaux des actions US demeurent solides – et en font une région privilégiée dans le contexte actuel – la conjoncture soutient le choix de la qualité: parmi les facteurs clés à rechercher dans le processus de sélection de titres, citons un niveau d’endettement faible et une génération solide de flux de trésorerie, ainsi qu’un fort pouvoir de fixation des prix.
 

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