15 ans après la crise financière mondiale

Quentin Fitzsimmons, T. Rowe Price

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La conjoncture diffère aujourd'hui de ce qu'elle était en 2008, lorsque la faillite de Lehman Brothers a presque mené à l'effondrement de l'ensemble du système financier.

Désintermédiation des banques

Dans la période d'après-crise, une série de mesures réglementaires ont été introduites pour améliorer la résilience du système financier, ce qui a fondamentalement changé le mode de fonctionnement des banques commerciales. Les banques sont désormais tenues de détenir une plus grande quantité de capital de meilleure qualité et plus liquide, ce qui limite leurs activités et leur capacité à détenir des actifs à risque dans leur bilan. Cela a entraîné une désintermédiation des banques vers les établissements non bancaires, qui détiennent désormais beaucoup plus de risques qu'auparavant. Cette situation est inquiétante.

Les restrictions imposées aux banques les privent de fournir autant de liquidités sur le marché qu'elles ne le faisaient avant l'effondrement de Lehman. Durant plusieurs années, ce n'était pas vraiment un problème majeur, vu que les banques centrales inondaient les marchés avec l'assouplissement quantitatif (QE). Mais ce soutien disparaît aujourd’hui, et il incombe aux autres acteurs du marché de combler le déficit de financement. Jusqu'à présent, ils y parviennent, mais il n'est pas certain que les liquidités soient suffisantes en cas de nouvelle crise. Les banques déploient généralement des capitaux à ce moment-là, mais comme elles ne peuvent plus jouer le rôle de tampon au niveau de la liquidité, les marchés risquent de se retrouver seuls en cas de difficulté.

Le pic de la mondialisation des marchés a été résolument atteint, et des tendances de démondialisation à long terme sont désormais en place.
Évolution des banques centrales

L'assouplissement quantitatif a joué un rôle majeur dans la reprise qui a suivi la crise de Lehman, les banques centrales ayant redéfini leur rôle en tant qu'organes influents et largement indépendants, capables de sauver les économies nationales. Depuis bien plus d'une décennie, les achats d'obligations par les banques centrales ont atteint des niveaux sans précédent, ce qui a permis de maintenir les taux d'intérêt à un bas niveau, d'assurer une offre abondante de liquidités et de réduire la volatilité. Mais les chocs structurels provoqués par la pandémie de coronavirus et l'invasion de l'Ukraine par la Russie ayant entraîné une hausse de l'inflation à des niveaux inégalés depuis plusieurs décennies, les banques centrales ont recentré leur attention sur la gestion de l'inflation.

Pour les banques centrales, les 20 derniers mois ont fortement contrasté avec la décennie qui les a précédés. Elles ont notamment relevé les taux d'intérêt, qui semblent désormais proches de leur maximum. Elles sont également passées du statut d'acheteur en dernier ressort sur les marchés financiers à celui de vendeur actif, en entamant un resserrement quantitatif, afin de réduire leurs bilans surdimensionnés. Les répercussions sur les marchés ont été considérables. Les investisseurs sont désormais confrontés à un paysage caractérisé par un resserrement des liquidités, une volatilité accrue et des taux d'intérêt plus élevés. La corrélation inverse entre les actions et les obligations s'est également effondrée et, bien qu'elle puisse se rétablir en cas de récession, il est peu probable qu'elle soit aussi stable que durant la période qui a suivi la crise financière, car les banques centrales ne soutiennent plus les marchés.

La démondialisation, la transition verte et l'intelligence artificielle

La démondialisation est un autre paradigme important de la période post-Lehman. Le pic de la mondialisation des marchés a été résolument atteint, et des tendances de démondialisation à long terme sont désormais en place. L'invasion de l'Ukraine par la Russie et la pandémie de coronavirus ont amené de nombreux pays à un repli sur eux-mêmes et à une relocalisation de leur économie. Cette situation inflationniste, tout comme le niveau sans précédent des dépenses publiques et privées nécessaires à la décarbonisation des économies, devrait s'accélérer dans les années à venir.

Certains facteurs peuvent néanmoins être compensés par des changements technologiques qui s'avèrent déflationnistes. L'intelligence artificielle générative, par exemple, est une avancée technologique clé qui devrait permettre une mise à l'échelle plus efficace des biens et des services, entraînant une baisse des prix. Cependant, l'inflation devrait s’établir à des niveaux plus élevés à long terme, ce qui signifie que les banques centrales pourraient subir une certaine pression politique pour assouplir leurs objectifs à l'avenir.

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