2018, un avant-goût du nouveau monde bancaire en Europe

AWP

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L’année dernière était contrastée et pourrait symboliser l’entrée dans une période moins favorable aux activités de marché, plus réglementée et moins rentable.

Après dix ans d’efforts pour tourner la page de la crise de 2008, le secteur bancaire européen a connu des performances contrastées en 2018, année qui esquisse les contours d’un nouveau monde bancaire: moins favorable aux activités de marché, plus réglementé et moins rentable.

Mercredi, le géant bancaire européen BNP Paribas, habitué à surpasser les attentes, a abaissé une partie de ses objectifs financiers pour 2020 après avoir essuyé une baisse de ses bénéfices l’an dernier. Le lendemain, Société Générale a suivi le même chemin, à l’issue d’un exercice 2018 en demi-teinte.

Une tendance se dégage: les grands groupes européens ont souffert l’an dernier.

Pour ces établissements comme pour leurs concurrents en Europe, une même tendance se dégage: de l’italien UniCredit à l’allemand Deutsche Bank, les espagnols BBVA et Santander ou encore l’helvétique UBS, les activités de marché - autrefois fleuron de l’industrie bancaire - ont souffert l’an dernier.

En cause ? Une conjonction d’incertitudes liées aux tensions commerciales sino-américaines, aux conséquences encore vaporeuses du Brexit et aux crispations politiques en Europe. Le tout dans un contexte de taux très bas, qui compliquent la tâche de faire fructifier l’argent, et de ralentissement de la croissance.

Ces différents facteurs se sont traduits par «des mouvements violents» sur certains marchés comme les actions et les dérivés, tout particulièrement au dernier trimestre, a souligné mercredi Jean-Laurent Bonnafé, le directeur général de BNP Paribas.

Dans ce contexte, le groupe va durcir sa chasse aux coûts, et tout particulièrement au sein de sa banque de financement et d’investissements (BFI) qui va devoir réaliser 350 millions d’euros d’économie de plus que prévu d’ici 2020. L’abandon de certaines activités est également à l’étude.

Société Générale a pour sa part annoncé jeudi un plan de réduction des coûts d’environ 500 millions d’euros dans sa BFI.

«Le financement de l’économie européenne
va passer à terme beaucoup plus par les marchés.»

Au Royaume-Uni, la Barclays est quant à elle sous la pression d’un investisseur activiste détenant plus de 5% du capital et qui souhaiterait voir la banque réduire la voilure dans ce secteur, en particulier les activités de marché, connues pour avoir des résultats plus erratiques que la banque de détail.

Mais pour l’instant, la direction de Barclays ne semble pas vouloir infléchir d’un iota sa stratégie, qui a consisté à bâtir une banque transatlantique, présente au Etats-Unis et en Europe, à la fois dans la banque de détail et la BFI.

«Le financement de l’économie européenne va passer à terme beaucoup plus par les marchés, (...) il est très important de disposer d’une BFI et d’activités de marché de plein exercice à l’horizon 2025-2030», a également défendu mercredi Yann Gérardin, en charge de cette activité chez BNP Paribas.

Attention à ne pas noircir exagérément le tableau des banques européennes, pointent d’ailleurs certains observateurs.

«On n’aura pas toujours un trimestre aussi mauvais sur les marchés financiers. Il ne faut pas en déduire que la banque d’investissement et surtout le trading sont voués à générer des pertes», explique à l’AFP Eric Dor, directeur des études économiques à l’école de management IESEG.

Reste que ces turbulences s’inscrivent «dans une tendance à une moindre rentabilité du trading, en partie due à la réglementation qui a augmenté les exigences en capital sur ce genre d’activité. Il est devenu notoirement plus difficile d’y être rentable», ajoute cet analyste.

Les autres secteurs d’activité des banques
ont réalisé l’an dernier des performances souvent solides.

Dans le sillage de la crise de 2008, qui a fait vaciller le système bancaire mondial et contraint nombre d’États à échafauder de coûteux plans de sauvetage, législateurs et superviseurs ont en effet lourdement renforcé la réglementation et les contraintes de solidité financière.

Toutefois, les autres secteurs d’activité des banques - assurance, gestion d’actifs, crédit à la consommation ou encore immobilier commercial - ont réalisé l’an dernier des performances souvent solides. Les réseaux de détail, fragilisés par les taux bas, ont également montré des signes de redressement.

De façon générale, «on n’a jamais eu des banques avec autant de capital et une aussi bonne qualité de crédit depuis trente ans probablement. On a vraiment un secteur qui est sain et solide», affirme à l’AFP David Benamou, directeur des investissements chez Axiom AI.

«On a des banques qui se sont transformées, qui ne feront jamais plus autant de retour sur fonds propres qu’avant, mais ça les investisseurs ne l’ont pas encore acheté. La banque est devenue une activité régulée avec beaucoup de capital et très peu de volatilité sur les résultats. Ce profil est très différent de ce qu’on avait avant», résume cet analyste.

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